@ Bruno Arfeuille
Vous n’avez visiblement pas compris le rôle de la Commission européenne ni le principe de primauté du droit communautaire.
La Commission : depuis le traité de Nice, la France nomme non pas deux mais un seul Commissaire (1 par Etat-membre). Ce que vous annoncez pour 2014 est donc en vigueur depuis 2001. Par ailleurs un Commissaire Européen n’est ni un « aristocrate » (la fonction n’est pas héréditaire, que je sache), ni un « représentant » de l’Etat-membre qui l’a nommé. C’est un membre de l’exécutif européen, qui doit défendre l’intérêt communautaire et non l’intérêt national. Il est simplement nommé par un Etat-membre et ne peut recevoir aucun mandat ni aucune instruction de la part de ce dernier. Le Commissaire reste en poste au cours de tout le mandat de la Commission, même si pendant ce temps il y a changement de majorité dans son pays d’origine.
Dans les faits, il est partiellement vrai que, pour certains postes-clés (commerce extérieur, agriculture…) la nomination d’un Commissaire peut faire partie d’une « stratégie d’influence », mais en France on surestime énormément l’importance de ce personnage. La présence de nationaux aux postes-clés des Directions Générales (l’administration-secrétariat qui dépend de la Commission) est bien plus décisive pour influencer l’action de la Commission. Et force est de constater que la France a fort peu investi dans ce genre de lobbying, malgré une présence des français parmi les fonctionnaires européens proportionnellement plus élévé que les autres.
Sur le droit communautaire maintenant. Vous dites : « La région France devra obéir à des lois européennes. Qui pourra proposer ces lois européennes ? Seule la Commission européenne pourra proposer une loi européenne. » Ceci est tout simplement faux. On dit que le droit communautaire prime sur le droit national au sens ou si une norme communautaire est en conflit avec une norme nationale, c’est la première qui gagne. Cela n’empêche pas un Etat de voter ses propres lois, tant qu’elles ne vont pas à l’encontre des normes communautaires et en vertu du principe de subsidiarité. Ce dernier, inscrit dans absolument tous les traités européens, veut dire qu’on vote les lois au niveau le plus approprié. En clair, la France décide seule de la date de l’ouverture de la chasse au sanglier sur son territoire, mais pour les oiseaux migrateurs et les espèces menacées sur l’ensemble du continent, elle doit se conformer au droit européen.
Ces deux grands principes (primauté du droit communautaire et subsidiarité), sont encadrés par une jurisprudence qui a commencé dans les années 60 et est désormais fermement établie.
Sur le vote des lois ensuite : dans 3 des domaines que vous mentionnez (Défense, diplomatie et politique monétaire), apprenez la Commission n’a et n’aura aucun pouvoir d’initiative, et ce même après le Traité de Lisbonne. Ce n’est tout simplement pas dans son domaine de compétence. La défense et la diplomatie relèvent de la logique intergouvernementale, et la monnaie de la Banque Centrale Européenne, qui est dirigée par un Français. Enfin, vos pourcentages sensés exprimer la représentation de la France dans les institutions ne veulent rien dire. Je vous rappelle que par exemple, au Conseil des ministres, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins 15 d’entre eux et représentant des Etats membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union. Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil. En clair, la France, qui est le deuxième pays de l’Union en terme de population et va le rester, pourra toujours bloquer une décision à moins d’être seule contre quasiment tous les autres Etats-membres réunis.
J’aimerais vous poser une question qui est d’actualité : la Commission Européenne vient d’infliger une amende gigantesque à Microsoft (1,5 milliards d’euros) pour non-respect des règles de la concurrence et abus de position dominante. Pensez-vous que la France aurait pu s’opposer seule à une entreprise comme Microsoft ? Personnellement je pense que non, donc à quoi bon voter des lois tout seul chez soi si on est incapable de les faire respecter ?