Notre Maître était mal né, de bourgeoise maison, d’un physique disgracieux et de petite taille, sans titre de noblesse et sans esprit aucun.
Sa femme, la comtesse Bruni, d’une autre maison que lui, était une débauchée fort riche, dont le peu de vertu et les chansons populaires donnaient une sorte de respect au mari. La Bruni devenue reine eut cela de bon qu’elle aima presque tous ses vieux amis de droite dans tous les temps de sa vie quand dans celui du célibat elle célébrait ceux de gauche.
Elle était une grande créature, maigre, jaune, qui riait niais, et montrait de longues et blanches canines, souriante à outrance, d’un maintien composé, et à qui il ne manquait que la baguette pour être une parfaite fée. Sans aucun esprit, elle avait été tellement captivée par Monsieur de Son Mari qu’elle ne voyait que par ses yeux, et ses yeux ne voyaient jamais que des apparences et la laissaient la dupe de tout. Elle était pourtant la surveillante de tous les intrigants de la cour, et de son témoignage dépendaient les distinctions ou les dégoûts et souvent par enchaînement les fortunes. Tout jusqu’aux ministres, jusqu’aux proches du roi, tremblait devant elle ; on ne l’approchait que difficilement ; un sourire d’elle était une faveur qui se comptait pour beaucoup.
Notre Roy à talonnettes avait pour elle une considération la plus marquée. En récompense elle était de tous les articles des gazettiers amis et de tous voyages et toujours avec Monsieur de Son Mari qu’elle appelait « Chouchou » en public.