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Commentaire de koudou

sur La monnaie en général, et celle du Zimbabwe en particulier


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koudou 5 août 2008 15:18

@Tata07

J’ai lu avec un très grand intérêt votre commentaire. Il donne un certain nombre de faits réels, dont tous n’ont pas de rapport avec l’article, mais ne peuvent pas être traités de hors sujet, car ces faits contribuent à la perte de confiance qui a fait s’effondrer la monnaie. Mais il comporte aussi une certain nombre d’opinions qui ne me paraissent pas fondés, et qui ressemblent tellement à la doctrine de l’Etat Français que je soupçonne que vous êtes à l’Ambassade de France au Zimbabwe ou dans une des associations proches.

Je vais tenter de répondre aux principaux points de votre intervention et j’espère que vous vous rendrez compte que votre affirmation de "manque de sérieux de mes affirmations" est inexacte, ou tout au moins pourrait aussi bien s’appliquer à certaines des vôtres.

"prête à rechercher "la faute de l’homme blanc""
Je voudrais une nouvelle fois souligner le fait que je cherche pas la faute de l’homme blanc, et que je n’accuse pas "l’homme blanc" de racisme anti-noir ou que sais-je. C’est une manie courante ici que de projeter ses propres pensées sur ce qu’écrit quelqu’un. Il n’y a en moi aucune tentative ni d’accuser les noirs, ni les blancs.

"je m’aperçois que ce ne sont pas seulement les Blancs qui critiquent Mugabe, mais la quasi totalité des citoyens que j’ai rencontrés"
Si on se base sur les élections législatives (dont personne ne conteste les résultats) et sur le premier tour de la présidentielle (dont les protagonistes ne discutent plus du résultat, sinon à 3 ou 4% près), on a deux forces en présences, de taille tout à fait semblable, avec un avantage marqué mais pas écrasant de Tsvangirai et son MDC sur Mugabe et son ZanuPF
Dans ces conditions, affirmer comme vous le faites que la "quasi-totalité" des citoyens critiquent Mugabe en une phraséologie qui tend à vouloir démontrer qu’il se maitient au pouvoir contre l’avis de l’ensemble de la population, relève de la désinformation pure et simple.

Vous parlez des accords de Lancaster House non respecté par les Britanniques. C’est vrai.
Vous parlez de Mugabe qui utilise cet argument pour tenter de masquer ses carences de gestionnaire économique. Vous avez raison, à la fois sur les carences, et à la fois sur le fait qu’il essaye de détourner l’attention par ce que vous appellez "propagande stérile". Je ne vois pas d’ailleurs pas comment appeler cela autrement.

Pour ce qui concerne la crise agricole, je ne vous suis pas entièrement.
Car s’il est vrai qu’un certain nombre de fermes ont été données à des proches du régime (ce qui est répréhensible, car c’est du népotisme), toutes les terres n’ont pas été transférées à des hauts politiques, et même parmi celles qui ont été transférées à des hauts fonctionnaires, il y en a certaines qui ont été parfaitement exploitées.
Mais surtout, la raison de la perte de production n’a pas pour seule origine ni même pour origine principale la mauvaise répartition des terres, mais les périodes de sécheresses graves qui ont sévit dans la région, et qui ne touchent d’ailleurs pas que le Zimbabwe, mais aussi 22 autres pays en Afrique sub saharienne. La FAO (Food & Agriculture Organization de l’ONU) et le PAM (Programme d’Alimentaire Mondial) ont lancé un certain nombre d’études en Zambie, Zimbabwe, Lesotho, Swaziland, et Mozambique. Ces rapports sortent au fur et à mesure, et indiquent bien que la région a subi des périodes de sécheresses graves et c’est ce facteur qui a été mis en vant, avec une aggravation par le recul de la production marchande de maïs. Rapport FAO/PAM : http://www.fao.org/countryprofiles/index.asp?iso3=ZWE&lang=fr
En 2004, Amnesty International (plus pas trop modéré contre Mugabe) écrivait quelque chose de similaire : http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR46/026/2004/fr/dom-AFR460262004fr.html
On rentre dans un autre problème qui est celui des changements climatiques et de la désrtification, et les problèmes agricoles de l’Afrique subsaharienne (y compris le ZImbabwe) rentrent principalement dans ce mécanisme. Ce qui se passe sur le plan économique et politique est aggravant et rend les choses plus aigues, mais il ne faut pas inverser l’importance des causes.

"la production agricole représentera cette année moins de 30% des besoins du pays"
Pour être un peu plus exact, la production céréalière en 2008, en baisse de 40% par rapport à l’année précédente, ne représentera cette année qu’un peu plus de 40% des besoins du pays.
La production céréalière du Zimbabwe prévue par la FAO est de 848000 tonnes, soit 40% de moins que l’année dernière. Les besoins étant de 2 millions de tonnes, il va donc manquer 1,23 millions de tonnes de céréales.
http://www.fao.org/docrep/010/ai469f/ai469f00.htm

"les sanctions ne peuvent être considérées comme responsables des difficultés du pays"
Ah bon ?
C’est une affirmation plus incantatoire que démonstrative ...
Voyons ... gel des avoirs : dirigeants ou proches des dirigeants du pays, et entreprises nationales du pays. Interdiction d’emprunter de l’argent.
Il y a aussi quelque chose que vous avez oublié, c’est le lobbying actif pour couper les marchés de vente du Zimbabwe, sachant que la porte principale en Europe, c’était la Grande Bretagne.
Résumons en faisant le parallèle avec ce que cela pourrait signifier pour un individu : vous avez de l’argent en banque, mais vous ne pouvez plus y accéder, vous ne pouvez plus emprunter, et on essaye le plus possible de vous empêcher de gagner de l’argent par votre travail, et on vous empêche de venir vous visiter pour venir vous expliquer.
Si vous pensez toujours que les sanctions sont totalement étrangères aux difficultés économiques, c’est que vous avez vraiment un défaut de raisonnement quelque part, ce que je n’ai pas ressenti chez vous.
En tout cas, moi, si on m’empêche de gagner ma vie, qu’on confisque l’argent de mon compte en banque, qu’on me ferme mon compte et qu’on m’interdit d’emprunter, je ne sais pas très bien comment je vais pouvoir faire, surtout si en plus on m’interdit de venir dans le quartier de mon banquier venir m’expliquer.

Maintenant, il est certain que la réaction de Mugabe à cette guerre économique a été pour le moins inadéquate. Et en particulier, création de monnaie n’importe comment, fixation d’une parité par rapport au dollar avec un change à sens unique, taxation de toutes les devises étrangères entrantes, taxation violente des revenus du tourisme par le même mécanisme, et laisser-faire des opérations gravement frauduleuse de nombreux hauts fonctionnaires sur le change. On ne pouvait pas faire pire, et on peut se demander si il n’aurait pas commis les mêmes erreurs même s’il n’y avait pas eu cette guerre économique. Mais clairement, ce sont ces sanctions qui l’ont poussé à le faire, car à part tenter de trouver un terrain d’entente avec les européens, il s’est braqué violemment contre Tony Blair et la GB, et a commis toutes ces conneries.

Le FMI : votre présentation des relations entre le Zimbabwe et le FMI est totalement fausse. Et je n’ai pas le courage de tout reprendre, en commençant par le début, à savoir que comme partout en Afrique, le FMI a voulu imposer sa politique catastrophique en Afrique d’ajustement structurel dont le seul objectif visible pour la population a été de rendre l’école et les hopitaux payants. Quant à l’inflation, vous ne pouvez pas utiliser comme argument l’inflation effroyable de 2008 pour justifer d’une décision de 8 ans auparavant où l’inflation existait mais était du même ordre que les autres pays africains.
Evidemment, si vous travaillez pour l’antenne du FMI au Zimbabwe, je comprends les contraintes intellectuelles auxquelles vous êtes tenue, et je n’insisterai pas sur ce point.

Votre description du non fonctionnement de la politique du prix imposé est tout à fait juste. Le marché s’échappe par le biais de la libre circulation des produits et marchandises avec les pays frontaliers. Et les prix d’ailleurs ne sont pas très chers EN US DOLLAR. mais en Zim$ c’est effectivement l’horreur.
En tout cas, ce mécanisme est exactement ce que la GB et les US pronent à tout va et appellent le libéralisme. Et c’est ce que veulent également le FMI et l’OMC. Et ils appelent également ça la "liberté". C’est un mot que vous trouvez tout à fait inadéquat semble-t-il, et je pense comme vous. Mais c’est la pensée économique dominante de nos jours.

Votre dernier paragraphe cite un point que je n’ai effectivement pas mis dans mon article, parce que je n’ai pas de fait précis, mais uniquement des on dits et des preuves très indirectes : la corruption. Et c’est un des points qui participe avec une grande efficacité à la perte de confiance des habitants et à la perte de valeur du Zim$.
Elle est galopante dans le pays. Et si vous y habitez, vous avez certainement appris l’expression "make a plan".


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