Merci pour toutes
vos réactions. Je voudrais essayer de répondre sur le « tant de mots pour
dire ça » et « vous restez à la surface, voulez-vous vraiment changer les choses ? ».
Tout en écrivant
cet article, j’ai réalisé que défaire le système mass médiatique pour nous
réapproprier les médias est incontournable si nous
voulons refaire société autrement… idée pesante (vu l’ampleur de la
tâche) !) que j’ai longtemps esquivée en me détournant des médias
(notamment la télé) que je dénigrais en bloc comme manipulateurs… mais je jetais le
bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire les « supports techniques de
l’esprit » (Cf les très éclairantes analyses de Bernard Stiegler) avec
leurs contenus (l’info réduit à la « com’ consumériste). J’ai quitté la
capitale pour vivre dans une vallée pleine d’alternatives (amap, réseaux
d’échanges de savoirs, coopératives, banque alternative la NEF, Enercoop…),
avec l’illusion qu’en province, loin du centre, on pourrait tenir toute cette
emprise à distance. Mais j’ai vite
déchanté ; même si une minorité très active de personnes invente au
quotidien des pratiques pour une nouvelle société, la majorité de gens de ma ville
provinciale n’ont plus guère le goût de participer, et regardent le JT de TF1
tous les soirs – les rues sont vides de vie, l’attention captée par la scène
mass médiatique qui colonise nos médias, les seuls
moyens d’échanger des idées et de former un sens commun à l’échelle de notre
société entière. J’aime trop l’idée d’appartenir à une
société riche de gens que je ne connais pas pour me satisfaire de communautés
d’initiés coupées du reste de la société.
J’ai écrit cet
article non pour redire seulement que « les mass médias nous
manipulent » ou pour faire de l’auto-satisfaction intellectuelle, mais pour essayer de clarifier pourquoi ils sont si
prégnants dans nos vies, et comment ils court—circuitent nos échanges (le seul
moyen de former un sens partagé et de faire société) en colonisant nos médias —
les analyses de Bernard Stiegler montrent bien que depuis l’origine des
sociétés humaines, les hommes utilisent ces « supports collectifs de
l’esprit » pour communiquer et faire société, de l’os incisé
préhistorique, au livre, en passant par les ondes radio, au MP3….
Je suis
navrée de devoir passer par des concepts difficiles au premier abord, mais sans
eux, je ne pouvais pas parler de ce niveau des processus collectifs ; d’autant
plus navrée que je suis une partisane passionnée de l’esprit de l’éducation
populaire, engagée dans la pratique ; mais je crois qu’à l’heure d’un
changement sociétale de fond comme celui que nous devons affronter, il nous
faut de nouvelles armes, qui passent par de nouveaux concepts… et donc au
premier abord difficile parce que nous n’y sommes pas familiers ; mais
quand ils seront socialisés, appropriés par les gens avec leurs images et leurs
mots, ils deviendront évidents — pensez aux premiers lecteurs de la théorie
marxiste (ou du Contrat social de Rousseau), qui ont du se tirer les cheveux,
et quelques générations plus tard, beaucoup de gens en comprenaient le
principe.
Merci à vous pour ces échanges !