La France en crise de civilisation : quand l’homme doit combattre ce qu’il a mis en place
Il existe en allemand un mot pour désigner le changement auquel aspire le président de la République : « die Wende ». Ce mot englobe un concept tout entier quand les mots « changement », « tournant » ou « virage » ne renvoient qu’un son creux. Ce mot, il a été employé en 1989 lorsque l’Allemagne de l’Est a été rattachée à la République fédérale. En français, c’est peut-être dans « révolution » que l’on retrouve la force et la détermination de tout un peuple à changer, à s’adapter, à redémarrer à zéro une aventure commune que l’on appelle société. Et aujourd’hui en France, ce à quoi pense le président Sarkozy, c’est à une révolution dans ce sens allemand, une « Wende ». Quand l’homme doit combattre ce qu’il a lui-même établi. Pourquoi et comment ?
Un capitalisme en dérive
Force est de constater que, depuis des années, depuis des décennies, la société s’est mondialisée. Les pays sont ouverts les uns aux autres et beaucoup d’entreprises sont multinationales. De grands groupes puissants ont émergé. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère du capitalisme qui, mis à part toute considération de cycles de mode de fonctionnement, constitue en fait une dérive dangereuse et perverse. Les exemples ne manquent pas.
En quelques années, l’écart entre salaires des patrons et des employés s’est creusé de façon inimaginable pour devenir grotesque. Peut-on donner une rémunération annuelle de 10, 20 millions d’euros et plus encore au directeur général d’un grand groupe ? Est-ce éthiquement correct ?
Le « made in China » inonde le marché européen de produits pas chers de mauvaise qualité, ce qui a pour effet de chasser la qualité : on se retrouve avec des disques durs qui cassent tous les trois ans, des chaussures qui tiennent six mois et dont le cuir casse à la première pluie, des chaînes hi-fi certes moins chères mais, qu’il faut renouveler tous les deux ans.
Il apparaît clairement que le capitalisme aujourd’hui n’est plus au service de l’homme. Il divise. Il enrichit les grands chefs et les actionnaires, il appauvrit les cadres, les employés, les ouvriers, etc. Il pollue par des cycles de consommation plus rapides au lieu de privilégier la durée de vie et ainsi limiter les conséquences néfastes de l’activité industrielle sur notre planète. Et ce n’est pas ici un discours politique, mais bien un constat.
L’entreprise immorale
La récente et encore actuelle crise des subprimes et ses effets sur l’économie mondiale est bien le résultat de la dérive du capitalisme : aujourd’hui, tout est basé sur les marchés financiers. L’entreprise n’est plus gouvernée pour l’homme, pour obtenir un produit de qualité, pour faire travailler des gens ensemble autour d’un projet. Elle a perdu tout sens moral. Elle est gouvernée par des indicateurs qui ne rendent pas compte du bien-être des employés. Elle est gouvernée par la cote à la bourse, par les spéculateurs, par les résultats à court terme. Elle cherche à minimiser les coûts par tous les moyens.
Les actes immoraux se lisent dans les colonnes des journaux. Ainsi Total n’a jamais daigné subventionner le nettoyage des côtes bretonnes après le naufrage de l’Erika. Le désintérêt pour le patrimoine français de cette entreprise française laisse coi. Lactalis préfère au lait cru le lait pasteurisé dans la fabrication du camembert. L’entreprise préfère les intérêts financiers à l’art de faire du fromage. Elle n’est plus fidèle à la tradition, n’est pas responsable de ses actes, en vient à mentir aux consommateurs. Pourquoi fabriquer un produit si finalement on ne s’intéresse ni à sa qualité ni à son prestige ? Peut-on être fier de travailler dans une telle entreprise ? Ne devient-on pas complice d’un crime accepté de tous ? On n’est pas fier. On ne se sent pas complice. On n’est pas impliqué dans la réussite de l’entreprise. Le directeur général n’est pas impliqué dans la réussite de l’entreprise. Il est de toute façon assuré de quitter son poste avec un lot de stock-options et une prime pour « mauvais résultats ».
L’entreprise familiale s’est fait avaler par le raisonnement « profits-actionnaires-bourse ». Elle subsiste cependant encore dans certains cas. Le chef y connaît ses employés, ce sont parfois des amis, il les estime, il souhaite leur bien. Il est impliqué dans la production, dans la qualité des produits et souhaite naturellement que cela dure.
Le rôle du politique
Du fait de l’aspect mondial de la dérive, seul une détermination énorme des hommes politiques du monde entier peut améliorer la situation. Autant dire que les espoirs de réussite d’une telle aventure sont maigres, tant qu’il n’y a pas de prise de conscience dans les hautes instances. Il s’agit ici de modifier la tendance de la répartition des richesses au niveau mondial et d’intégrer au processus de production des entreprises la récupération des produits mis sur le marché après utilisation.
Pour ce faire, il est nécessaire de développer de nouveaux indicateurs, comme l’a dit le président Sarkozy lors de sa conférence de presse début janvier. Il est indispensable que ces indicateurs tiennent compte du bien-être des employés dans l’organisation, comme je l’ai déjà énoncé dans mon précédent article sur Agoravox. Il est important que ces indicateurs soient intégrés au processus de production.
Il faut également que des dispositions soient prises à l’échelle planétaire concernant les abus du capitalisme quant à la rémunération des chefs des groupes multinationaux.
Changer en douceur
Mener cette politique de civilisation, c’est apporter le changement en douceur, c’est prévoir. C’est aussi rétablir la justice et le droit à chacun de disposer de la richesse du monde. C’est couper court avec la boulimie des actionnaires et des grands groupes. C’est donner aux hommes la possibilité de choisir un meilleur avenir pour l’humanité plutôt que de laisser faire. Le laisser-faire conduit à une dictature des plus riches, dans le sens où leur implication dans les conflits d’intérêts est toujours démocratiquement autorisée, pouvoir de l’argent oblige.
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