Le collaborateur Fillon résiste à la faillite
Le chef de l’Etat français, sa guitare, ses Ray Ban et sa grande chanteuse, ne séduisent plus. Son Premier ministre, austère, rigoureux, aussi jovial qu’une pluie d’automne, François Fillon, profite de cette faillite pour exister enfin. A gauche, on reprend espoir. Tout passe, tout lasse.
On le pressentait depuis quelques jours déjà, c’est arrivé : les courbes de Nicolas Sarkozy et de François Fillon se sont croisées. Descendante pour le président, ascendante pour son premier collaborateur de ministre. Un collaborateur plus résistant que prévu, donc, on le savait déjà, mais qui s’avère désormais plus populaire que son maître. Est-ce Fillon qui progresse ou Sarkozy qui dégringole ? Un peu des deux mes généraux. Ce qui est pratiquement acquis, c’est que l’opulence présidentielle n’emballe plus la ménagère de moins de 50 ans qui semble y préférer la mine triste et le cheveu dépressif du chef du gouvernement. Un François Fillon enfin requinqué, si l’on peut dire. Un Fillon déjà très en verve devant la presse, dans un exercice d’improvisation assez humoristique qu’on ne lui soupçonnait pas jusqu’ici : « Puisque vous n’avez pas eu le temps de ciseler vos questions, je vais me les poser moi-même », et le Premier ministre de s’auto-interviewer, à la Ardisson, sans lunettes noires. Fillon apparaissait d’un coup d’un seul plus détendu, ouvert, disponible que jamais. Depuis hier, ce n’est plus une impression, mais une évidence : le gris corbeau de Matignon s’est mué en légère hirondelle en vue, qui sait, d’un printemps de feu pour Sarkozy ?
Mais pas de triomphalisme chez le collaborateur : « Vous ne glisserez pas une feuille de papier à cigarettes entre le président et moi." Plutôt un triomphe modeste "Les sondages vous savez, ça va, ça vient. Je refuse cette tenaille" qui est le lot des modestes et des satisfaits, modeste satisfait qui admet cependant surgir d’un long tunnel : "Je ne les commentais pas lorsque j’étais au fond du trou. Ce n’est pas maintenant que j’en sors... » Où l’on apprend donc que Fillon, homme « sans ego » comme il se définit lui-même était « au fond du trou » face à un hyper président trop rapide, trop riche, trop sexy pour lui. "Nicolas et moi avons appris à travailler côte à côte. Il y a eu des efforts réciproques" (...)"Nicolas et moi sommes totalement sur la même longueur d’onde", claironne désormais l’ex-triste sire devenu prince plus charmeur que le prince charmant. Et l’on devine sans peine dans ces propos ce zeste de condescendance qui devrait énerver grandement le compagnon de Carla. Incontestablement, Fillon jubile, à sa façon : à demi-mots, sans effusion, toujours « plan-plan », comme dirait Devedjian.
Hier, dimanche, un des rares à réagir à la chute libre de Sarkozy fut donc ce cher Patrick Devedjian, qui assurait dans Le JDD préférer un président « bling bling » à un président « plan plan ». "Dix mois avec Nicolas Sarkozy, c’est tonitruant, dix ans avec François Hollande à la tête du PS, c’est un effondrement" (...)"Les gens ne retiennent que les images du luxe. C’est plus facile et amusant de regarder les photographies d’un couple heureux que l’argumentaire juridique et austère de la réforme du contrat de travail." Certes, mais la faute à qui ? Un peu plus loin, Devedjian reconnaît que la « transparence » a « des effets pervers », avant de lancer une remarque qui peut laisser pantois les plus fervents admirateurs inconditionnels de Nicolas Sarkozy : "Après une phase people, on va en revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’action politique" Cette remarque est « tonitruante ». Elle signifie que le président a passé les huit premiers mois de son mandat à amuser la galerie (des glaces), ni plus ni moins. Et que désormais, enfin, on va faire de la politique. Fini de s’amuser donc, pour l’Elysée et ses amis, les choses sérieuses commencent : Devedjian aurait voulu donner du grain à moudre à la gauche qu’il ne s’y serait pas pris autrement.
A gauche justement, on revit... un peu. François Hollande ose à peine se montrer heureux : "Il y a un trou d’air de l’exécutif, et que l’on ne nous fasse pas croire que, parce que François Fillon serait plus haut (dans les sondages) que Nicolas Sarkozy, l’un compenserait l’autre. Non !" Comme chez Fillon, l’enthousiasme, la joie de vivre, le débordement n’est pas dans le genre de François Hollande. D’un François à l’autre, les déboires de Sarkozy ne prêtent pas à jouissance. Juste devine-t-on un début d’érection, mais rien de plus. L’un (Fillon) ne peut décemment hurler sa joie de contempler son chef se vautrer, et l’autre (Hollande) ne peut oublier que son propre parti est en miettes : « Ce n’est pas parce qu’il y a un trou d’air du gouvernement que le Parti socialiste va s’envoler. Il faut que lui-même mérite la confiance des électeurs. » a cru bon de préciser le toujours premier secrétaire d’un PS encore en désordre qui n’arrive pas à se débarrasser ni de Royal ni de DSK, ce dernier venu même de Washington narguer ses anciens amis sans oublier de les critiquer. Un « invité surprise » qui n’a pas détendu l’atmosphère dans un parti de plus en plus déserté par ses militants. Donc Hollande se réjouit, mais du bout du sourire, sans trop oser encore crier victoire, en espérant quand même que les municipales amplifieront le « trou d’air » et verront se tasser un peu plus l’UMP et son Duce de Neuilly.
Mais au fait, pourquoi Sarkozy ne
plaît-il plus ? Devedjian y a répondu, mais on peut développer : si
le côté people peut occuper un temps l’espace, Sarkozy aurait dû comprendre que
les Français ne sont pas que des veaux. Alors, des lunettes, une guitare, des
vacances, un yacht, des livres, des rumeurs, un mariage, un enfant, c’est très
beau, mais quid du pouvoir d’achat, de l’emploi, de la croissance, des
quartiers ? Le Français moyen est comme le panier moyen : en baisse,
déprimé, percé. La confiance n’est pas là, et les heures supplémentaires
n’excitent personne. Logiquement, du coup, ceux qu’on sonde accordent leurs
votes à un homme qui leur ressemble, avec son air abattu, son sourire timide et
ses cernes de soucis : François Fillon a bien l’air de tôt se lever. Il
est le parfait second d’un bateau qui coule : la faillite, le voilà.
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