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Bruno Le Maire, du courage dans l’adversité

La décision de la Commission de Bruxelles de récupérer les aides perçues par les agriculteurs entre 1992 et 2002 a mis le feu aux poudres d’un secteur en crise. Bruno Le Maire, qui s’est prononcé en «  faveur » du remboursement d’une partie de ces sommes, a un peu trop rapidement été pris pour cible

A quoi correspondent ces aides ?

En 2005, la Commission européenne avait diligenté une enquête concernant les subventions perçues par la filière française des fruits et légumes de 1992 à 2002. Cette analyse, après d’âpres négociations, avait abouti à la décision irrévocable de la Commission du 28 janvier 2009 : la France a l’obligation de se faire rembourser les aides délivrées aux agriculteurs durant cette période. Aux dernières nouvelles, le montant atteindrait la somme de 700 millions d’Euros (intérêts compris).

Dans ce rapport signé par Mariann Fisher Boel (commissaire européen chargée de l’agriculture et du développement rural), on apprend que la France est coupable d’une « distorsion de la concurrence  » vis-à-vis des autres États membres en vertu de la sacro-sainte règle de la concurrence libre et non faussée. Il faut rappeler que les marchés agricoles européens sont réglementés par le biais de l’OCM (Organisation Commune des Marchés) , qui établit un régime commun de prix.

Dès lors, en accordant des subventions, la France a contredit les règles du marché commun et a porté préjudice à l’ensemble des agriculteurs des autres États membres. Certes, un État a le droit d’accorder des aides d’urgence lorsqu’un secteur est en crise mais il doit pour cela avertir au préalable la Commission européenne. De plus, ces soutiens exceptionnels ne doivent en aucun cas être pérennisés. La France n’a pas respecté cette procédure et a donc violé l’article 88, paragraphe 3 du traité de la Communauté européenne. Elle est accusée d’avoir facilité « l’ écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés.  »

L’ancien ministre de l’Agriculture Jean Glavany affirmait sur France 2 : «  on savait que l’on prenait des mesures contestables par Bruxelles…  ». Les gouvernements de gauche et de droite de l’époque ont en effet une responsabilité importante dans la situation de crise que nous rencontrons actuellement. Comment ont-ils pu prendre de telles décisions, en étant à ce point en contradiction avec le droit européen ?

Faut-il immoler Bruno Le Maire ?

Bruno Le Maire est un homme politique brillant. Ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin, il a réussi l’exploit de se faire un nom en Sarkozye tout en restant fidèle à son ancien mentor. Après avoir été le grand artisan du renouveau des relations franco-allemandes lorsqu’il était secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, il a hérité du ministère de l’Agriculture le 23 juin dernier en remplacement de Michel Barnier, élu député européen.

Après avoir été confronté à la crise laitière, il est amené à se prononcer sur ce fameux dossier du remboursement des subventions, reporté à plusieurs reprises aux calendes grecques.Suite à la décision de la Commission en janvier, la France bénéficiait de 4 mois pour fournir les noms des différents bénéficiaires de ces subventions. Michel Barnier a tenté de gagner du temps en faisant appel auprès de la Cour européenne de Justice, le 8 avril dernier.

Mais devant les pressions répétées de la Commission face à la date butoir fixée au 29 juillet, Bruno Le Maire a décidé de prendre le dossier en main. Alors que certains médias jettent déjà l’anathème sur son action, Bruno Le Maire n’a pas cherché à fuir ses responsabilités. Il aurait très bien pu jouer la carte de la « démagogie franchouillarde  », en opposant la France Agricole à « l’obscure bureaucratie bruxelloise ». Mais le nouveau ministre de l’Agriculture a privilégié l’honnêteté vis-à-vis de Bruxelles et des agriculteurs.

Plusieurs raisons justifient cette décision qui n’est en aucun cas le résultat d’une « erreur de jeunesse » comme a pu le dire Jean Glavany. Le principal c’est que la France n’a plus vraiment le choix. Comme l’a indiqué Bruno Le Maire, si elle ne s’exécute pas, la France risque « d’être exposée à une condamnation qui l’obligerait à rembourser une somme plus conséquente dans cinq ou dix ans ».

Deuxièmement, c’est en fin diplomate que Bruno Le Maire donne des gages de bonne conduite à Bruxelles pour mieux négocier par la suite. Stratégie gagnante puisqu’il a déjà obtenu deux mois supplémentaires (jusqu’au 29 septembre) et souhaite en obtenir davantage pour procéder à une vaste expertise des systèmes d’aides durant cette période (1992-2002). En effet, le ministre conteste toujours le montant qu’il juge « largement surévalué ». En 1997, c’est par le biais de la négociation que la France (en situation analogue mais dans le secteur du textile) avait pu réduire sa dette de 40% et l’étaler sur 3 ans.

La troisième raison, c’est que Bruno Le Maire ne souhaite pas fragiliser la position française avant la nouvelle renégociation de la PAC (en Janvier 2010) où l’avenir de toute l’agriculture française risque de se jouer.

S’attaquer aux problèmes structurels

La question du remboursement des subventions tombe malheureusement au pire moment. Depuis quelques années, la consommation nationale de fruits et légumes est en chute libre. La conjoncture économique n’a malheureusement pas arrangé la santé financière de ce secteur. Depuis 2008, toutes productions confondues, les agriculteurs ont vu leurs revenus reculer de 20%.

Bruno Le Maire souhaite profiter de cette crise pour s’attaquer aux « difficultés structurelles » que rencontre la culture maraîchère française. Les agriculteurs souffrent en permanence des disparités en terme de coûts de main d’œuvre, deux fois moins élevés en Espagne ou en Allemagne. Lorsque l’on sait que le coût du travail représente 50% du coût du produit, on comprend dès lors les difficultés qu’une telle inégalité peut représenter pour les exploitants. La question des salaires étant propre à chaque État membre, elle n’est malheureusement pas comprise par la PAC. Il est donc urgent d’alléger les charges salariales des agriculteurs afin de les rendre plus compétitifs.

C’est justement la proposition de Bruno Le Maire qui évoque un plan de soutien comprenant notamment « une prise en charge des cotisations sociales et d’allègements d’un certain nombre de charges financières dont les charges liées aux emprunts ou aux intérêts d’emprunt ».

Comme lâché par Nicolas Sarkozy et François Fillon, étonnamment muets, Bruno Le Maire fait face avec courage et détermination à des problèmes laissés en suspens depuis bien trop longtemps. Espérons que les mois à venir ne lui fassent pas regretter d’avoir resisté aux sirènes du populisme…

Article publié sur Reversus


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