@L’auteur,
Il ne s’agit pas tant de respect de l’autre que de chercher le sens de la vie pour des êtres qui vont mourir et qui ont peur de la mort
Postulat qui me semble assez raccourci. Certes les êtres vont mourir, mais la mort ne fait pas peur de façon aussi générale que le laisse penser Ferry.
A Gaïa reviendra la terre, à Ouranos le ciel, à Poséidon la mer.
Ceci est tout autant la continuité de l’approche éléatique à laquelle s’ajoute le ciel ; voir ou revoir Xénophane de Colophon (créateur de l’école éléatique) qui instruisit Parménide à Elée. Ce qui explique la suite de votre phrase par ailleurs. De Xénophane, il ne reste qu’un savoir épars, Aristote aborde ce philosophe dans De Xénophane, Zenone et Gorgia (édité en 1878). Pour le reste, il faut se plonger dans les écrits de Brandis (Commentationes eleaticæ, 1813) et Karsten (Philosophorum græc. Reliquiæ, 1830). L’histoire de la philosophie grecque ne débute pas avec Parménide, la période présocratique fût longue et les idées ne sont pas nées du jour au lendemain. La seule problématique était qu’il n’y avait que peu d’écrits et beaucoup de connaissances se propageaient par la tradition orale.
Cette rupture va tout changer, et la problématique de la morale et la problématique du salut, puisque ce divin, incarné dans la personne du Christ, ne sera plus appréhendé par la raison, d’où la mort de la philosophie, si l’on peut dire, mais par la foi, fides, la confiance.
Ce ne sera pas la mort de la philosophie, ce sera une transformation par une fusion de deux courants. Le christianisme reprendra principalement et très fortement la métaphysique platonicienne mais conservera du stoïcisme sa capacité à construire les discours moraux (logique dialectique oblige) ; par exemple, la caritas generis humani est caractéristique du stoïcisme.
tout particulièrement avec la révolution scientifique des XVIIe et XVIIIe siècles, c’est que les dogmes chrétiens, notamment les arguments d’autorité, vont être plongés dans un acide, celui des Lumières et de l’esprit critique auxquels ils ne résisteront pas : du moins pas entièrement.
La révolution intellectuelle du XVIIème et XVIIIème siècle, et principalement les idées amenées par les Lumières, ont consistées à introduire un élément déterminant : un changement de relation entre l’homme et sa temporalité, sa relation avec le temps. C’est ce que levait Hegel en exprimant que l’homme pense à l’inverse de l’écoulement du temps, introduisant de fait la notion de perspective dans la pensée ; perspective qui pousse par certains aspects à l’abstraction. La perspective avait traversée les arts, elle fût initiée par Filippo Brunelleschi lors de la construction du dôme de la cathédrale de Florence ; elle est née pour un besoin religieux et elle a mis à mal, 300 ans plus tard, cette même religion.
ce qui va apparaître n’est rien de moins que la sacralisation de l’humain, qui n’est pas pour autant idolâtrie, mais la conviction que les seules raisons qui méritent que l’on risque sa vie ne sont plus Dieu, la Patrie ou la Révolution, mais bien les êtres humains eux-mêmes.
Je ne pense pas un seul instant à la sacralisation de l’humain ; il faudra autrement m’expliquer la situation réelle actuelle. La sacralisation a été avant tout déterminée par un changement radical qui intervient avec la révolution industrielle et la mise en œuvre du mode de production capitaliste au XIXème siècle (voir les servitudes de la puissance, une histoire de l’énergie de Debeir, Deleage et Hemery (1986) et Histoire de l’écologie, une science de l’homme et de la nature de Deleage (1991)) ; ce n’est pas l’homme qui est sacralisé, mais le pouvoir de l’homme et les outils de la production qui lui permettent d’assoir sa suprématie sur la nature, la science et la technique en premier lieu.
Car notre époque ne dessine pas le visage de cet humanisme du coeur et de la transcendance, à l’heure où rarement la violence n’a été aussi présente, ni l’égoïsme si habituel, ni le goût du profit si prononcé.
Votre conclusion devrait bien, en effet, ne pas abonder dans le sens de la sacralisation de l’humain.
Et l’on sait d’autre part que l’humanitaire, sous des dehors très estimables, n’est pas toujours dénué d’intérêts moins avouables
En effet, et cette tendance n’est pas nouvelle, pour preuve, les propos de Marat dans Les chaînes de l’esclavage (1774) en page 116 : Abusé par les mots, les hommes n’ont pas horreur des choses les plus infâmes, décorées de beaux noms ; et ils ont horreur des choses les plus louables, décriées par des noms odieux. Aussi l’artifice ordinaire des cabinets est il d’égarer les peuples en pervertissant le sens des mots ; et souvent des hommes de lettres avilis ont l’infamie de se charger de ce coupable emploi.