La révision de l’article 1er de la Constitution ou le retour du mandat impératif pour les élus
L’article 1er indique qu’une loi précisera "les droits respectifs des partis et groupements politiques qui ont déclaré appartenir à la majorité qui soutient le Gouvernement et ceux qui ne l’ont pas déclaré".
Remarque : dans un régime républicain comme le nôtre, le mandat du président de la République, comme ceux des parlementaires, sont ce qu’on appelle des mandats « nationaux », c’est-à-dire que les élus (cités) ont la mission de représenter le peuple français, qui dans l’ordre juridique interne, comme externe, est présenté comme le souverain du pays, c’est-à-dire le détenteur d’une souveraineté naturelle, légitime. Les élus du peuple sont donc censés représenter, collectivement, ledit peuple, et non des « électeurs » en tant que tel, non des « habitants », mais un « souverain ». C’est d’ailleurs ce qui explique leur mandat non impératif. En effet, chaque élu se voit reconnaître un mandat non impératif. C’est-à-dire qu’un candidat à une élection propose aux citoyens ses idées… Qu’il s’engage à défendre en cas d’élection, au nom du peuple tout entier… Et pas seulement au nom d’électeurs.
L’article 1er, dans ces conditions, met en cause le mandat non impératif des élus, car il suppose qu’il y aurait deux catégories d’élus au suffrage législatif : les élus qui soutiennent le gouvernement, les élus qui ne soutiennent pas le gouvernement.
Or, un mandant n’a pas à soutenir qui que ce soit. Il est considéré comme « libre » du fait de la non-impérativité de son mandat. Il n’est contraint que par les engagements qu’il a pris soin de défendre pendant sa campagne.
Cela signifie qu’un élu n’est responsable que devant son mandataire légitime : le peuple souverain. Il ne saurait, dès lors, être question de « récompenser » les élus qui soutiennent le gouvernement par des droits spécifiques… Puisque chaque élu, représente non pas un parti, non pas un groupe d’intérêt, mais le peuple dans sa globalité. Les termes « majorité » et « opposition » sont utilisés dans le domaine politique, pour clarifier l’existence de groupes politiques, c’est-à-dire de partis. Mais en aucun cas, sur le plan juridique, les parlementaires soutenant le gouvernement ne sont plus légitimes que ceux ne le soutenant pas, puisque par définition l’élection place chaque élu à égalité dans la représentation du peuple. Un homme = une voix.
Cet article 1er remet en cause le principe « d’unité » du pays, puisqu’il tend à faire apparaître les parlementaires comme étant des « lobbyistes » et non comme des « représentants ». Il remet donc en cause l’article 3, et 27 de la Constitution, et l’article 3 de la Déclaration, car il sous-entend qu’il y aurait une France divisée en deux, alors que les Français, lors des législatives, comme lors de la présidentielle, légitiment les divergences d’opinion de leurs élus, en les faisant agir au nom du pays, de la France… Et non de deux France différentes.
Ce mandat est d’ailleurs, par cet article, impératif, puisqu’il suppose que les parlementaires qui ne soutiendraient pas le gouvernement, seraient lésés de leurs droits, puisqu’il y aurait une sorte d’effet « discriminatoire », que la Constitution ne reconnaît pas. Si un maire PS a autant le droit d’agir qu’un maire UMP… Pour quelle raison les parlementaires de la « majorité » auraient-ils plus de droits que ceux de « l’opposition » ?
S’ajoute à cela que cet article nie le phénomène de la cohabitation. En effet, l’article vise à octroyer des pouvoirs plus importants aux parlementaires qui « soutiennent le gouvernement » et à laisser la part congrue aux parlementaires qui ne « soutiennent pas le gouvernement ». C’est donc faire fi du suffrage des Français, car dans ces conditions, cela signifie que, par exemple, si l’on se retrouvait avec des parlementaires issus d’une majorité contraire à celle du président (le gouvernement étant pris au sens large du terme : exécutif) ceux-ci, pour obtenir leurs droits… devraient faire en quelque sorte allégeance au président qui défend des idées contraires aux leurs !
On s’étonnera enfin que les parlementaires, qui sont dans une démocratie le contre-pouvoir naturel de l’exécutif, acceptent un tel article ! En effet, si l’on part du principe que des parlementaires « soutiennent » le gouvernement, alors même que la politique de ce dernier peut se révéler contradictoire avec les engagements pris par les parlementaires devant le peuple, et que cela prive les parlementaires du « choix » personnel que leur attribue l’article 27 (étant entendu que « soutenir » le gouvernement signifie voter toutes les lois soumises par le gouvernement sans se poser de question), à quoi sert le Parlement ? Comment son analyse des politiques publiques, ses possibles divergences, pourraient-elles être possibles dans ces cas-là ?
On terminera en disant que si le but est de donner une sorte de « statut à l’opposition », il n’est en aucun cas nécessaire de « toiletter » la Constitution. En effet, les parlementaires dits de « l’opposition » n’ont qu’à faire valoir que la Constitution leur reconnaît une égalité de traitement avec leur collègue de la « majorité », puisque chaque élu est mandaté par le peuple par le même processus : l’élection. Il n’y a aucune supériorité de légitimité. Les droits reconnus au Parlement dans notre Constitution, sont égaux pour tous les parlementaires !
Le problème réside plutôt dans les règlements, qui sans doute, font une part trop large à ce qu’on appelle la « majorité ». Pourquoi aller réviser la Constitution… Alors que celle-ci est déjà parfaitement égalitaire vis-à-vis des élus du peuple ?
Pourquoi, au lieu d’aller inscrire des bêtises anticonstitutionnelles, dans notre texte fondamental, ne pas se baser sur le vote de confiance que le Premier ministre fait à chaque mandature et prévoir dans les règlements des Assemblées, que les parlementaires qui accordent leur confiance, et ceux qui ne le font pas, obtiennent un certain nombre de droits, relatifs au fonctionnement des partis ? Cela ne mettrait pas en cause le mandat non impératif des parlementaires, et permettrait, effectivement, aux parlementaires qui critiquent régulièrement le gouvernement, de s’exprimer à des intervalles plus réduits. En prévoyant que ces « droits » ne sont pas remis en cause, si par exemple un député socialiste dit « oui » à une proposition de loi gouvernementale, ou si un député UMP dit « non » à par exemple la loi sur les OGM, on assurerait une meilleure représentation, mais sans toucher aux fondamentaux, non de la Ve République, mais de la démocratie, de la philosophie des Lumières.
Mieux. On pourrait prévoir une petite révolution : faire élire le Premier ministre par le Parlement. En faisant élire le Premier ministre par les parlementaires, on détermine ceux qui ont voté contre, comme appartenant à l’opposition. C’est clair et démocratique. Cela renforcerait utilement la légitimité du Premier ministre, trop souvent présenté comme dépendant du président, alors que ce n’est pas le cas selon la Constitution. Et on répondrait aux demandes légitimes des parlementaires, qui veulent exprimer leur mécontentement ou leur joie, devant une loi, sans qu’il n’y ait de facteur visant à contraindre le vote personnel, le mandat non impératif des élus.
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