Matériel inadapté, mercenaires azimuthés, soldats sacrifiés
La guerre en Afghanistan n’est pas qu’une histoire d’armées. On vous en a déjà parlé à diverses reprises : les armées américaine et anglaise se sont grandement privatisées et, sur tous les théâtres de combats du monde, on trouve à la place des soldats des mercenaires, dont l’une des caractéristiques essentielles est le non-respect des règles les plus élémentaires de la guerre ou de la sécurité, notamment sur les tirs pendant les engagements. Pour eux non plus, les Conventions de Genève sur le traitement des prisonniers n’existent pas et ces derniers n’ont donc aucun droit. Des groupes de mercenaires, on en trouve partout aujourd’hui. En Irak, où ils pullulent, ou en Amérique du Sud où ils se substituent aux pilotes chargés normalement de lutter contre la drogue et en réalité de surveiller les Farc dans la jungle colombienne. A en devenir otages cinq ans en cas de pépins. Là-bas, en Géorgie, des rumeurs persistantes évoquent le recours à des mercenaires du côté géorgien (on attendra un peu pour le confirmer, pour l’instant seuls les Russes en parlent). Quand ils ne jouent pas les gardes du corps d’Alvaro Uribe. La sécurité de personnalités, là où il faut des muscles et pas nécessairement de cervelle leur convient en effet très bien. On vient de vous conter les aventures de DynCorp là-bas, on n’y revient pas. En Irak, on le sait, ils sont déjà très présents, s’étant précipités avec avidité sur la manne financière que représentait ce nouveau marché. Idem en Afghanistan.
À Kaboul seul, on dénombre la bagatelle de 10 000 contractants, pas moins, répartis en 59 sociétés différentes dont des anglaises telles que Witan Risk Management ou Olympus Security Group. Mais aussi les 3 600 employés d’US Protection and Investigation (USPI) travaillant directement pour le gouvernement d’Amid Karzaï. Payés en moyenne 950 euros par jour, ce qui est colossal pour le budget de l’État pour qui la protection des personnes devient un gouffre sans fin. Leur travail, à l’USPI consiste, par exemple, à protéger et surveiller le chantier du barrage de Kajaki dans la province fort troublée d’Helmand. Une mission autrefois impartie aux soldats anglais, aujourd’hui... rentrés chez eux ! L’endroit avait été le lieu d’un terrible « tir ami » entre des soldats anglais et un avion américain déjà, le 23 août 2007. L’armée française qui vient de se faire massacrer sur place, elle, surveillant et protégeant un autre barrage hydroélectrique, celui de Sorobi, au pays du Corindon. Une région constamment harcelée par les talibans qui espèrent toujours pouvoir couper une partie du pays de son électricité. On comprend aujourd’hui pourquoi plus personne ne veut aller dans ce secteur, sauf... des mercenaires grassement payés, qui sont bien incapables d’installer une présence permanente, ou alors circonscrite au barrage seul. Autour, les talibans continuent à faire ce qu’il veulent. Avec des moyens auxquels on ne songe pas toujours ici, tranquillement installés que nous sommes dans notre fauteuil de bureau...
Le coin est en effet très dangereux : en septembre 2007, à la suite d’un accrochage on a découvert dans un village proche de Sorobi, une fabrique d’IED, des « roadsides bombs ». Ces engins de mort, faciles à fabriquer et ne coûtant presque rien, provoquent de terribles dégâts sur les véhicules, même blindés. Des armes sont aussi cachées dans tout le secteur, et ce depuis... l’invasion soviétique. Des pachtounes avaient pris l’habitude de disséminer un peu partout des stocks, pour ne pas avoir à en porter le long des routes lors des attaques surprises. La guérillla avait déjà atteint ce degré d’organisation sous les soviétiques : c’est cela aussi « l’assymétrie » de ce conflit. C’est comme cela que faisait par exemple Gulbuddin Hekmatyar, et son groupe redoutable (l’Hezb-e-Islami), alors allié des Afghans et des États-Unis, aux temps de l’occupation soviétique. L’homme gérait ses stocks d’armes de cette manière, en plein Sorobi, à moins de 15 km de l’accrochage des Français. Il stockait son armement et ses munitions chez des particuliers. Dont un vieillard, nommé Nusrat Khan, représenté ici en photo, d’un âge incertain (il aurait aujourd’hui entre 75 et 80 ans, car il ne connaît pas sa date de naissance), un invalide qui a subi deux attaques cérébrales. Il est aujourd’hui paralysé, et l’était déjà à moitié en 2003 quand des troupes américaines sont venues le cueillir, au prétexte qu’il cachait les armes d’un taliban. Celles de Gulbuddin Hekmatyar, qui avait en effet entre-temps retourné sa veste en 2002, combattant désormais ces anciens amis et alliés ! Là-bas, on est presque au fait de constater que l’on fait la guerre par tradition, car elle est rémunératrice, parfois autant que la culture du pavot, et que les alliances se font et se défont au gré des humeurs, ou des mariages, au pays où la vendetta familiale est une tradition millénaire.
On embarque donc fissa le vieillard illettré et hémiplégique sans même lui parler dans la langue du coin... direction Guantanamo, pour trois ans, après un mois de détention préalable à Bagram, en oubliant de remarquer ce qu’il s’évertue à leur dire en arabe : les 700 armes et munitions il les gardait, effectivement, contre 50 dollars par mois, payés par l’armée afghane officielle, qui avait repris possession de la cache dès 2002, mais ne pouvait les rapatrier à Kaboul ! Personne pour retrouver un officiel pour le soutenir, et pas de papiers l’attestant : là-bas, la parole suffit. Son fils a été fait aussi prisonnier et expédié à Guantanamo et n’est resté que deux ans avant d’être libéré sans autre forme d’explication. Lui aussi disait pourtant la même chose... en pachtoune, que pas un seul Américain sur place ne comprenait. Pour le transfert à Guantanamo, incapable de marcher, on avait scotché le vieillard sur une civière et on l’avait embarqué dans un de ces fameux avions bleu et blanc bien connus. Après quelques interrogatoires où il répondra toujours la même chose, dans sa langue natale, la seule qu’il connaisse, on le laisse tranquille : pendant un an et demi, il ne recevra la visite d’aucun interrogateur. Un an et demi sans voir personne. Pendant ce temps-là, en mai 2003, un missile américain est envoyé d’un hélicoptère Apache sur le 4x4 d’Hekmatyar, repéré au fond des gorges du Shegal, mais il rate sa cible. Le chef de guerre local s’en sort sain et sauf. Il venait alors de se vanter d’avoir aidé Ben Laden à sortir en 2002 de son bunker de Tora Bora ! « We helped them get out of the caves and led them to a safe place. »
L’homme à l’humeur fantasque et au tempérament sanguinaire avait certainement été prévenu par ses anciens amis de l’Inter-Services Intelligence (ISI) pakistanais, dont il est l’indéfectible allié depuis toujours, ou presque... Il avait en son temps obtenu l’aide d’Ali Bhutto, Premier ministre du Pakistan... et père de Benazir. Personnage redouté et incontournable, il avait même été brièvement Premier ministre afghan, de mars 93 à janvier 94 ! De tous les chefs de guerre Pachtoune, c’était en réalité lui le mieux équipé en armement. Logique : c’était lui en effet qui avait le plus longtemps puisé dans l’aide américaine colossale, de 3,3 milliards de dollars, octroyée aux rebelles afghans ! Trahi par l’ISI, il s’était réfugié en Iran jusqu’en 2002, d’où il avait été expulsé... sur la demande expresse des États-Unis, qui en avaient fait désormais leur cible favorite avec Ben Laden (l’homme en sachant beaucoup trop sans doute !). Il figue depuis ce temps dans tous les bureaux de la CIA et du FBI, comme l’un des hommes les plus dangereux et les plus recherchés au monde. Hekmatyar, responsable du bombardement de Kaboul en 1994 qui avait fait près de 25 000 morts, a toujours eu une réputation d’homme sans pitié, et sans... parole, mais est resté très puissant grâce à ses stocks d’armes et ses hommes aguerris. En voilà un beau parcours, non, fait de retournements et de trahisons de ce nouvel Attila ! En fait, Hekmatyar, qui avait été trahi et avait lui-même beaucoup trahi aussi n’avait depuis le début toujours roulé que pour lui-même : « Hekmatyar has been accused by almost every other political party of being a puppet of Pakistan and the United States. The truth is that while he has received numerous aid from the Pakistanis and the Americans, he was always working for himself. He used the Pakistanis and the Americans as they used him. It is also true that he had close connections with the ISI of Pakistan, and that he was extensively trained by them ».
À Kaboul, Amid Karzaï, très affaibli politiquement, s’était donc résolu dès 2007 à tenter de le faire venir dans son gouvernement, manœuvre encore en cours aujourd’hui, tout en le soupçonnant pourtant d’être derrière l’attentat du 27 avril dernier contre sa personne. Cet attentat, attribué aux talibans, l’avait un peu refroidi, comme l’attaque d’un hélicoptère américain le 2 janvier à... Sorobi, ayant forcé l’appareil à un atterrissage d’urgence. Karzaï en avait entre-temps profité pour augmenter le nombre de ses gardes personnels chez DynCorp... connaissant Hekmatyar, on ne pouvait le blâmer. À se demander aujourd’hui qui dirige effectivement le pays : Hekmatyar ou Karzaï ? Karzaï ayant depuis toujours une réputation de simple marionnette... à côté du vrai chef de guerre du pays.
Pendant ce temps, transféré à Camp Four car sans danger et totalement inutile pour la CIA, Nusrat Khan avait donc eu largement le temps de penser à ce qui lui arrivait... et aux monumentales erreurs des Américains, venus pour libérer et devenus haïs en très peu de temps par un comportement inadéquat. Avec une terrible lucidité, il résume ainsi la situtation : « Bin Laden, we hate him more than you guys, and you people do not realize who is an enemy and who is a friend, » dit-il. « When you came to Afghanistan, everybody was waiting for America to help us build our country. . . The people that hated you were very few, but you just grabbed guys like me. Look at me . . . the things that Americans are doing to us, even if we are not bad guys, we will turn into bad guys and go to the other side. » L’attitude et l’incompréhension américaine, augmentée par la terrible barrière du langage dont on vous a déjà beaucoup parlé ici, ont fabriqué cette extraordinaire situation. La même qu’en Irak : de libérateurs, les troupes sur place sont devenues occupantes et ont multiplié les erreurs de communication ou les bavures au point de se faire copieusement détester par la population locale.
Sept ans après, il est trop tard. Les Afghans ne sont pas plus partisans de Ben Laden que des États-Unis, mais détestent davantage ces derniers. En raison de leur comportement de cow-boys, incapables de respecter un vieillard invalide, personne détenteur de savoir dans un pays où la planche à roulettes, la Playstation, le M-16 et le Coca-Cola ne désignent pas nécessairement un homme respecté. S’ajoutent aux armées au comportement méprisant les mercenaires, et là ça devient catastrophique. On détestait sur place les soldats, on va haïr les mercenaires encore davantage. Et Nusrat Khan de rentrer entre-temps chez lui. Sans aucune charge de retenue, comme pour son fils et encore moins avec une quelconque compensation pour détention arbitraire, ne rêvons pas. Ligoté à nouveau sur une civière, il fait le voyage retour, toujours dans un de ces discrets renditions jets. Comme celui des Red Sox, un Gulfstream IV. Loué 128 760 dollars la journée. Nusrat Khan est aujourd’hui presque entièrement paralysé. Avant de partir de Guantanamo, un procureur afghan était venu le voir en déclarant au retour : « He was sick and he was unable to do anything to anyone. » L’homme n’avait pas bougé depuis dix ans de chez lui et n’aurait pas fait de mal à une mouche. Et pouvait avoir le sentiment d’être trouvé là où il ne fallait pas au mauvais moment. Pas de mal à une mouche, et trois années d’emprisonnement, dans les conditions que l’on sait : tenue orange, privations de sommeil... voire tortures. À plus de 75 ans. Guantanamo restera dans l’Histoire comme la plus grande opération de fabrique de nouvelles générations de talibans. Guantanamo, c’est bel et bien la machine à fabriquer de nouveaux terroristes.
Les soldats français se sont peut être faits agresser avec une partie du stock d’armes décrit ici, car, à ce jour, aucune cartographie n’a été réalisée de ces caches qui traînent partout. Chaque village en recèle, et c’est une raison de plus pour laquelle cette guerre est impossible à gagner. Les gens sur place ne sont pas nécessairement des partisans de Ben Laden. Ils vivent avec à côté d’eux une incroyable dissémination d’armes qui n’a jamais été éradiquée sérieusement. Pour le faire, il faudrait 500 000 hommes dans le pays (il y en a dix fois moins, 63 000 exactement, les Russes en avaient le double et ont perdu la guerre !), le même nombre annoncé par l’ancien ambassadeur en Irak Paul Bremer, pour contrôler tout le pays. On en est loin encore et on n’y sera jamais. Alors on fait comme si on ne le savait pas. Les talibans vont et viennent à moto, et n’ont même pas besoin de prendre nécessairement des armes avec eux. N’ayant pas d’uniformes, les coalisés voient passer des paysans ordinaires : comment déterminer que celui que vous contrôle va vous envoyer une roquette dans le dos dans les minutes qui suivent ? Pour une embuscade mortelle comme on vient de le voir, ils viennent se servir au village le plus proche dans l’équipement standard qui est le leur : AK-47 et RPG-7, et même parfois le Dragunov, le fusil des snipers, adopté par les tireurs d’élite à Bagdad. Un fusil redoutable adopté des deux côtés des forces, et dont certains blessés français soupçonnent l’usage pour les premiers décès extrêmement ciblés lors de leur accrochage mortel. Leur témoignage est formel. Pour ce qui est des attentats à la bombe, c’est pire encore pour les Français : aucun des véhicules envoyés là-bas ne résiste aux IED, et une bonne partie même pas à une mitrailleuse de gros calibre. L’achat à un prix faramineux de cinq véhicules MRAP Buffalo de ForceProtection (sic), des engins spécialisés intransportables par Transall semble être un emplâtre sur une jambe de bois. A-t-on les moyens de suivre l’irrésistible gonflement des prix de l’armement ? Il faut demander cela à notre champion de la lutte pour le pouvoir d’achat de la Direction aux armements !
Le PVP de chez Panhard, pas encore envoyé, n’est guère mieux loti avec son fond plat et ses 130 000 euros pièce de tarif. La France, tranquillement, prend le chemin de l’inflation des coûts des engins en Afghanistan, qui se retrouvent tous sur le dos avec des bombes à 20 dollars télécommandés par des Nokia à 40. En France, on a choisi le « léger à roues » et ce n’est pas ce qui aurait dû être retenu semble-t-il. Les nouveaux VBCI à 4 millions pièce ne sont pas encore là semble-t-il (ils ne le seront pas avant fin 2008 début 2009), et ne résistent pas plus au RPG-7, malgré leur blindage aluminium (la céramique, jugée trop chère n’a pas été retenue). Reste l’AMX 10, dont la réputation... n’est plus à faire comme le dit si bien un participant de notre talentueux confrère de Libération : « L’AMX10, son blindage super rassurant en papier mâché, installer les bandes d’obus de 20 mm en plein hiver et terminer les mains en sang, son inverseur qui saute à la première bosse et vous permet de terminer la manœuvre à pied (c’est lourd un poste Milan !), que de souvenirs... » Seuls 5 RP-10C, vantés comme plus performants, ont été envoyés à Kapissa. Trois seulement seront donc opérationnels... Un posteur chez notre confrère résume aussi sèchement son cas : « Je me souviendrai toujours de cette phrase d’un chef de char me disant en substance : être protégé par le blindage de l’AMX-10RC ou ne pas être protégé du tout, c’est à peu près la même chose. » Bigre. Pire encore : sur les photos actuelles des patrouilles françaises en Afghanistan, on voit surtout des VAB (pour Véhicule de l’Avant Blindé). Sans le Proctector M-151, une mitrailleuse de 12,7 automatisée, tout juste achetée en mai dernier dans l’urgence, car la tourelle manuelle montée à la hâte en attendant est aussi... dangereuse. Un adjudant français est mort à Kaboul à bord de sa tourelle de tir de VAB devenu VIB, avec cette tourelle bricolée à la va-vite. Ce sont exactement les mêmes errements que ceux des Américains que la France reproduit sinon calque à l’identique ! Le tir aux pigeons, (désolé pour les parents des victimes et des jeunes massacrés) va devenir français. Non seulement on les envoie se faire tuer, mais on ne les protège même pas. Selon notre confrère de Secret Défense, les VAB sont de vraies boîtes à sardines : « le VAB est une brave monture, mais totalement inadapté au champ de bataille actuel. Son blindage ne résiste pas à de la 12,7 et sa capacité à encaisser des explosions de mines est à peine supérieure de celle d’un véhicule de tourisme. » Même pas résister à la 12,7 mm russe ? Et même équipé d’antennes de brouilleurs ant-EEC/IED qui déclenchent les mines à distance, donc. Il ne reste plus qu’à espérer que les talibans n’achètent pas de Shmel « BumbleBee » soviétiques... Or c’est déjà le cas : nos soldats sont en grand danger avec ce type d’armes dévastatrices, légères et portables.
Car il y a pire encore avec cet engin de mort. Les hommes qui ont attaqué les Français sont apparus comme par enchantement et sont repartis tout aussi vite. En avril 2002 déjà, un fin observateur de la région de Tora-Bora qui n’est pas si lointaine, ou de celles Pajara et de Sari-Pul avait déjà noté clairement le problème de ces talibans utilisant les caves naturelles de la région, pour se cacher ou stocker des munitions, déjà au temps des soviétiques. En se demandant comment parvenir à les en déloger : « I have seen a Soviet company commander crying bitterly in rage and helplessness as heavy machine guns firing from the dark cave mouths pinned down his men, while supporting artillery shells harmlessly struck the slopes around the caves. Only a few weapons could destroy the enemy hiding in those caves to include- Laser-guided »smart« bombs delivered with pinpoint accuracy.-Fuel-air munitions that created a smashing blast wave and inferno inside the caves and their tunnels.-The Shmel ( »Bumblebee« ) portable grenade launcher and its 93-mm thermal warhead grenades ». Les Français, en Afghanistan, ne disposent que bombes guidées, larguées au compte-goutte par quelques Rafale ou Etendards devenus terrestres, étant donné leur coût colossal. L’achat de Shmel aurait été plus que recommandé, mais personne au haut commandement n’en a retenu l’idée, à croire que les militaires français sont les clones désormais des militaires américains : c’est à nouveau chez eux vouloir tuer des mouches avec un marteau.
Le seul indice positif de l’équipement militaire français que l’on ait, c’est l’achat de HellFire AGM-114N, de type thermo-barique comme le Shmel, pour l’équipement des hélicoptères Tigres français... à part qu’en Afghanistan aucun Tigre n’a été déployé... et que seuls des Apaches anglais en possédent sur place. La France a pour l’instant... quelques Cougars seulement en tout et pour tout en Afghanistan et deux EDC275 Caracal, tous des hélicoptères de... transport et non d’attaque. Et aucun drone de surveillance sur place. La France a également besoin d’EMB314 SUPER TUCANO, l’appareil COIN rêvé acheté par la Colombie (et même Blackwater en Irak !), elle est en train de mettre à la casse ses EMB312 TUCANO d’entraînement. C’est le monde à l’envers avec notre ministre Hervé Morin qui ne semble ne pas du tout dominer la question de la guerre assymétrique afghane. Quant à tenir une cartographie des caches et tunnels, autant dire que pour la faire il faut absorber un nombre considérable d’ouvrages, dont pas mal de français, comme cet étonnant ouvrage de Claude Chabert et Montserrat Ubach.« Campagne de reconnaissance spéléologique en Afghanistan. » qui date de 1975. Un ouvrage répertorié... chez les militaires américains. Les militaires français sont-ils partis avec cette cartographie ? On ne le sait pas. Tout ce qu’on a pu distinguer, dans les reportages, ce sont des cartes géophysiques traditionnelles.
Le Shmel dévastateur est effectivement capable de s’en prendre à des bâtiments, c’est l’arme rêvée pour ça, mais il peut aussi avoir donné des idées aux talibans qui tentent de s’en équiper depuis, via les réseaux que nous avons amplement expliqués ici dans notre série sur les « cargos » : on peut craindre l’attaque de camps retranchés français : après les hommes, les véhicules, c’est ce à quoi on va avoir droit. Pas besoin de char T-72 pour ça : juste une moto, un homme et un Shmel en bandoulière. L’engin est d’une telle puissance que déjà on voudrait en interdire l’usage, comme celui du naplam ou des bombes à sous-munitions... Il volatilise tout sur son passage : maison bunkers... et habitants, qui se retrouvent bouillis avant d’être grillés vifs. Si l’on perd un des trois éléments, son remplacement n’est pas le coût d’un T-72. Les talibans, riches de la vente de leur pavot font une guerre à l’économie : ne cherchez pas plus loin pourquoi elle dure depuis des années. Les stocks quand ils ne sont pas chez les villageois sont donc dans des grottes, les fameux « kyareses » de la région, ces effondrements naturels qui truffent la région. « The kyareses could also support offensive operations. On numerous occasions they were used as underground approach routes in attacks on our positions. In many cases, the assault force arrived undetected, offering the enemy an element of surprise that cost us dearly. Very often snipers used kyareses, especially those located close to the roads. They would fire several rounds at our convoys or patrols and then disappear into the dark underground areas where it was virtually impossible to get at them. » Les soldats français ont-ils été victimes de ses caches si particulières ? Probablement, puisque l’auteur évoque leur utilisation privilégiée par les snipers, et que le coin en regorge. Ont-ils été attaqués par des éléments circulant dans les réseaux enchevêtrés de grottes et de conduits souterrains ? Très certainement également. À savoir que quand bien même ils auraient subi un bombardement, ils auraient néanmoins réussi à s’échapper. C’est le syndrome vietnamien qui resurgit. Avec aucun moyen d’y remédier, à moins de milliers de bombes ciblées. Les États-Unis viennent de larguer le 21 juillet dernier leur dernière bombe de type DaisyCutter, celle qui avait été utilisée à Tora-Bora... pour rien. Ou pour épater la presse, comme nous vous l’avions dit ici. Elle n’a jamais été adaptée au terrain et n’a servi qu’à faire de belles images de champignons pour les journalistes en mal d’images. Mais n’a jamais réussi à supprimer les réeaux de caves et de caches.
Matériel inadapté et confrères recrutés à la hâte. Si les soldats français ne se font pas tuer par des talibans, se sera par des « tirs amis ». En Afghanistan comme ailleurs, le comportement des mercenaires laisse à désirer. Les règles de sécurité sont ignorées, et les bavures s’accumulent. La dernière en date nous revient le 11 août dernier du Canada, avec la mort d’un soldat canadien tué à bord d’une tourelle de véhicule blindé LAV III. Selon plusieurs sources, aucun tir taliban n’en serait responsable. Ce seraient bien les mercenaires excités qui auraient tiré par mégarde sur le caporal-chef Josh Roberts. IL devait être papa dans le mois. Un autre cas similaire est celui d’un employé d’un de ces groupes privés, DynCorp, qui a tiré sur son propre traducteur en juin 2006. Pendant ce temps-là, DynCorp empochait 290 millions de dollars pour entraîner la police irakienne (à vous d’imaginer les dégâts sur place), tout en continuant à avoir un comportement limite comme celui de ses « confrères » de Blackwater : massacre à la mitrailleuse de civils en plein Bagdad, dispersion de gaz innervants par hélicoptères sans aucun discernement, à en répandre jusque sur les troupes américaines. Dans les deux pays, le comportement de personnes privées met en danger les troupes sur place, en provoquant dans la population un phénomène de rejet durable. Leurs excès catalyse les rancunes et déroule un tapis rouge aux talibans ou aux terroristes qui parfois n’en demandaient pas tant, ou aux chefs de guerre locaux qui choisissent leur bord uniquement en vertu des revenus financiers qu’ils pourront en tirer. Les populations se jettent dans leur bras à la moindre exaction adverse. Si on y ajoute les frappes massives et aveugles des avions américains utilisés avec toujours aussi peu de discernement, on en arrive à une situation de rejet pur et simple de la population, un rejet inextinguible et insoluble. Au moment même où je vous écris ces lignes on apprend la mort de 76 civils afghans lors de bombardements dévastateurs de la coalition. La population n’apprécie pas les talibans, mais les trouve moins dévastateurs que les troupes de la coalition, dont nous avons déjà dit ici qu’un seul contingent avait réussi son approche des contraintes locales : celui des Hollandais. Deux ou trois bombardements à l’aveuglette plus tard (sur un mariage !) et trois ou quatre bavures de mercenaires plus loin, et leur travail de fond était à mettre aux oubliettes de l’occupation ratée et de la guerre perdue. Avec aujourd’hui au milieu de ce désastre datant de 40 ans, nos soldats de 20 ans et leur 150 cartouches pour tenir le plus longtemps possible...
L’armée française se retrouve par la volonté présidentielle seule (il n’y a pas eu de vote à l’assemblée, il y en aura un à la rentrée paraît-il) dans ce bourbier dont personne n’arrivera plus désormais à sortir. La vie de 10 courageux gamins de 20 ans valait-elle un engagement pareil ? Notre président parle toujours là-bas d’aller lutter contre le terrorisme dans sa vision si particulière du monde. Son chef d’état-major découvrant tardivement semble-t-il ce qu’il aurait fallu faire... avant de partir là-bas : "on ne vient pas à bout d’une insurrection uniquement par des moyens militaires. Il faut créer les conditions permettant d’enclencher le cercle vertueux de la sécurité et du développement" dit aujourd’hui Jean-Louis Georgelin. Si on n’y vient pas à bout militairement, à quoi cela rime-t-il d’y envoyer... seulement des militaires ? Le jour où le chef de guerre Hekmatyar deviendra ministre effectif du gouvernement Karzaï, ce qui ne saurait plus tarder, ces admirables gamins français accepteront-ils l’idée de se faire tirer dessus par des armes lui appartenant ? Karzaï tiendra-t-il encore longtemps ? Les Américains feront quoi de ce ministre aussi recherché sur leurs tablettes que Ben Laden ? Ils décrocheront son portrait des bureaux du FBI et de la CIA comme terroriste le plus recherché au monde et iront lui serrer candidement la main ? Hervé Morin ira-t-il le rencontrer s’il hérite du poste de la défense ? Faudra-t-il que les Français apprennent que là-bas, combattre pour Karzaï, c’est avant tout se battre pour le pavot ?
La liste des firmes privées principales en Irak et Afghanistan :
BLACKWATER (US)
DYNCORP (US)
USPI (US)
GARDAWORLD (Canada)
AEGIS DEFENCE SERVICES (UK)
ARMOR GROUP (UK)
CONTROL RISKS Group (G-B)
GLOBAL STRATEGIES GROUP (G-B)
KHAWAR OLIVE GROUP (GB)
OLYMPUS SECURITY LTD. (G-B)
PAUL GRIMES (G-B)
SALADIN (G-B)
WITAN RISK MANAGEMENT (G-B)
SOC-SMG SPECIAL INTERVENTION GROUP (SIG) : NORWAY
KHAWAR (AFGH)
MELLAT INTERNATIONAL SECURITY (AFGH)
WATAN AND CAPS, (AFGH)
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