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Commentaire de Tata007

sur La monnaie en général, et celle du Zimbabwe en particulier


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Tata007 7 août 2008 11:22

Bon, d’abord je voudrais m’excuser de m’être un peu emportée. A force d’entendre la rhétorique des "sanctions illégales" répétée et déclinée sur tous les médias nationaux, on ne supporte plus de la voir reprise telle quelle à l’extérieur et notamment en Afrique, puisqu’elle a réussi a anesthésier sérieusement la diplomatie régionale, dont beaucoup au Zimbabwe attendent le salut.
J’ai sans doute été un peu injuste en vous reprochant un manque de sérieux... Je ne trouvais pas les arguments étayant ces affirmations nervantes ; cette fois vous en alignez  un peu plus et je vous en remercie. Au-delà de la polémique, c’est l’occasion de partager des infos !
Je vous rassure, je ne travaille ni pour l’Ambassade, ni pour le FMI, ni pour la CIA. Je n’en dirais pas plus car je n’ai pas très envie de me faire repérer ici ;-£

"On a deux forces en présences, de taille tout à fait semblable, avec un avantage marqué mais pas écrasant de Tsvangirai et son MDC sur Mugabe et son ZanuPF"
"Affirmer comme vous le faites que la "quasi-totalité" des citoyens critiquent Mugabe(...)"

C’est vrai, le pays s’est montré tout à fait divisé
- le jugement sur la qualité des mobilisations et des convictions des uns et des autres n’appartient qu’à ceux qui les font. Après, la perception qu’on peut avoir de l’opinion générale dépend beaucoup de sa situation géographique. Les centres urbains en particulier, ont massivement voté pour l’opposition au 1er tour, tandis que les zones rurales traditionnellement acquises au pouvoir l’ont encore souvent supporté. En parlant de la "quasi-totalité des citoyens  que j’ai rencontrés", je ne prétends pas faire état d’un sondage représentatif sur le territoire. Mais simplement témoigner de deux faits : D’abord, que le MDC ne semble pas être juste la poupée des Anglais ou le parti des Blancs ; il n’est pas non plus un parti un peu confidentiel auxquels les médias étrangers accorderaient beaucoup d’importance. Il s’est révélé, malgré les conditions difficiles de la campagne, une véritable force populaire, qui a des racines profondes dans la société civile, syndicales, communautaires, et très fortes régionalement. La plupart des personnes que j’ai pu voir, et qui d’ailleurs ont voté ou pas, se lamentent de la situation et blament le pouvoir ; elles ne sont pas fortement affiliées au parti d’opposition, mais y trouvent l’expression naturelle de leur volonté de changement. Le deuxieme point qui m’a beaucoup surpris, c’est la facon dont les langues se sont deliees aux lendemains du 1er tour. Avant les élections, j’évitais toujours d’aborder les questions politiques même avec ceux qui m’étaient proches, de peur de les embarrasser. Le jour du vote, les gens ont bu et fété, comme s’ils avaient droit enfin a une ivresse  de l’espoir qui serait de courte durée. Quand l’attente s’est prolongée, un vrai espoir est né avec la conviction que "de toutes facons ca ne peut pas continuer comme ca". Et chacun, du vendeur de tomates dans la rue au caissier de supermarché, y est allé de son commentaire, ouvertement, librement. Et puis... la situation s’est refermée, avec les violences, chacun a ravalé son mécontentement....

Pour ce qui est de la crise agricole : je ne prétends pas que c’est elle qui a plongé le pays dans la récession ; mais elle est je crois l’un des exemples (sans doute trop médiatisé car sujet à tant de crispations) de mauvaise gouvernance. Et je ne parle pas de la confiscation des terres, mais de l’insuffisance de la politique agricole. Un journaliste anglophone d’ailleurs, dans "Where we have hope" (http://www.amazon.com/Where-We-Have-Hope-Zimbabwe/dp/0871138964), a bien décrit la manière dont le gouvernement a négligé une politique en faveur des petits agriculteurs qu’il avait pourtant plutot bien démarrée dans les années 80.
Outre les insuffisances du support à la production, les agriculteurs (comme les producteurs de tabac) sont confrontés à un marché completement distordu : le gouvernement voudrait qu’ils vendent leur production à des prix ne garantissant pas leur viabilité, les poussant au contraire à recourir au marché noir pour revendre essence subventionnée ou mil de maïs. Résultat : la production chute, les circuits de distribution se désorganisent, chacun y allant de sa combine, au grand détriment même de l’Etat qui ne touche plus sa TVA !
Les aléas climatiques sont certainement un frein au développement agricole en Afrique - sans parler de la désertification qui concourt à l’explosion des conflits, comme, à mon avis, au Darfour, mais c’est un autre sujet. Apres plusieurs années de précipitations insuffisantes, c’est la violence des pluies et leur mauvaise répartition qui, cette année, donnent au gouvernement zimbabwéen l’alibi de la mauvaise récolte (40% des besoins du pays, vous avez raison - 28% est le chiffre de la chute par rapport à l’année précédente). Mais quel autre pays de la région a connu une telle récession ? Le Zimbabwe a vu sa production agricole chuter de 50% entre 2000 et 2007... !
Je trouve sur le site de la FAO que vous indiquez (http://www.fao.org/docrep/010/ai469f/ai469f00.htm) :
Les principaux facteurs à l’origine du recul de cette année, outre les mauvaises conditions météorologiques, ont été les retards dans les livraisons de semences et les pénuries d’engrais, la dégradation des infrastructures et, surtout, les prix insuffisants de la plupart des cultures contrôlées par l’Office de commercialisation des céréales. Le recul de la production agricole nationale enregistré depuis 7 ou 8 années est également dű à des changements structuraux. Les agriculteurs nouvellement installés ne cultivent qu’environ la moitié des bonnes terres qui leur sont allouées en raison de pénuries de tracteurs ou d’animaux de trait et de carburant, des investissements insuffisants dans les infrastructures/améliorations, et de l’absentéisme de quelques bénéficiaires de la redistribution des terres. Le secteur commercial à grande échelle produit désormais moins d’un dixieme du maïs qu’il produisait dans les années 1990. Les rendements en maïs des agriculteurs exploitant les terres communales qui produisaient l’essentiel de la récolte du pays, sont aussi tombés à un quart de leur niveau en une décennie, du fait de la perte de la relation symbiotique de ces agriculteurs avec l’ancien secteur de l’agriculture commerciale à grande échelle, et d’une crise des industries d’intrants agricoles.

Quant au rôle du FMI :

Vous ne pouvez pas utiliser comme argument l’inflation effroyable de 2008 pour justifer d’une décision de 8 ans auparavant où l’inflation existait mais était du même ordre que les autres pays africains.
Vous avez raison, mon argument était un peu facile et il faudrait connaitre beaucoup mieux les conditions et relations économiques de l’époque du début de cette mésaventure... Mais ce que je voulais dire, c’est que citer, comme continue de le faire le gouvernement, les sanctions imposées par les Occidentaux comme principale raison de l’incapacité du pays à trouver des crédits, est aujourd’hui totalement ridicule...
On peut être idéologiquement opposé aux politiques que tente d’imposer le FMI, mais  encore faut-il être sûr de pouvoir se permettre lui tourner le dos, comme l’Angola, le Venezuela ou d’autres. Le ZImbabwe, qui n’a pas de pétrole mais a d’aurtes ressources, pouvait-il se le permettre ? Peut-être, mais pas avec la politique qu’a poursuivie le gouvernement.
Quant à savoir si, sans les sanctions, le Zimbabwe aurait été capable d’infléchir sa politique pour s’adapter à une réalité difficile, c’est délicat. Je vous rejoins cependant dans l’idée que les sanctions ne font que le braquer, et sont, comme souvent, tout à fait contre-productives.

Là où je ne suis pas du tout convaincue en revanche, c’est dans l’idée que ces sanctions sont effectivement responsables de la débacle actuelle. Je recherche toujours des informations objectives sur le sujet, afin de mieux comprendre les arguments utilisés, mais sans succès. Et j’avoue ne comprendre pas  davantage vos arguments
Gel des avoirs : dirigeants ou proches des dirigeants du pays, et entreprises nationales du pays. Interdiction d’emprunter de l’argent.
Il y a aussi quelque chose que vous avez oublié, c’est le lobbying actif pour couper les marchés de vente du Zimbabwe, sachant que la porte principale en Europe, c’était la Grande Bretagne.
Résumons en faisant le parallèle avec ce que cela pourrait signifier pour un individu : vous avez de l’argent en banque, mais vous ne pouvez plus y accéder, vous ne pouvez plus emprunter, et on essaye le plus possible de vous empêcher de gagner de l’argent par votre travail, et on vous empêche de venir vous visiter pour venir vous expliquer.

Le gel des avoirs concerne un petit nombre de personnes privées (250 pour les Américains, 23 puis 137 pour les Européens), et, si les informations de Reuters sont exactes, 4 compagnies initialement, plus 17 avec le nouveau jeu de sanctions proposé de cet été (http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900SID/MUMA-7GWBA5?OpenDocument). De plus, les USA interdisent à leurs concitoyens de s’engager dans des affaires avec le pays (d’où effectivement des difficultés pour les Zimbabwéens qui voudraient placer leur argent aux USA, ou recevoir des investissements américaoins). Ce qui n’empêche nullement un grand nombre d’entreprises zimbabwéennes d’avoir des comptes en Afrique du Sud, à Hong Kong ou ailleurs, comptes qui leur permettent, pas très légalement j’imagine au regard des lois de leur pays, de percevoir des devises pour leurs exportations, et  d’effecteur en devises leurs achats d’intrants. Avouez que ce n’est pas très pratique pour les entreprises qui se contentaient de servir - remarquablement - leur marché intérieur, et  n’ont pas une balance extérieure positive... Ce qui rend à tous la  vie impossible, c’est l’impossibilité de disposer légalement de devises dans le pays : elles sont consignées aupres de la banque centrale, et il est très difficile d’y accéder - peu avant les élections elles ont tout simplement été confisquées pendant des semaines ! Alors imaginez comment faire du business esclusivement avec un Zim dollar qui se dévalue de 100% tous les quelques jours ! Quand vous n’avez même pas accès au cash en banque, pour payer vos employés en fin de mois ! (avec des limites de retrait tout à fait incohérentes) Que vous ne pouvez pas importer vos inputs des pays voisins, et êtes soumis à des coupures de courant quotidiennes !
Quant aux entraves que vivent les entreprises zimbabwéens pour accéder aux marchés d’exportation, il est exact qu’elles participent de la décroissance. Dans un contexte mondialisé où les grands blocs, tels l’Europe, se protègent autant que possible, sauf accords particuliers et relations privilégiés, le Zimbabwe est resté un peu orphelin dans son splendide isolement (enfin, j’exagère, oubliant la relation provilégiée avec le grand chinois, dont le gouvernement zimbabwéen se gargarise régulièrement). La responsabilité de ces mauvaises relations en incombe au gouvernement du pays autant qu’à ses interlocuteurs - il n’y a qu’à voir la façon dont le président s’est félicité de la décision anglaise de retirer tout investissement dans son pays.

La politique des sanctions, qui participe de cette spirale négative, est donc à mes yeux néfaste - mais elle n’est pas pour autant la principale responsable des difficultés du pays. Robert a obtenu "100% independance, 100% souveraineté", c’est lui qui doit être responsable de ce qu’il en fait devant ses électeurs.



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