Circulation routière
Circuler dans les grandes villes du Burkina est un véritable casse-tête. Les accidents sont légions. A titre indicatif, dans la seule ville de Ouagadougou, 31 000 cas d’accidents de circulations ont été enregistrés de 2000 à 2006. Le non-respect du Code de la route est la principale cause. Des jeunes se sont alors engagés dans la régulation de la circulation et à la sensibilisation des usagers de la route sur la conduite à tenir.
Serge est âgé de 20 ans et habite Nagrin. Un quartier périphérique de la ville de Ouagadougou. Cela fait deux ans qu’il a intégré la famille des volontaires de la sécurité routière. Chaque matin, il se rend à vélo au siège de l’association situé au cœur de la ville pour le rassemblement. Tous ses camarades utilisent les mêmes moyens de locomotion. Le seul moyen accessible certainement. Ces jeunes sont issus, pour la plupart, des familles très modestes. Malgré d’énormes difficultés, ils sont fiers de servir le pays. « Au moins, on se sent utile. Et puis, il ne sert à rien de rester à la maison sans rien faire », déclare Wenceslas. Pour ces jeunes, cette occupation les soustrait des regards accusateurs et les éloignent de certains vices. « Les gens ne peuvent plus nous accuser d’être des voleurs ou des bandits. Si tu restes à la maison et un poulet disparaît, tu es vite indexé », ajoute-t-il. Ils sont soutenus dans leur action par leurs familles qui ont trouvé un moyen pour les éloigner des germes de la délinquance.
La satisfaction morale comme récompense
Ce sont des jeunes déscolarisés. Ils ont pour la plupart entre 17 et 25 ans. Ils ont choisi de sauver des vies. Jacob, après deux ans, tire une satisfaction : le respect. Pour lui, pour se faire une place au sein des hommes, il faut travailler. « Certes, c’est le bénévolat, mais il ne s’agit pas seulement de tuer le temps, on y gagne même si ce n’est pas de l’argent », souligne-t-il.
La coordonnatrice de la section de Ouagadougou trouve cependant que ces jeunes ont honte de porter leur tenue. Ces derniers expliquent par contre le contraire. La chaleur et le souci de ne pas salir les tenues sont les raisons qui les poussent à se débarrasser de la tenue après les sorties. En d’autres termes, les tenues se salissent très vite.
Ces jeunes ne sont pas rémunérés. Ils reçoivent seulement une prime d’encouragement de
La création d’un regroupement de jeunes volontaires n’est pas fortuite. L’idée de s’investir dans l’éducation et la sécurité routière est née à partir d’un constat. Depuis quelques années, beaucoup de Burkinabés sont victimes d’accidents de la circulation. Certains y ont laissé leur vie. Chaque Burkinabé a été touché directement ou indirectement. Selon les statistiques, 7 768 accidents de circulation ont été enregistrés en 2006 contre 8 369 en 2005. Pour la seule ville de Ouagadougou, de janvier 2000 à juin 2006, 31 000 accidents ont été enregistrés. Et 300 000 impliquant les engins à deux roues. « Les accidents sont tellement fréquents que les populations ont fini par les banaliser. C’est face donc à la croissance des accidents de routes et ces conséquences pour tout le pays que nous avons pensé mettre les jeunes à contribution », déclare le président Traoré. La sécurité routière était réservée aux seules forces de l’ordre. Mais seule, la tâche est difficile. Il était temps de soutenir leurs efforts, fait remarquer les géniteurs de ce projet. L’idée prendra forme en 1996 par la création d’une association des jeunes volontaires. La brigade des jeunes volontaires pour l’éducation et la sécurité routière (Bjvscr). C’est un regroupement des jeunes chômeurs. Les volontaires viennent offrir leur service en attendant de trouver un emploi. Les conditions d’adhésion sont l’engagement à servir, avoir une aptitude physique et être titulaire au minimum du certificat d’étude primaire. Les premiers éléments sont mis sur le terrain dès 1997. L’association avait voulu couvrir tout le territoire, mais il faut compter avec la réalité. Les villes de Ouagadougou et de Bobo seront finalement retenues. Une troisième ville, celle de Boromo, viendra compléter la liste. Le choix de Boromo s’explique par sa position géographique, souligne le président de
L’association étend ses activités à l’éducation routière. Les accidents pour leur grande majorité sont dus à l’ignorance et au non-respect du Code de la route. Sa stratégie est non seulement faciliter la circulation, mais également éduquer par la sensibilisation. Ainsi certaines écoles reçoivent l’appui des jeunes volontaires. Ils donnent des cours sur l’éducation routière et facilite l’entrée et la sortie des élèves. Des théâtres forum sont organisés à l’endroit des usagers. Les messages portent sur les comportements à observer dans la circulation (port du casque, usage du téléphone dans la circulation…) « Si nous sommes au niveau des écoles, explique Marietou, c’est pour permettre aux élèves de traverser la route en toute quiétude. » Un de ces camarades regrette qu’à Ouagadougou, les piétons ne soient pas respectés.
Les sensibilisations permettent une prise de conscience sur le respect du Code de la route. C’est le lieu aussi pour certains de connaître les règles élémentaires du Code.
Les éléments de la brigade sont formés dès leur adhésion à l’Ecole nationale de la police. Pendant un mois, ils apprennent le Code de la route et gestes conventionnels de la circulation. Il s’agit de leur intégrer le règlement militaire, le civisme et les principes d’une bonne citoyenneté.
Mme Sana salue le travail de ces volontaires. « Ils font un travail utile, s’ils pouvaient être partout ce serait bien », affirme-t-elle. Elle apprécie leur travail parce que c’est l’angoisse permanente pendant l’année scolaire. « Les gens circulent mal, et ne font pas attention à nos enfants ». Mme Sanou, après cinq ans, garde fraîchement à l’esprit l’accident qui a coûté la vie à une élève sur l’avenue Bassawarga. Une avenue que certains ont fini par baptiser « avenue de la mort ». « Il était 14 h 30, se souvient-elle, je rentrais en ville. Devant moi, j’entendis un bruit. C’était déjà fini. » Elle n’arrivera pas à décrire la scène de l’horreur. Une élève de 6e fut écrasée par un camion. « J’ai imaginé la douleur de ses parents et j’ai pensé que ça pouvait être moi. Il faut encourager ces jeunes volontaires », lâche-t-elle après un long soupir.
George félicite également la brigade, mais regrette qu’elle ne soit pas permanente et ne couvre pas toute la ville. « Eux au moins ne retirent pas vos engins comme la police. La police pour lui ne prévient pas, mais réprime. » Lorsqu’on lui fait savoir que c’est du bénévolat, il s’étonne. « C’est vrai ça, ici au Burkina, mais ils vivent de quoi ? », s’interroge-t-il.
La brigade reconnaît qu’elle est peu connue de la population. Elle ne dispose pas assez de personnels pour couvrir toute la ville. Pour des gens qui s’engagent volontairement, il est difficile de les garder sur le terrain toute la journée, explique son président. Le volontariat n’est pas encore bien compris au Burkina. Dans la ville de Bobo, selon la brigade, il n’y a pas assez d’engouement. Par moment, il faut faire du porte-à-porte pour sensibiliser les jeunes et susciter leur adhésion, confie le responsable. Actuellement, l’association compte 120 volontaires dont 80 à Ouagadougou et 40 à Bobo.
C’est pourquoi la stratégie est de travailler sur les carrefours dangereux pendant « les heures de pointes » où les risques d’accidents sont élevés.
Les jeunes volontaires affirment recevoir souvent des encouragements de la part de certains usagés. Ce qui est réconfortant pour eux.
S’oublier pour les autres
Cependant, les injures et les menaces sont leur quotidien. Des usagers refusent d’obtempérer à leurs ordres. Il leur dénie le droit de réglementer la circulation parce qu’ils sont des civils.
Le président Traoré regrette ces comportements. Il souligne que seules les forces de l’ordre ont droit de recourir à la répression.
Le travail est supervisé par la police municipale. « Il existe une bonne collaboration entre nous », avoue le responsable de la brigade. Ce sont eux qui font le choix des carrefours à occuper. Les éléments de la brigade occupent 10 carrefours de certains secteurs de la ville de Ouagadougou. Les volontaires font au minimum 3 sorties par jour. Il arrive cependant, souligne Agnès, que nous effectuons 4 à 5 sorties. A la fin de chaque sortie, le chef d’équipe fait le bilan de l’opération. Chaque équipe est composée de 4 éléments dirigés par un chef, en général une fille. Pour le président, c’est une manière de promouvoir les femmes. Dans toutes les villes où la brigade est installée, ce sont les femmes qui assurent la coordination des activités. Le président de la brigade indique qu’en général ce sont les femmes qui s’engagent et restent longtemps.
Les volontaires en plus des difficultés liées au travail font face à certaines difficultés. L’insuffisance de ressources financières les contraint à interrompre ou à réduire souvent les activités. Ce qui ne rend pas leurs actions plus visibles. Les seuls appuis viennent de la mairie de Ouagadougou et du Centre de contrôle des véhicules automobiles (CCVA).
Les jeunes fournissent un énorme sacrifice. « Souvent, je n’ai pas
Ils ont chacun un projet. Certains prennent part au concours de
Abdoul Razac Napon
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