Mathieu Boogaerts déménage !
Pas de vacances pour Mathieu Boogaerts qui fignole actuellement son prochain album en studio. Globe-trotter infatigable, cet auteur-compositeur discret et précieux s’est mis récemment à explorer des univers musicaux où le public ne l’attend pas forcément. L’été sera donc studieux pour mieux ménager la surprise de compositions tout à fait originales.
Depuis que Mathieu Boogaerts a annoncé sur son site officiel qu’il travaillait à la réalisation de son nouveau disque avec une sortie prévue pour l’automne, ses fans s’agitent en tous sens. Mais où était donc passé Mathieu Boogaerts ? Réponse : là où vous ne l’attendez pas ! Il est passé par ici, il repassera par là-bas. En fait, pour être tout à fait objectif, il ne semble toujours pas très fixé et oscille actuellement entre phases d’angoisse et bouffées d’enthousiasme. Rien de très original en somme pour un créateur si ce n’est que le nouvel opus de l’artiste devrait en surprendre plus d’un, voire lui coûter cette fâcheuse étiquette de « chanteur minimaliste ». Et après tout, tant mieux…
Après Michel…
En plein mixage, Mathieu Boogaerts a néanmoins pris le temps de lever le voile sur les réflexions, les anecdotes et les coups du sort qui l’ont conduit à composer un album très différent des précédents. Rendez-vous pris à Paris, au studio Ferber, porte de Bagnolet. Mathieu Boogaerts nous attend au sous-sol. Le son de sa voix nous guide. C’est plein de câbles, d’écrans, d’amplis, de boutons, de curseurs. Ca sent le travail, l’inspiration galopante et récalcitrante, le doute et l’illumination, en fonction des jours et des humeurs. Dans cette ambiance en marge de la vaine agitation de la capitale, Mathieu Boogaerts, les cheveux en bataille, fait une pause. Dès les premières secondes, il aura suffi d’une question très anodine pour toucher à l’essentiel. Un simple « Comment ça va ? » lancé en l’air et c’était parti. « C’est une bonne question. (rires) Et justement, la réponse n’est pas si évidente d’emblée. Il faudrait reprendre depuis le début ». Depuis le début, sous-entendu, après la fin de la tournée de Michel, le dernier album en date. Un flash-back s’impose pour remonter à la source de l’inspiration. C’est en Afrique de l’Est qu’ont lieu les derniers concerts entre avril et mai 2006. Mathieu Boogaerts passe alors par Madagascar, le Kenya, le Soudan ou encore l’Ethiopie. Finalement, délaissant le billet de retour pour
Discours de la méthode
Dans le même temps, Mathieu Boogaerts cultive ses envies d’ailleurs. A force de voyager, il réalise combien il est réducteur de passer toute une vie dans une seule ville même s’il s’agit de Paris. Déjà en 2005, il avait songé à s’installer à Berlin. Un projet très sérieux, très motivé. « Et après y avoir passé quinze jours en hiver tout seul, j’ai un peu angoissé et j’ai renoncé. Tout ça pour dire qu’en dehors de l’écriture d’un prochain disque, je sentais aussi que c’était le moment pour moi de changer de pays. » Cap de la quarantaine ? Signe du destin ? Heureuse conjonction ? Quoi qu’il en soit, à la croisée des chemins, il choisit Bruxelles pour de multiples raisons à la fois humaines, affectives, pratiques et musicales. Dans la capitale belge, il déniche un studio de 150 m2, niché au cœur d’un ancien stand de tir. Ca ne s’invente pas. Un lieu idéal pour faire du bruit sans se soucier des voisins. Un endroit parfait pour donner corps à un projet mûri depuis très longtemps. « Un disque où il est question de commencer par les arrangements avant de travailler la composition proprement dite. Des tas de gens travaillent ainsi et pas avec une guitare sèche dans un hamac. » Si on prend la peine de creuser un peu la question, on peut imaginer qu’à l’origine de cette envie, il y a peut-être une frustration : celle du Mathieu fou de percussion, assis derrière une batterie dès l’âge de 10 ans et qui n’a jamais pu mettre à profit toutes ses idées de rythmes dans ses disques précédents. Il part donc sur ce nouveau disque comme s’il s’agissait d’un voyage en terre inconnue. Il rentre en studio chaque matin avec rien et fait le pari chaque soir d’en ressortir avec quelque chose. Il faut entendre par là, un morceau, une structure de base constituée d’une intro, d’un couplet, d’un refrain, de quelques arrangements, voire de quelques mots si l’inspiration a décidé d’être généreuse. Pour la première fois de sa vie, il cherche ! Le studio devient un lieu d’expérimentation entre les mains d’un musicien qui s’amuse. Mais que cherche-t-il au fait ? « Au départ, c’était un jeu. Tout était très lâché, très ludique et sexy. La batterie, disons le rythme, était l’étalon de toutes ces compositions. » Le système est tellement au point qu’en deux mois ce ne sont pas moins de soixante « morceaux » qui voient effectivement le jour. Nous sommes au 1er septembre 2007. A force de tri et au fil des semaines, il ne reste bientôt plus que 25 esquisses musicales et puis finalement 19.
Un bagage raisonnable pour songer à s’attaquer sérieusement aux textes. Pour cela, pas de secret, la méthode Boogaerts, c’est la retraite, l’isolement, l’ailleurs. Direction New York. Because, parmi les nombreuses nouveautés qui s’accumulent pour ce disque il y a aussi la langue de Shakespeare qui n’a jamais été autant présente dans les textes, quasiment pour la moitié des titres. Après un mois de travail en solo, le résultat est en demi-teinte. Alors, après le bruit et la fureur des avenues de Manhattan, ce seront les Seychelles, la plage et la douce quiétude d’un cabanon. Il est comme ça Mathieu.
I Love you
Des tours et des détours pour finalement se retrouver en juin dernier dans le 20e arrondissement de Paris dans le sous-sol d’un studio éclairé par un halogène paresseux : objectif mixage de l’album. Pour l’occasion, il retrouve Renaud Letang, un vieux complice déjà présent pour Ondulé, pour 2000 et pour Michel aussi. Et d’un seul coup, on sent la pointe d’inquiétude remonter. Mathieu Boogaerts a besoin de se lever et s’agite un peu en cherchant ses mots. C’est le moment où l’on retrouve la question de départ : Comment ça va ? « Pas très bien en fait. Il y a un son que j’ai choisi et que je ne retrouve pas ici. C’est complètement déstabilisant. Or, pour ce disque en particulier, le mixage est fondamental. Car c’est un disque où la production est un acteur principal puisque tout est né de là. Dès lors, les textures, les balances sont essentielles et réellement propre à l’album tel que je l’ai conçu et imaginé. » On s’interroge : est-ce la première fois ? S’agit-il d’une conséquence induite par ce nouveau mode de composition ? « Non. Ca fait toujours ça. Alors je ne sais pas si c’est moi qui suis fou… franchement, je ne sais pas. En revanche, je vois le temps filer et, pour l’instant, il n’y a que deux ou trois titres dont je sois vraiment satisfait. Pour le reste, il demeure un vrai problème de couleur. » A ce moment précis, on ne peut s’empêcher de se rappeler les paroles du refrain d’Ondulé, un des titres qui a lancé le chanteur sur le devant de la scène en 1995 : « Ondulé/ Par-ci par-là luné/ Pas les idées bien installées. » Décidément, il n’est pas aisé d’attraper au vol Mathieu Boogaerts, entre Paris et Bruxelles, New York et les Seychelles, les mélodies mélancoliques d’autrefois et aujourd’hui… Mais, au fait, que peut-on dire de plus concret sur cet album inattendu ? « Normalement, le titre de l’album sera I Love you et il devrait comporter treize chansons, si tout va bien. Pour les thèmes, il y a toujours pas mal d’amour, mais avec un autre langage, d’autres angles, d’autres interprétations, plus funky, plus dansant. Franchement, je me dis qu’un bon tiers de ceux qui ont aimé Michel vont vraiment se demander : "Mais qu’est-ce qu’il a fait ?" Et puis d’autres qui n’aimaient pas mon travail jusque-là vont peut-être se retrouver pour la première fois dans mes compositions. En fait, je peux imaginer que Michel était un album qui s’écoutait aisément le dimanche matin au réveil. I Love you conviendrait peut-être mieux au samedi soir avant de sortir en boîte. » Suspense ! Les vacances n’auront sans doute jamais paru aussi longue… pour tous les amoureux de Mathieu Boogaerts.
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