Le roi d’Haïti
Celui qui a fui son pays, sous la pression de la rue, est-il revenu guidé par sa seule volonté ou sur demande ? Je ne crois pas cette question déplacée et la réponse n'a certainement rien à voir avec un quelconque enchantement. Car nous sommes en Haïti, un des pays du Vaudou, ne l'oublions pas. Et non pas en Tunisie, que les opposants de Ben Ali se rassurent.
Le retour de Jean-Claude Duvalier, de sinistre souvenir "Baby Doc", a de quoi étonné. Lui le poids lourd que je confondais souvent avec cette autre brute d'Amin Dada, n'est plus que l'ombre de lui-même. Apparemment l'exil a été difficile pour ce brave homme, qui prétend n'être revenu que pour soutenir ses compatriotes dans "les malheurs qu'ils affrontent. Surtout depuis ce séisme effroyable". Il doit effectivement être bien malade pour faire part de ses sentiments plus d'un an après les évènements du 12 janvier 2010. Ou alors bien malin. Ou alors bien manipulé.
Et comme j'accorde rarement de l'astuce à ce genre de personnage et que j'ai très peu de connaissances médicales, j'inclinerais par facilité (et convictions ?) à la thèse de la manipulation.
Qui a intérêt à pousser ce vieillard tout raide, de seulement 59 ans, au milieu du chaudron politique haïtien ? Pas mal de monde sans doute.
Je ne pensais pas d'emblée aux Etats-Unis, pourtant une drôle de conférence de presse s'est tenue ce vendredi 21 janvier à Port-au-Prince. En anglais dans le texte.
Car Duvalier, malgré l'insolvabilité qu'il clame depuis de nombreuses années, se fait représenter par d'éminents membres de l'élite états-unienne. L'ancien parlementaire républicain Bob Barr et les procureurs Ed Marger et Mike Puglise semblent ramer tout de même pour diffuser le message d'espoir que Baby Doc veut donner au monde entier.
Finalement la conférence de presse a plus tenu de la comédie que d'autre chose. Rien d'étonnant, mais quand même.
Pour l'anecdote, Bob Barr a été l'un des chefs de file de la procédure de destitution lancée contre l'ancien président Bill Clinton. Ce conservateur bon teint se serait-il rangé des affaires ? et converti au spectacle ? Ce serait heureux.
Quoiqu'il en soit, quel intérêt les Etats-Unis auraient-ils dans cette déstabilisation ? Il suffit toutefois de se rappeler la hauteur de vue et de stratégie des télégrammes diplomatiques divulgués récemment par Wikileaks pour ne s'étonner d'aucune justification.
Quant à l'Etat français. Est-ce que la présence de l'ancien dictateur haïtien dans l'hexagone était génante, ou bien souhaitée en Haïti ?
En transit en France depuis 1987 (à son arrivée, Duvalier ne devait séjourner qu'une semaine, le temps de trouver un exil définitif) et résidant certainement à Paris depuis quelques années, les médias ne parlaient plus de lui. Aucun problème sans doute de ce coté.
Alors une ingérence hexagonale ?!
Enfin et entre autres, certains haïtiens pensent que l'actuel président sortant et encore en poste, René Préval, pourrait disposer, avec la présence de Duvalier sur le sol haïtien, d'un prétexte pour ne pas être contraint à l'exil.
Mon imagination butte à décrire d'autres complôts.
Me faudra-t-il finalement revenir sur ma thèse et croire que ce frêle bourreau, est plus malin qu'il n'en a l'air ?
Et qu'il se prend réellement pour le sauveur d'un peuple et d'un pays qu'il a torturé et pillé pendant 15 ans ?
Ou alors voudrait-il simplement montrer sa bonne volonté à la communauté internationale ? Pour par exemple que la Suisse accepte de débloquer un partie du magôt (la caisse de l'Etat haïtien qu'il avait pillé du temps de sa grandeur) que lui et sa mère ont placé dans une banque genevoise ?
Je viens d'apprendre à ce sujet que la Suisse avait l'intention de restituer cette cagnotte à l'Etat haïtien le 1er février. A la condition que Duvalier ne soit pas sur le territoire à cette date… Information ? Intoxication ?
Ce qui est navrant dans tous les cas de figures, c'est que le bonhomme ne semble pas étouffé par la honte. Ni par sa mission, certains diront.
…
Lorsque l'avion d'Air France s'est posé sur l'aéroport Toussaint-Louverture (ex-François Duvalier, du nom de son papa de dictateur) de Port-au-Prince, des humanitaires étaient présents. Et certains cherchaient à en savoir plus : « Il était roi d’Haïti ? ».
SylvainD.
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