Hillary Clinton en Afrique
L’évolution attendue des relations économiques avec l’Afrique à la lumière de la visite d’Hillary Clinton dans ce continent.
Pourtant la guerre de Troie aura bien lieu sur le continent noir. Et pour cause ! Bien que freinés par la récente crise économique et financière, les besoins en matières premières et en ressources énergétiques des pays développés et des puissances émergentes n’ont cessé de croître et de se télescoper.
Ainsi, jadis « chasse gardée » de l’ancienne puissance coloniale qu’est la France, l’Afrique a subi ces dernières années les incursions très prononcées de la Chine pour deux raisons essentielles : l’Afrique est devenue pour la
Quant aux Etats-Unis, ils n’ont jamais été absents dans ce continent. Leurs multinationales y sont présentes dans la plupart des pays depuis fort longtemps : en RDC, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Angola…
Le changement auquel nous assistons de la part des américains vient essentiellement de ce que le président Obama a déclaré l’Afrique comme une priorité de la politique étrangère des Etats-Unis. Changement d’autant plus important qu’il semble mettre l’accent sur deux piliers : d’une part la démocratisation des Etats africains et leur bonne gouvernance ; et de l’autre la proposition d’un partenariat responsable et respectueux ; partenariat dont les contours restent cependant à préciser.
En ce qui concerne la France, elle a longtemps joui d’une position privilégiée en raison notamment de liens historiques qui la lient à ce continent. Les entreprises françaises sont implantées dans la plupart des Etats africains depuis très longtemps et dans presque tous les secteurs économiques. Sa puissance est aujourd’hui de plus en plus contestée en Afrique.
La France n’a pas su accompagner efficacement les Etats africains vers le progrès. C’est le reproche qui lui est fait, à tort ou à raison, par une opinion publique africaine désabusée. Ce qui la cantonne dans une posture plutôt défensive qu’offensive.
La France paraît être la principale victime du regain d’intérêt suscité actuellement par le continent africain. Ainsi le 23 septembre 2008 le président Sarkozy semblait faire écho de sa préoccupation d’une Chine trop conquérante en Afrique dans une allocution prononcée à la tribune des Nations Unies[3].
Au rythme des événements qui ont cours en Afrique, on assiste donc à une sorte de redistribution des cartes et à une redéfinition des stratégies d’implantation des grandes puissances sur le continent noir, face à une opinion publique africaine au réveil et soucieuse de son devenir.
Ainsi, après la récente visite du président américain Barack Obama le 12 juillet dernier au Ghana, c’est au tour d’Hillary Clinton de se rendre sur le continent Africain. Cette visite qui traduit l’importance que la nouvelle administration américaine accorde à l’Afrique[4] conduira la Secrétaire d’Etat dans sept pays[5] à compter du 05 août 2009.
A y regarder de près il semble s’agir d’une véritable déclaration de guerre de positionnement faite à l’endroit de tous ceux qui y sont déjà présents : la France et la Chine, notamment.
Avant d’examiner les choix et les marges de manœuvres dont dispose l’Afrique face à ses conquérants, il convient avant tout d’essayer de comprendre leurs motivations.
Pragmatisme économique ou volonté de participer au développement du continent noir ?
Lorsque nous examinons les différents pays choisis par les Etats conquérants en Afrique (qu’il s’agisse de la Chine, des Etats-Unis, voire de la Russie[6]) il ressort que les pays africains très riches en matières premières ont occupé une place de premier ordre dans leurs agendas. Ainsi le président Russe avait choisi, lors de son périple du 23 juin dernier, l’Egypte, la Namibie, le Nigeria et l’Angola ; Madame Clinton a pour sa part choisi le Kenya, l’Afrique du Sud, l’Angola, la République Démocratique du Congo, le Nigeria, le Liberia et le Cap Vert. Pour ce qui est de la Chine on peut se référer à cette vidéo très explicite.
Quant à la France les voyages effectués par le président Sarkozy au Sénégal, à Libreville ou en Afrique du Sud visaient à réitérer l’intérêt de l’ex puissance coloniale pour ce continent, voyages qui du reste ont reçu un accueil mitigé de la part des populations africaines.
Ce choix de pays très riches en ressources énergétiques ou en matières premières[7] montre bien que nous ne sommes pas en présence d’une simple initiative philanthropique, mais bien en face d’intérêts économiques pragmatiques.
Toutefois, ce pragmatisme économique ne suffit pas à écarter toute volonté de participer au développement du continent noir.
La nouvelle doctrine du « partenariat responsable » énoncée par les autorités américaines semble aller dans le sens d’une implication transcendant la simple exploitation des ressources naturelles.
En déclarant que « le développement dépend de la bonne gouvernance… En ce XXIe siècle, des institutions capables, fiables et transparentes sont la clé du succès[8] », le président américain avait annoncé la couleur de ce que les régimes de gouvernement devaient évoluer vers plus de transparences et de démocratie en Afrique.
Cette incursion du discours américain sur le terrain des politiques intérieures des Etats africains est à notre avis l’apport majeur qui distingue la démarche américaine de celles des autres acteurs. D’ailleurs elle ne serait pas sans lien avec le soutien que recueille l’Amérique auprès des peuples d’Afrique, au regard des sondages les plus récents publiés sur le sujet[9].
Quant à la Chine, elle semble bénéficier d’un accueil tout aussi favorable en Afrique, notamment auprès des dirigeants africains[10].
D’après Valérie PAONE[11] « il existe plusieurs niveaux directs sur lesquels Pékin fonde sa stratégie. Tout d’abord, la Chine attribue des prêts à des taux particuliers (taux zéro), sans se soucier des régimes politiques, prenant en échange la direction des projets d’infrastructure en Afrique, à travers ses firmes. »
Et cette stratégie de Pékin, bien que positive à certains égards (l’Afrique bénéficiant des investissements massifs réalisés par la Chine dans le continent) constitue pour nous un réel problème en rapport avec son implication au développement du continent.
En effet il est aujourd’hui admis que la transparence, la bonne gouvernance et la démocratie sont pour l’Afrique des facteurs clés du développement. En se faisant le partenaire de systèmes de gouvernement corrompus et non transparents, la Chine risque de heurter la sensibilité de l’opinion publique africaine très attachée de nos jours à l’émergence de systèmes de gouvernements responsables, transparents, respectueux des droits et libertés des citoyens.
Pour sa part, la France a longtemps profité d’une situation de quasi-monopole en Afrique. Ses relations paternalistes, occultes et ambiguës avec ce continent font l’objet de dénonciation partout en Afrique. Si France et Afrique ne sont pas en divorce, on ne peut s’empêcher de regarder l’Afrique comme très ouvertes aux nouveaux prétendants, au point de remettre en cause l’équilibre des intérêts français sur place. L’Afrique considérant la France comme un partenaire aujourd’hui très marginal de son développement.
Il ressort de ce premier examen que les intérêts des différents acteurs cités dans cette tribune revêtent un caractère vital en ce qu’ils sont liés à l’énergie et aux matières premières vitales pour les entreprises, pour les puissances occidentales ou émergentes. La participation au développement relève alors d’une simple stratégie d’implantation ou de partenariat. C’est une participation incidente et non volontariste.
Il convient donc à l’Afrique d’approuver, du moins sur le plan théorique, la stratégie la plus en phase avec ses propres besoins vitaux, avec son progrès.
Face à ces conquérants très puissants, l’Afrique dispose d’une marge de manœuvre très étroite.
Le problème avec la France est que l’Afrique veut sortir du joug de la Françafrique. La question est de savoir si la France peut faire converger ses intérêts avec cette sortie.
De plus, la compétitivité des entreprises françaises peut-elle être effective dans un cadre africain démocratique et concurrentiel ? La balle se trouve ici du côté français. Tant que la France n’aura pas résolu ces questions, il lui sera difficile d’amorcer une nouvelle relation avec l’Afrique, une relation respectueuse et responsable avec ce continent.
Quant à la Chine, l’Afrique a grand besoin de ses capitaux, de ses investissements. La grande faiblesse de cette nouvelle puissance économique est plus idéologique en ce sens que la Chine (et nous la comprenons au regard de ce qui la guide en Afrique) refuse de s’impliquer dans la lutte pour les droits de l’homme, et plus généralement pour une gouvernance transparente et responsable des Etats où elle opère.
Dans les Etats d’Afrique comme le Ghana, le Liberia, l’Afrique du Sud où l’expérience démocratique tend à s’enraciner, le partenariat chinois est intéressant. Par contre il l’est moins, pour l’intérêt des populations, dans les nombreux Etats où règnent encore des régimes autocratiques corrompus.
La seule offre de partenariat crédible et globale à ce jour est donc celle en ébauche par la nouvelle administration américaine qui semble s’intéresser aussi bien à l’apport des capitaux, à l’exploitation des ressources qu’à une prise en compte de règles et pratiques de gouvernement en œuvre dans les Etats africains.
Conformes à leur pragmatisme économique habituel, les Etats-Unis soulignent donc la nécessité d’un échange « gagnant-gagnant » avec leurs partenaires africains dans un « new deal » en construction, appuyé sur une exigence de bonne gouvernance des Etats.
Cette démarche ne manque pas d’intérêt. Elle constitue une différence notable entre les différents acteurs en œuvre sur le continent africain.
Elle est d’autant plus importante que seul un environnement démocratisé peut offrir le cadre d’un partenariat sérieux et responsable.
En attendant de passer du discours à la réalité.
Realchange
[1] Notons que la Russie n’est pas en marge de cette bataille au regard de la dernière visite effectuée par le président Dimitri Medvedev sur ce continent le 23 juin dernier. Il y a visité l’Egypte, le Nigeria, la Namibie et l’Angola. http://www.courrierinternational.com/breve/2009/06/24/medvedev-sonne-le-retour-de-la-russie
[2] « L’influence de la Chine en Afrique : une alternative au post-colonialisme ? » p312 par Valérie PAONE disponible en PDF ici : http://www.afri-ct.org/spip.php?article1833
[4]http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20090728.OBS5638/hillary_clinton_en_tournee_dans_sept_pays_africains.html
[5] « Ce voyage soulignera l’engagement de l’administration Obama à faire de l’Afrique une priorité de la politique étrangère des Etats-Unis » dixit Ian Kelly, porte parole du Secrétaire d’Etat le 27 juillet 2009. Source Nouvelobs.com
[6] Nous avons déjà noté que la Russie n’est pas en marge de cette bataille au regard de la dernière visite effectuée par le président Dimitri Medvedev sur ce continent le 23 juin dernier. Il y a visité l’Egypte, le Nigeria, la Namibie et l’Angola. http://www.courrierinternational.com/breve/2009/06/24/medvedev-sonne-le-retour-de-la-russie
[7] Nous citons ici tous les pays visités en sachant que certains le sont pour d’autres raisons. La référence aux matières premières est valable pour l’Afrique du Sud, l’Angola, le Nigeria, la Namibie, la RDC ou le Gabon.
[8] Discours de Barack Obama au Ghana le 11 juillet 2009 disponible ici http://www.lepost.fr/article/2009/07/13/1618527_discours-du-president-barack-obama-au-parlement-ghaneen_1_0_1.html
[10] Voir par exemple l’éloge fait par le président Rwandais Paul Kagamé au sujet des échanges de son pays avec la Chine http://french.mofcom.gov.cn/aarticle/rapport/200705/20070504662238.html
[11] « L’influence de la Chine en Afrique : une alternative au post-colonialisme ? » p312 par Valérie PAONE disponible en PDF ici : http://www.afri-ct.org/spip.php?article1833
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