La famille, parlez-en moins...
Le discours politique sur la 'défense de la famille' présuppose de belles intentions. Le problème est que celles-ci valent moins que les faits...
Comme régulièrement dans les campagnes électorales, le thème de la famille surgit en ce début d'année 2012. Cette fois ci, le quotient familial remis en cause par les socialistes (incrustation) trouve dans l'UMP d'âpres défenseurs. Les premiers jurent qu'ils veulent instaurer un nouveau système plus équitable. Les seconds assènent que leurs adversaires sapent l'édifice même de la politique familiale française. Les dés sont toutefois en partie pipés.
Le quotient familial établit certes une injustice, mais entre les ménages qui paient des impôts : seuls ceux qui ont un ou plusieurs enfants obtiennent une diminution de leur contribution. Cette injustice résulte d'un choix ancien - favoriser la natalité - réalisé à une époque où une proportion plus large des ménages payaient l'impôt sur le revenu. Le statu quo arrange l'électeur bénéficiaire et la remise en cause dudit quotient vise à flatter des électeurs-payeurs (de l'impôt sur le revenu) sans enfants.
Cela étant, la défense du quotient familial laisse de côté la question de l'équilibre des finances publiques - l'impôt sur le revenu représente 18 % des recettes fiscales en 2008 (source) -, renflouées par la TVA et les impôts indirects payés par tous, sans considération des écarts de niveaux de vie. Cet équilibre tient donc à la générosité de tous les Français. Le périurbain smicard fumeur faisant trois ou quatre pleins d'essence par mois pour aller de son domicile à son lieu de travail ['Des Français 'invisibles' et des prostituées (trop) visibles'] contribue comparativement beaucoup plus qu'un avocat député maire de la Seine-et-Marne. Et pourtant l'Etat ne boucle pas ses budgets, d'où des déficits chroniques.
Vouloir maintenir le quotient familial consiste en outre à négliger l'augmentation desinégalités de revenus. Celle-ci tient à la stagnation relative des rémunérations dans de nombreuses catégories socio-professionnelles, en commençant par la fonction publique, et à la progression forte de celles-là dans certains secteurs bien ciblées : finance, service aux entreprises, divertissement (Olivier Goduchot). Olivier Berruyer (Les Crises) l'a également illustré dans un post consacré au même thème. La bulle immobilière a accentué plus qu'elle n'a limité les inégalités sociales en France : 'C'est à prendre ou à Scellier'.
Mais il ne faut pas s'écarter de la question centrale, celle de la famille. Admettre sa fragilité est une chose, la jauger en est une autre. L'évolution du chômage me paraît constituer un bon indicateur (exemples). Aux dernières nouvelles (novembre 2011) celui-ci s'établit juste en-dessous de 10 %. Jusqu'en 1994, le chômage a progressé jusqu'à frôler le cap des 12 %. Stable entre 1995 et 1999, il a baissé en deux étapes successives : 1999-2001 et 2006-2008. Dans la période la plus récente on observe une forte poussée entre 2008 et 2010, comparable à celle qui prévaut en Allemagne. Depuis deux ans en revanche, le chômage outre-Rhin régresse de manière spectaculaire, au contraire de ce qui se passe en France (source). On notera que les élections pèsent peu dans cette histoire.
La carte du chômage en France s'avère très utile pour percevoir les inégalités territoriales (voir au-dessus la carte de l'Insee sur la base statistique de 2007). Apparaît comme épargnée (relativement) la France de l'Ouest, de la moitié sud du bassin parisien, du Massif Central et du Centre-Est : globalement non métropolitaine, malgré quelques exceptions (Yvelines, Ille-et-Vilaine, Côte d'Or, etc). A l'inverse, les départements les plus atteints par le chômage (entre 8 et 11 %) s'agglomèrent dans deux parties extrêmes du territoire : le nord et l'est du bassin parisien (+ Vosges et Territoire de Belfort) d'un côté et le sud méditerranéen de l'autre. Dans ce deuxième groupe s'ajoutent les départements rhodaniens et garonnais les plus proches.
Voyons maintenant la carte du divorce en France (voir au-dessus, tiré d'un article duFigaro). En nombre, celui-ci s'est stabilisé à plus de 120.000 par an après une forte progression entre 1970 et 1990 (France Prioux), avec un pic en 2005 : 152.000 (Insee). Faut-il insister sur les convergences entre cette carte et la précédente ? Je n'en tire aucune conclusion sur un éventuel lien de cause à effet, mais note que les départements du chômage de masse correspondent aux départements du divorce répandu. La Croix a récemment consacré un dossier à l'impact des divorces dits express non au sein de la jet set argentée, mais dans la classe moyenne. Certains avocats sans scrupules ont trouvé là une nouvelle clientèle captive. Lorsque la famille se désintègre, la société se fragilise : Une poignée de noix fraîches. On comprendra que je ne retiens pas grand chose de la démonstration d'Aude Serres, dans le Figaro, en particulier sur le lien entre soleil etdivorcialité, ou entre campagne et pérennité du mariage.
Je reviens donc pour finir à la vaine polémique sur le quotient familial. C'est Jean-François Copé qui affiche bien fort dans La Croix sa fidélité aux principes - plus théorique que personnelle si j'en crois les gazettes - tout en attaquant François Hollande. Selon lui, ce dernier 'envoie un message d’anéantissement de la politique familiale française' : ni plus ni moins. On trouvera à la fin l'intégralité de l'entretien. Bien sûr, je juge sévèrement le niveau des débats et ceux qui y contribuent. Une autre chose m'importe qui touche à la famille en difficulté. On se focalise sur l'anecdotique en oubliant l'essentiel de ce qui fragilise la famille... Le divorce express, les inégalités sociales et le chômage à 10 % devraient inciter l'UMP à plus d'humilité sur la question : La famille, parlez-en moins... Et agissez.
[L. de Boissieu / La Croix] Que pensez-vous de la proposition de remplacer le quotient familial par un crédit d’impôt ?
Jean-François Copé : En proposant la fin du quotient familial, François Hollande envoie un message d’anéantissement de la politique familiale française. Il s’agit en effet d’une proposition extrêmement grave, puisque le quotient familial en constitue le socle.
Or, notre politique familiale est reconnue comme l’une des plus efficaces au monde, tant pour la démographie que pour le taux d’emploi des femmes. Encore une fois, la gauche veut s’attaquer à ce qui fonctionne bien en France, tout en voulant par ailleurs, par immobilisme, conserver ce qui ne fonctionne pas !
L’argument de la gauche consiste à expliquer qu’un « enfant de riche rapporte une baisse d’impôt beaucoup plus importante qu’un enfant de pauvre », et que les familles qui ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu ne bénéficient pas, de fait, du quotient familial. Cela ne vous choque-t-il pas ?
La réalité, c’est que le quotient familial est déjà, et fort heureusement, plafonné. Je considère que ce plafond permet d’éviter les abus. Par idéologie, François Hollande pourrait, par exemple, vouloir abaisser ce plafond. Mais non, là il veut purement et simplement supprimer le quotient familial ! Une pure folie !
Avec cette mesure, la gauche poursuit ainsi son matraquage programmé des classes moyennes imposables. Ces Français qui n’ont pas droit aux aides sociales car leurs revenus sont juste
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