Imaginaire écologique et réponse politique
Le score inattendu par son ampleur d’Europe Écologie le 7 juin 2009, à parité avec celui du Parti Socialiste, ne doit pas nous faire oublier le score calamiteux de Dominique Voynet à la présidentielle 2007 qui ramena sensiblement le vote écologiste à celui de René Dumont en 1974 (1). Et comme le dit si bien Mickaël Marie, trésorier national des Verts, avec le score d’Europe Écologie, il y a de quoi être “hanté par l’inquiétude de l’occasion manquée“. Nous en sommes tous là !
Les textes d’André Gattolin et surtout de Laurence Guého et de Frédéric Neyrat mettent en exergue l’absence d’un imaginaire collectif, commun… d’un “Grand Objet“. Autrement dit, le drame de l’écologie politique en France serait lié à son incapacité à s’instituer ou bien de s’instituer dans des luttes “marginales” insignifiantes au sens où pouvait l’entendre Castoriadis. Autrement dit, il y aurait un vrai risque politique, dans la perspective des élections régionales de mars 2010, à mettre en avant - et à titre exclusif - des combats symboliques, aussi justes soient-ils, tels que l’EPR à Penly et le terminal méthanier de Saint Jouin de Bruneval, dans la mesure où ils s’inscrivent dans la représentation social-historique d’une écologie politique à 1.5% des voix ! L’annonce de la présence du NPA dans le combat contre l’EPR devrait nous amener à être prudents sur une conception trop “léniniste” de l’action politique. A quoi peut encore servir de convaincre des convaincus sans chercher des réponses crédibles à la reconversion écologique de l’économie ?
Le Grand Objet n’existe plus !
L’atomisation de la société et la fragmentation de la représentation de ses institutions peuvent nous amener légitimement à nous questionner sur la possibilité de la construction d’un “Grand Objet” écologique imaginaire. Sous la pression d’un “onanisme” sociétal de plus en plus vivace, les formes de l’engagement obéissent à des mosaïques de représentations diluées ou volatiles, très souvent à géométrie variable. Même si elles sont encore présentes dans nos esprits, les institutions “traditionnelles” telles que l’église, l’armée, la police, la famille, etc ont un poids beaucoup plus faible qui laisse, paradoxalement, place à une kyrielle de nouveaux “petits objets” imaginaires.
En matière d’écologie, ces “objets” ont commencé à s’instituer, créant un embryon de représentation de l’écologie dans la société française par l’exemple. Tri sélectif (la poubelle jaune), logo AB (agriculture biologique), voitures hybrides, éoliennes, panneaux solaires, petites voitures, stations d’épuration, inserts et pompes à chaleur (même si cela reste très discutable), etc… Inutile de poursuivre là cet inventaire à la Prévert.
Instituer une réponse commune !
Même si certains peuvent encore légitimement en douter, Europe Écologie est une première réponse instituée qui porte en elle la grande faiblesse d’avoir été associée à la toute-puissance symbolique de Daniel Cohn-Bendit. Il y aurait beaucoup à dire sur la réflexion de Jean-Marie Le Clézio qui s’étonnait du goût de la société pour les hommes forts ! Quelle est la signification imaginaire d’un “homme fort”… et de Daniel Cohn-Bendit dans l’esprit de la société française du XXIe siècle ?
Dans la recherche d’une réponse commune, il faut aussi parler, comme l’évoquent André Gattolin ou Martine Billard, de la faiblesse de l’assise militante des Verts qui, à l’image du Parti Socialiste, tend à transformer ce mouvement politique en un parti d’élus et de collaborateurs salariés. Autrement dit, pourquoi des électeurs feraient le choix d’un parti dont le comportement est en tout point similaire à celui des autres ? Le “tout-électoralisme” dénoncé par André Gattolin - la guerre des places selon Vincent de Gaulejac - ne peut pas constituer la base d’une réponse politique institutionnelle commune, au risque de nous ramener au score de Dominique Voynet en 2007.
Dans “Une société à la dérive“, Cornélius Castoriadis évoque la défaillance des écologistes en terme de “reconstruction politique de la société“. La réduction de la base militante des Verts et le succès d’Europe Écologie exigent de nous tous que nous réfléchissions - en commun - à cette “nébuleuse écologique [...] hétérogène et polycentrée“, comme le rappelle André Gattolin. La constitution d’un “objet” politique écologique est aujourd’hui la première tâche instituante qui nous échoie. Elle n’est d’ailleurs pas incompatible avec l’initiativisme dans lequel s’inscrit l’appel au rassemblement Haute-Normandie Ecologie.
(1) René Dumont obtint 1.32% en 1974 alors que Dominique Voynet obtenait 1.57% en 2007.
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