L’ogre cannibale Attali 1979....
Où vont la médecine, la maladie, la santé ? La crise de nos
sociétés ne plonge-t-elle pas ses racines les plus profondes en ce
domaine où les attitudes et les conceptions risquent, d’ici la fin du
siècle, de se trouver radicalement bouleversées ? Telle est la première
interrogation à laquelle répond Jacques Attali dans cette "économie
politique du mal" réalisée au terme de plusieurs années de réflexion et
d’enquête, notamment aux USA, au Japon et partout en Europe. Si la vie
risque de devenir de plus en plus un bien économique, s’il est vrai que
l’hôpital va se vider, que l’exercice de la médecine est en passe de
céder le pas devant l’utilisation des prothèses, encore ne faut-il pas
se borner à constater ces évolutions prévisibles, mais se demander :
comment en est-on arrivé là depuis que les hommes tentent de désigner le
mal, de le conjurer et de le séparer ? Jacques Attali répond en
appuyant son analyse contemporaine et prospective sur une vaste synthèse
historique montrant, dans leurs dimensions mondiales, les principaux
tournants de l’histoire de la médecine, de l’hôpital, des épidémies, de
la charité, de l’assurance, jalonnée par les hégémonies successives du
guérisseur, du prêtre, du policier puis du médecin dont le règne
aujourd’hui touche à sa fin. Au terme de cette double enquête-réflexion -
sur le terrain où s’esquisse l’avenir, dans le passé où il s’explique
- , on est conduit à se demander si, de la consommation réelle des corps
dans les sociétés cannibales de jadis à la consommation des copies du
corps que nous prépare l’ère des prothèses, nous sommes jamais sortis
d’un ordre cannibale, ou encore si notre société industrielle n’a jamais
été rien d’autre qu’une machine à traduire un cannibalisme vécu en
cannibalisme marchand.