Il s’agit bien d’une Constitution - le mot apparaît environ 170 fois dans les 448 articles, et dans son titre complet : « Traité établissant une Constitution pour l’Europe ».
L’article I-6, disposant que « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres », tente bien de créer une sorte d’État fédéral, un État de type nouveau avec ses pouvoirs (mal séparés), exécutif, législatif et judiciaire.
Les critères traditionnels de l’Etat : territoire, élément matériel ; population, élément personnel, avec une citoyenneté ; et organisation juridique et politique, élément formel - sont réunis.
De même ses éléments symboliques : devise, drapeau, hymne, journée européenne - et financier : l’euro (€) comme monnaie unique.
Lui manquerait encore, dit-on, la compétence de ses compétences. Mais il est envisagé que l’Union, qui a la personnalité juridique (article I-7), obtienne un siège à l’ONU. La transformation des règlements et directives communautaires en lois et lois-cadres (article I-33), la création d’un ministre européen des affaires étrangères (article I-28, alors qu’aucune politique étrangère commune n’existe ...), la répartition centralisatrice des compétences entre l’Union et les Etats (articles I-11 à I-18) ainsi que l’introduction d’une Charte des droits fondamentaux (Partie II) sont autant d’éléments supplémentaires d’une Constitution effective.
Les traités européens ont, dans la hiérarchie des normes juridiques françaises, une valeur supérieure à celle des lois nationales (art. 55 de la Constitution de 1958 ; arrêts Semoules de 1968 et Nicolo de 1989), mais encore inférieure à celle de la Constitution française ; le Conseil d’État a eu l’occasion d’affirmer la suprématie, en droit interne, de la Constitution sur les traités ou accords internationaux (CE. Ass., 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, Recueil, p. 368) ; si ce Traité constitutionnel était ratifié, ce ne serait probablement plus le cas.