« Allons !
descendons, et là confondons leur langage, afin qu ’ils n’entendent plus la
langue, les uns des autres. »
Genèse, 11
À l’évidence, l’islamophobie
s’entend de bien des manières, selon celui qui se définit comme islamophobe. Principe
aussi valable avec le concept de laïcité. Chacun opère selon ses définitions,
ses convictions, etc…à la fin, nulle définition ne demeure, nulle discussion n’est
possible.
Sur l’islamophobie :
un défenseur sincère de la laïcité n’aura pas les mêmes motivations qu’un
xénophobe, le premier posera la question musulmane dans son rapport à la laïcité,
le second en usera comme un exutoire à sa xénophobie, voir sa haine, et ce sera
bien là une forme de racisme, puisque racialement/ethniquement connoté ou s’entendant
tel qu’on le conçoit communément. Dans ce dernier cas, l’analyse critique de la
religion musulmane qui serait le fait d’un islamophobe athée, anti-religieux,
ou « laïcard » est absente ou disparaît rapidement derrière un
discours invoquant critères ethniques, culturels, etc…voir établissant un
rapport supposé supériorité/infériorité,
non pas lié à une religion mais bien à une origine.
De là, la difficulté
de définir les limites de ce concept vague et élastique d’islamophobie, tant
ses manifestations sont variées, disparates et les discours bien trop souvent
dénués de toute analyse critique ou réflexion réelle, simplement fondés sur des
préjugés, une lecture rapide de tel ou tel texte religieux, un rapport
émotionnel à l’actualité.
Le même phénomène
opère dans le rapport antisionisme/antisémitisme, certains s’opposant
idéologiquement au sionisme ou en faisant l’analyse critique, d’autres usant de
cet habillage pour trouver un exutoire à leur antisémitisme.
Le panel politique/idéologique
est d’ailleurs assez éloquent dés lors qu’on observe un débat sur ces questions, les alliances les
plus étranges se produisant, donnant naissant aux hybrides
politico-idéologiques les plus improbables. Sans doute, est-ce là une autre
manifestation de la fin des Idéologies, mais aussi et surtout de la défaite de
la Pensée, puisque nous ne semblons plus à même d’en inventer d’autres, propres
à nos sociétés post-industrielles, sociétés de la Connaissance dit-on avec le
plus grand sérieux…
Pour en revenir à
l’islamophobie, telle qu’elle apparaît le plus souvent sur des forums de ce
type, elle relève plus d’un racisme ethno-orienté que d’un sentiment anti-religieux,
d’aversion à l’islam, d’analyse critique du fait musulman en Europe. Dans l’espace
français, elle se confond facilement avec le racisme anti-arabe, anti-africain,
en Allemagne elle se confondra avec le racisme anti-turc, en Grande-Bretagne elle
se confondra avec le racisme anti-paki, etc…
Bien entendu, ses
réactions de type xénophobes, « classiques », se produisant à l’encontre
des minorités musulmanes d’Europe, se verront facilement qualifiés d’islamophobes,
et donc « légitimes » en occultant soigneusement le fait que : les
situations diffèrent largement entre les pays : l’Histoire et les
mouvements migratoires (ainsi que les rapports entre pays hôtes/migrants) étant de nature très différents selon que l’on
se situe en France, en Allemagne, en
Grande Bretagne,etc…que les populations immigrées extra-européennes en Europe Continentale
sont majoritairement d’origine africaine/turque, et donc principalement
musulmanes.
Le « clash »
se révélant principalement d’ordre social, la religion ou la culture n’apparaissent
que comme facteurs aggravants lorsque ni les sociétés d’accueil ni les minorités
n’ont su empêcher l’enfermement communautaire et la radicalisation religieuse qui peut en découler dans le cas particulier
des populations musulmanes, la question de la laïcité intervenant a posteriori.
Nous touchons bien
là à notre rapport aux notions de nation, communauté mais aussi d’attachement, questions
bien plus importantes aujourd’hui qu’une simple lecture religieuse qui ne sert
que de trompe-l’œil : personne ne pouvant se définir « ex nihilo »,
c.à.d, en dehors d’une communauté humaine préexistante ; l’attachement à une
(« sa ») communauté est naturel, partagé et commun à tous les hommes,
que celle-ci soit la nation, le village, le quartier, un cercle d’amis, etc…
A l’évidence, le
multiculturalisme « imposé » de nos sociétés ne sait pas répondre à
ces questions, que celles-ci concernent les communautés nationales d’acceuil,
ou les communautés minoritaires issues de l’immigration, et une islamophobie plus
xénophobe que critique ne saura pas plus y répondre, ne favorisant que des
communautarismes « négatifs » et les dialogues de sourds qui forment
l’essentiel des débats sur ce site.
Pour revenir à la
Tour de Babel de mon introduction, encore une fois tout n’est question de vocabulaire
et de langage.
« Cet
attachement (qu’ont les musulmans) pour la religion…les non-musulmans appellent cela amour de la
patrie. »
Rifa’a At-Tahtawi
l’amour n’étant
pas limité sans qu’il y ait nécessité pour cela d’être infidèle, l’attachement
pouvant être multiforme sans devenir forcément arrachement, et l’Humain par
définition un être sage, et trés changeant : il sera toujours possible de
redéfinir ce que nous entendons par « nous » ou « autre ».
Comme dirait, l’ami
Emil : « Deux ennemis, c’est un même homme divisé. »