Deux experts psychiatres se penchent sur le cas Trump : Le Dr Eric Luke, psychiatre-psychothérapeute et la Dre Stéphanie Baggio, docteure en psychologie
Résumé de leurs propos :
La catastrophe qui s’est déroulée le 6 janvier 2021 au Capitole nous a tous sidérés et consternés. Elle soulève le couvercle d’une boîte de Pandore dont de nouvelles horreurs n’ont cessé de s’échapper au cours des dernières années : la question de la santé mentale de Donald Trump et, plus encore, ses effets délétères sur le peuple américain.
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Déontologie
L’analyse présentée ici est bâtie sur une longue expérience d’expertises psychiatriques, en particulier celles visant à comprendre le fonctionnement psychique de personnes ayant commis des actes criminels. Bien sûr, toute évaluation psychiatrique sans la rencontre avec la personne expertisée reste hypothétique, et clamer des diagnostics psychiatriques sur la base d’observations lacunaires sans entretien approfondi n’est ni crédible, ni souhaitable.
Le fait de poser un diagnostic psychiatrique sans avoir rencontré la personne a largement agité le monde de la psychiatrie, qui juge cela non conforme à l’éthique du métier. Néanmoins, les psychiatres ont également un devoir de prévention des dérapages psychiques qui, nous estimons, justifie leur prise de parole. Ils peuvent le faire avec prudence et mesure, pour attirer l’attention sur les dangers et élever le débat et non pour attiser les haines en donnant des opinions partiales. Par ailleurs, il est dans certains cas possible de faire des expertises sur dossiers, par exemple quand des personnes incarcérées pour des faits graves refusent l’expertise. Dans ces cas, l’expertise psychiatrique constitue certes un exercice compliqué et incomplet, mais qui permet néanmoins de poser des hypothèses diagnostiques solides.
Comme dernière mise en garde, nous souhaitons rappeler qu’un des grands risques de la psychiatrie est son apparente accessibilité. Doté d’un manuel de psychiatrie, presque n’importe qui peut s’improviser « psy » et catégoriser les autres dans tel ou tel trouble, à l’aide de la liste des critères diagnostiques. Cependant, ces critères, s’ils ont été créés pour faciliter et harmoniser la pose de diagnostic, sont parfois utilisés sans la rigueur scientifique nécessaire. La parole sur les troubles psychiatriques doit être laissée aux experts, tels que psychiatres ou psychologues, qui sont les seuls formés aux subtilités et nuances des diagnostics psychiatriques.
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Le cas Trump
Pour en revenir au cas de Trump, il souffre très probablement d’un trouble grave de la personnalité narcissique, marqué par un sentiment indécent de supériorité et des fantasmes quasi délirants de succès et de pouvoir. Tout cela traduit une impuissance infantile qu’il doit compenser par une toute-puissance mégalomane. Son utilisation du mensonge, de l’incitation à la violence, son arrogance et son manque total d’empathie vis-à-vis du peuple américain sont également caractéristiques de ce trouble.
L’état psychique du président américain était déjà sujet à débat au début de son mandat.
Décompensation
L’annonce de sa défaite a vraisemblablement décompensé son trouble. Trump a semblé perdre le lien avec la réalité, niant les résultats de l’élection présidentielle, le rendant capable de soutenir un mouvement de violence et d’abîmer la démocratie pour empêcher sa propre chute.
Beaucoup se sont demandé si ces comportements auraient justifié qu’on lui retire le pouvoir. La question psychiatrique à se poser est plutôt celle du danger que représente la personne pour elle-même et pour les autres. Trump a-t-il représenté un danger imminent pour la société américaine ? Avec une attaque qui s’est traduite par plusieurs morts et le chaos démocratique occasionné, la réponse est certainement oui.
Ces phénomènes posent plusieurs douloureuses questions. La première est celle de l’adhésion et de la participation des citoyens dans l’insurrection du Capitole, mais aussi globalement dans la mascarade orchestrée par Trump. Au-delà d’une part d’obscurantisme sociétal mêlant extrémisme, fanatisme ou encore complotisme, il semble que Trump ait autorisé l’expression de la partie obscure de tout un chacun : leur égocentrisme, leur crédulité, voire leur sadisme. Cela évoque hélas d’autres périodes sombres de l’histoire, douloureusement rappelées dans les drapeaux à connotation raciste voire suprémaciste brandis par les manifestants au Capitole. Ce genre de dérapages doit à tout prix être évité.
Question constitutionnelle
La seconde question est d’ordre constitutionnel et législatif. Des lois permettent d’agir contre les personnes ayant des troubles psychiques mettant en danger elles-mêmes ou autrui, au besoin contre leur gré. Aux États-Unis, depuis quatre ans, aucune loi n’a été utilisée pour intervenir contre un président manifestement dangereux, dont les propos et les actes ont été tour à tour voire simultanément irresponsables, fantasques, injurieux, provocateurs et marqués du sceau de l’ignorance. Il est hélas trop tard pour protéger la société de Trump, mais il faut pouvoir agir face à une telle folie destructrice quand les enjeux sont si élevés et les conséquences potentiellement si lourdes. Il est urgent d’éviter que de telles situations se reproduisent, au moment où les extrémismes et le fanatisme fleurissent partout.
Cet avis constitue un grain de sable qui, seul, ne pourra rien changer. Mais il serait heureux d’être soutenu par toute une plage et que les forces s’unissent pour défendre nos démocraties de l’obscurantisme. La dernière chose qui restait au fond de la boîte de Pandore était l’espérance et nous pouvons peut-être encore la libérer.
21/01 12:04 - Attila
@pierrot Oué, la démocratie avec Biden vous êtes en plein rêve. Trump ou Biden, c’est le (...)
21/01 12:00 - pierrot
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21/01 09:29 - zygzornifle
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21/01 09:03 - Daniel PIGNARD
@amiaplacidus Que disent les experts de cette réflexion ? Porter des boots Timberland (...)
21/01 09:02 - Daniel PIGNARD
@amiaplacidus Un expert a déjà parlé : « Sachant avant tout que, dans les derniers jours, il (...)
20/01 23:16 - pipiou2
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