Zimbabwe : mais que cherche l’Occident ?
Les discussions ont commencé entre Mugabe accroché au pouvoir et Tsvangirai qui voudrait bien y accéder. Les deux ont leurs arguments, les deux ont leurs envies, mais les deux ont conscience qu’il leur faut arriver à un accord. Alors, ils mettent tous les deux de l’eau dans leur vin pour tenter de trouver cet accord.
Et pendant ce temps-là, au lieu d’essayer de faciliter les discussions ou tout au moins de ne pas jeter de l’huile sur le feu, l’Union européenne et les Etats-Unis font au contraire tout pour fâcher Mugabe, comme si leur objectif était que l’accord ne se fasse pas. Ce qui est d’ailleurs probablement le cas.
L’image de Mugabe serrant la main de Tsvangirai a remué les tripes de tous les Zimbabwéiens : enfin un geste qui donne un petit espoir d’une solution négociée. Et tous les Zimbabwéiens, qu’ils soient encore sur le territoire national ou réfugiés à l’étranger, retiennent leur souffle, car les deux semaines de négociation sont les deux semaines les plus délicates de ces dix dernières années.
A la base des discussions, on trouve l’élection présidentielle très controversée de ce printemps, avec un premier tour dont plus personne ne discute les résultats (Mugabe 45 %, Tsvangirai 48 %) et un deuxième tour dont Tsvangirai s’est désisté à cause des violences électorales, avec 120 morts du MDC (selon le MDC) et un nombre incertain jamais annoncé de morts du côté du parti au pouvoir, le Zanu-PF. La loi électorale est claire à ce sujet : si un candidat se désiste entre les deux tours, c’est celui qui reste qui devient président.
Et donc Mugabe se bloque en disant qu’il est président, mais Tsvangirai dit que c’est lui qui doit diriger en se basant sur les résultats du 1er tour dont les résultats ne sont mis en doute par personne.
Ce qu’en pensent les Zimbabwéiens
Les milieux proches, mais ne participant pas aux discussions parlent d’une solution de Mugabe président, et de Tsvangirai Premier ministre. En d’autres termes, d’avoir de nouveau une séparation chef de l’Etat/chef du gouvernement (comme ce qu’on a en France, par exemple) au lieu d’une seule personne qui rassemble les deux fonctions (comme ce qu’ont les Etats-Unis, par exemple).
En tout cas, cet accord serait la meilleure chose qui puisse arriver, car même si l’on se base sur les résultats incontestés du premier tour, il n’y a que 3 % de la population de différence entre les deux, et dans un univers de tension aussi fort et le besoin évident d’une unité nationale pour redresser le pays, il serait difficile de concevoir un régime qui ignorerait totalement l’autre moitié du pays, qu’il soit d’un côté ou de l’autre.
Ce qu’en pense l’Occident
L’Occident ne l’entend apparemment pas de cette oreille, et alors que les discussions sont difficiles et les liens encore bien fragiles, l’UE tente de jeter de l’huile sur le feu et fait apparemment tout pour casser la discussion en appliquant des sanctions contre Mugabe et son parti et en multipliant les déclarations pour dire qu’ils refuseront toute solution où Mugabe aurait un pouvoir dans l’exécutif. Oser venir dire après ces déclarations qu’ils espèrent que les discussions aboutiront relève dès lors du cynisme le plus vil.
On devine parfaitement en filigrane la politique de la Grande-Bretagne. Pour eux, Mugabe est un homme à tuer, au point qu’à une certaine époque, des plans avaient même été étudiés pour l’assassiner. Mais le risque de se faire prendre était trop grand par rapport au risque de perdre définitivement le Zimbabwe : car l’objectif de la libérale Grande-Bretagne, c’est de remettre la main sur les richesses du Zimbabwe.
Dans ce cadre géopolitique, on comprend assez bien l’attitude des Etats-Unis : la GB les a aidés pour faire main basse sur l’Irak, et donc aujourd’hui les Etats-Unis aident la GB a faire main basse sur le Zimbabwe, et ce d’autant plus qu’il y a peut-être un truc à faire avec l’Iran dans un avenir assez proche. Avec les mêmes arguments : celui du dictateur fou (comme Saddam Hussein), du malheur de la population, des pauvres réfugiés, de la violation des droits de l’homme... La seule grosse différence, c’est que les Etats-Unis avaient fabriqué des fausses preuves d’armement de destruction massive et que la GB ne peut plus le faire, parce que, désormais, le reste du monde va regarder à deux fois les "preuves". Donc, on parle du massacre de l’opposition (120 morts quand même), et de la misère des paysans qui n’ont plus à manger. Mais on se garde bien de venir aider pour lutter contre la sécheresse de peur que le pays ne se redresse : en leur donnant à manger et de façon insuffisante par le Programme alimentaire mondial, on les maintient dans cet état désespérant qui permet d’accuser Mugabe.
Donc, même si ce n’est pas très joli, on comprend l’attitude de la GB et des Etats-Unis. C’est ce qu’ils appellent de la real politic, et tant qu’on est du côté du manche, c’est plutôt confortable à défaut d’être moral.
Ce qu’en pense Sarkozy
Mais que vient faire Sarkozy là-dedans ?
L’intérêt de la France n’est pas en jeu, pas plus que celui de l’Europe. Pire, la dernière réunion Afrique-Europe nous montre bien que l’attitude de l’Europe essayant du plus qu’ils peuvent de faire capoter l’accord au Zimbabwe est très mal ressentie par l’Afrique, ce qui ne va pas aider à passer de bons accords, avec la Chine qui se frotte les mains en regardant ladite Europe se tirer une balle dans le pied vis-à-vis des ressources des pays africains.
Sans avoir aucun élément qui me permette de l’affirmer, je pense que l’attitude de Sarkozy résulte d’un accord secret avec la GB : Sarko aide la GB sur ce sujet en positionnant l’Europe conformément aux souhaits de la GB et celle-ci votera dans le sens de Sarko pour les réformes qu’il veut appliquer pendant sa présidence de l’Europe. En tout cas, le principe du rasoir d’Occam qui dit que l’explication la plus simple est presque toujours la bonne par rapport à l’explication compliquée plaide en ma faveur.
Ce que j’en pense
Je suis profondément choqué par cette attitude qui cherche clairement à faire capoter un accord négocié pour que la population souffre encore plus pour des raisons bassement économiques. Car ne vous y trompez pas : ce ne sont pas des considérations humanitaires qui poussent les pays occidentaux contre le Zimbabwe, mais bien des considérations économiques. La preuve est devant vos yeux avec le silence tonitruant face à des situations humanitaires et de viol des droits de l’homme considérablement plus graves, mais dans des pays où il n’y a rien à gagner.
Qu’en pensez-vous ?
Et vous ? Allez-vous continuer à suivre la version à la mode du Mugabe traité de dictacteur fou en essayant aussi de faire capoter du plus que vous pouvez une solution négociée que tente d’obtenir l’opposition à Mugabe ? Allez-vous aussi décider que vous savez mieux que le peuple du Zimbabwe ce qu’ils veulent et aider l’esprit colonial d’antan à reprendre possession des richesses du Zimbabwe ?
Ou bien êtes-vous d’accord sur le fait que l’Europe et les Etats-Unis feraient mieux de se taire et d’attendre les résultats de la négociation entre les intéressés, quitte à remettre la pression après si ces négociations n’aboutissent pas ?
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON