Le bon goût de la campagne
A quelques jours de l’échéance présidentielle, la campagne se fait de plus en plus présente, voire oppressante. La faute à ces petites choses qui viennent noircir le tableau de cette manifestation politique et entravent l’ambition utopique de débats intelligents et passionnés, où les divers intervenants rivaliseraient d’éloquence pour faire adhérer le quidam à leur cause. Ces petits riens (parfois quand même assez importants) sont largement véhiculés si ce n’est causés par les médias qui, peut-être emportés par un excès de zèle, se permettent certaines libertés qui ne sont pas du goût de tout le monde. Explications.
Les sondages, ou la divination appliquée à la politique
Ils sont partout, impossible d’y échapper. Et pour cause les médias - a fortiori télévisuels - leur donnent une importance parfois indécente lorsque l’on a conscience de la manière dont ces ’’enquêtes’’ sont menées.
Tout d’abord, malgré la promesse des instituts de sondages d’effectuer leurs démarches en sélectionnant un échantillon représentatif de la population selon plusieurs critères (dont l’âge), 30 % des Français (adultes), du fait qu’ils ne possèdent pas de téléphone fixe, sont exclus de ces sondages. Cela pose un problème dans la mesure où cette proportion regroupe la grande majorité desFrançais de la tranche des 20-35 ans qui ne sont de ce fait pas sondables. Autre soucis, les trois points de marges d’erreur admis par les instituts ; ainsi les écarts annoncés entre différents candidats sont, si inférieurs à 3,5 points, admis comme assez ridicules par les sondeurs eux-mêmes (après tout, le fait d’utiliser ces sondages ne tient qu’à la responsabilité des médias). Si encore il n’y avait que cela. Mais non, encore un autre problème, les instituts se livrent à des redressements sur les chiffres récoltés et ne divulguent pas les données brutes. Pourquoi ces redressements ? Tout simplement parce que les sondeurs estiment que les sondés leur mentent, n’osant pas donner le candidat de leur choix. Mais alors pourquoi ne pas plutôt faire appel à un médium ? Est-ce vraiment le rôle du sondeur de deviner si oui ou non la personne au bout du fil lui ment et du même coup deviner ce qu’elle pense vraiment ? De plus ces redressements peuvent être conséquents : jusqu’à un rapport 4 entre les chiffres bruts et redressés. Le meilleur exemple est celui du candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen. En effet ses chiffres sont régulièrement gonflés, les instituts de sondage partant du principe qu’une grande partie de son électorat n’ose dire qu’il votera pour lui. Mais le problème qui est peut-être le plus important dans ces redressements, c’est que les sondeurs refusent de divulguer toutes leur méthodes de redressement ou les données brutes. On en connaît cependant certaines : par exemple le sondeur peut se baser sur les résultats des élections antérieures pour effectuer ces redressements. Mais alors quid de l’évolution des opinions que le sondage est censé mettre en valeur ? Quid des nouveaux candidats ?
On le voit, il faut avoir une confiance aveugle dans les instituts de sondages pour accorder un quelconque crédit à ces enquêtes d’opinion, ce qui n’a pas l’air de gêner les médias outre mesure. Mais outre la façon dont ils sont effectués, on peut se poser le problème de l’intérêt des sondages. Le rôle de l’indicateur de l’évolution des opinions ayant été naturellement écarté plus haut, la question mérite d’être posée. En effet à quoi servent ces pronostics sur le résultat final ? A pas grand-chose, en tout cas pour la multitude qui subit ces études ridicules.
Les candidats à travers les médias, ou les favoris écrasant les outsiders
Il y a un concept, certes pas nouveau, qui est largement utilisé par les médias : celui des petits et des grands candidats. Un concept qui paraît ridicule lorsque l’on se pose la question : comment détermine-t-on qu’un candidat est ’’petit’’ ou ’’grand’’ ? En effet, alors que l’élection n’a pas encore eu lieu, comment peut-on établir qu’un candidat est plus important qu’un autre ?
A partir des élections antérieures ? Mais alors personne ne change d’avis ? Et comment cela se traduit-il pour les candidats qui en sont à leur premières élection ? Bref, on peut écarter cette théorie.
A partir des notions de grands et petits partis ? Comment définit-on un grand parti ? Par rapport aux élections antérieures ? Non, on retombe ainsi au cas vu plus haut. Par rapport au nombre d’adhérent au parti ? Mais alors pourquoi le Parti communiste français, qui a autant, si ce n’est plus d’adhérents que le PS et l’UMP (environ 130 000 chacun), n’est pas considéré comme un aussi grand parti que ces derniers, et pourquoi alors Marie-George Buffet n’est pas considérée comme un grand candidat, du moins pas au même titre que N. Sarkozy, S. Royal, F. Bayrou et J.-M. Le Pen ?
A partir de la facilité d’acquisition des 500 signatures ? A ce moment-là pourquoi F. Nihous n’est-il pas considéré comme un plus grand candidat que J.-M. Le Pen (il a obtenu ses signatures avant ce dernier si je ne m’abuse) ?
Mais alors en s’appuyant sur les sondages ? On peut établir que non, au vu du peu de crédit que l’on peut leur apporter (voire plus haut).
Bref, cette discrimination - n’ayons pas peur des mots - est totalement injustifiée.
Peut-être une conséquence directe de ces inégalités, l’exposition médiatique largement inégale entre les candidats avant que ne soit appliquée la fameuse égalité de temps de parole (les mauvaises langues diront qu’elles ne voient pas la différence).
Autre point qui peut-être énervant, le fait que certains candidats soient (volontairement ou involontairement) enfermés dans certains sujets. Des exemples assez simples : on entend beaucoup parler Voynet d’écologie, Laguiller d’économie et des droits du travail ou encore De Villiers de l’immigration et de la religion, mais relativement peu sur d’autres sujets. Alors, la faute aux médias ou aux candidats ? Chacun se fera une opinion, le sujet ne sera pas développé ici.
Enfin dernier point : pourquoi les médias parlent parfois plus de certaines phrases malheureuses (ex : la ’’bravitude’’ de S. Royal) que des réels enjeux des élections ? Cela devient assez énervant.
Finalement, alors que l’échéance est proche, l’élection ne paraît pas plus réjouissante. Je ne parle pas du point vue des candidats mais du déroulement. En effet entre le vote blanc toujours pas reconnu comme tel et l’arrivée des machines à voter, le rendez-vous électoral de ce mois d’avril promet de ne pas être un modèle démocratique ...
Sources :
- L’ivresse des sondages, d’Alain Garrigou
- Arrêt sur Image : Dans la cuisine des sondages, émission du dimanche 11 mars 2007, sur France 5, largement inspirée du précédent ouvrage
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