Tintin pour la Carlafiore
Avis de tempête dans le show-biz,
La célèbre chanteuse engagée, Sylvie Vartan, lance un nouveau combat.
Il est de taille.
Loin des luttes stériles pour le pouvoir d’achat, le chômage, la défense des sans-abri, ou la dénonciation des frasques juridiques du gouvernement, elle vient d’enfourcher un nouveau cheval de bataille : la défense de Carla Bruni dont, se plaint-elle, une chanson écrite pour elle, serait boycottée par les radios.
Voila une cause courageuse de la part de celle qui a commis de si subtiles et si intelligentes chansons : Celle qui a défendu avec tant de conviction la cause féminine (comme un garçon, j’ai les cheveux longs) (version mdr) celle qui dénonce les méfaits du tabac (l’amour, c’est comme une cigarette), et enfin celle qui a défendu l’environnement avec sa chanson « la poubelle sans me déguelasser » vient donc de s’engager pour une nouvelle et indispensable cause, défendre la chanson française engagée, et en l’occurrence une chanson de Carla Bruni.
Elle affirme que les radios ont boycotté sa chanson « je chante le blues », que Carla a composée pour elle. lien
On peut tout de même être surpris que Carla revendique le Blues, sachant que ces chansons étaient surtout le chant de révolte des esclaves noirs, et qu'on la sent assez éloignée de cette situation.
Elle se demande pourquoi Carla est considérée comme une chanteuse sans talent. lien
La question méritait d’être posée.
On pourrait lui rétorquer que la première dame de France est largement choyée par les médias de par la position qu’elle occupe.
Il faut reconnaitre qu’elle reste dans la chanson confidentielle, à peine audible, et cette modestie l’honore.
Et d’autre part, on sait qu’elle n’hésite pas, malgré le devoir de réserve qui est le sien, à s’engager courageusement aux cotés du peuple qui souffre.
En effet, comment ne pas être sensible aux messages poignants de ses chansons ?
Dans « quelqu’un qui m’a dit que tu m’aimais encore », c’est toute la lutte pour l’amour et donc la non violence qui est inscrite en filigranes dans cette lumineuse chanson.
Regardons de plus prés les paroles de ce chef d’œuvre qui n’a rien à envier aux « protest songs », chers à Bob Dylan ou à Léo Ferré :
« On me dit que nos vies ne valent pas grand-chose » :
Tout est dit dans cette phrase : elle dénonce la baisse tragique du pouvoir d’achat des français, prenant fait et cause pour eux, et semble prête vraisemblablement à descendre dans la rue pour protester contre la pauvreté.
« Elles (nos vies) passent en un instant comme fanent les roses »
Le message est clair, il faut prolonger les vies, et donc défendre la recherche, s’engager pour protéger l’hôpital, ce service public si menacé aujourd’hui.
« On me dit que le temps qui glisse est un salaud »
Quel courage d’aller si loin dans la dénonciation ! On est abasourdi, on est à genoux devant ce génie prémonitoire !
« Que de nos chagrins, il s’en fait des manteaux » :
L’allusion est limpide, elle s’engage à l’instar de Brigitte Bardot, dans la lutte contre la destruction des animaux à fourrure.
Même si l’association PETA (people for Ethical Treatment of Animals) lui suggère de ne plus s’afficher avec de la vraie fourrure, et de fournir ces vêtements aux sans-abris. lien
Mais c’est le deuxième couplet qui est sans doute le plus courageux :
« On me dit que le destin se moque bien de nous, qu’il ne nous donne rien et qu’il nous promet tout »
C’est bien évidemment de la lutte des classes qu’il s’agit, et elle dénonce les promesses non tenues de ces élus bonimenteurs qui, une fois en place, s’en moquent comme de leur première chemise. lien
Elle enfonce courageusement le clou en ajoutant : « parait que le bonheur est à portée de main, alors on tend la main et on se retrouve fou »
Quelle lucidité, quel constat cruel et réaliste sur cette société de chômeurs, de sans abris, de suicidaires du travail, à France Télécom ou ailleurs, qui poussés par le stress patronal décident en fin de compte d’en finir avec la vie ! lien
Le dernier couplet est d’un domaine plus secret, celui de la prémonition, du sixième sens.
Il est complexe, raison de plus pour tenter de l’expliciter.
« Mais qui est-ce qui m’a dit que toujours tu m’aimais ? »
Que les littérateurs obscurantistes ne viennent pas ici chercher noise, prétextant bêtement que cette phrase mal construite resterait d’une banalité consternante, ce ne sont que des aigris préférant Ferré, Brassens, Ferrat, les Têtes Raides, François Béranger, Noir désir ou Nougaro…des éternels passéistes, car cette phrase qui conclut la chanson, reflète toute l’inventivité de sa créatrice portée par ce thème jamais abordé dans la chanson française, « je t’aime, t’en vas pas, je suis là, tu reviens ».
Elle pense qu’il l’aime encore, mais doute de ce qu’on ait pu lui dire, et s’interroge.
Comment pourrait-elle faire autrement.
Il l’aime ?
Il ne l’aime plus ?
Il pourrait l’aimer encore ?
Ou pas…
La question est d’importance, peut-être même vitale.
Elle poursuit :
« Je ne me souviens plus, c’était tard dans la nuit »
Comment en vouloir à cette belle amoureuse, qui tard dans la nuit, dans un rêve cassé, doute de ce qu’elle ait pu entendre ?
« J’entends encore sa voix, mais je ne vois plus les traits »
Et là, on frôle le génie, car au lieu de dire « je ne vois plus ses traits », elle clame (d’une voix éteinte à force d’être imperceptible) « je ne vois plus les traits ».
« Les traits ».. Et non pas « ses traits ».
Là est toute la différence !
Les traits, donc les lignes !!!
Oui, les lignes…c’est ce qu’il fallait comprendre.
Lignes blanches, celles tracées sur la route qu’il ne faut jamais franchir, tout comme d’autres lignes blanches chères à Alain Bashung, d’où son aveuglement.
La dernière phrase est plus complexe :
« Il vous aime, c’est secret, lui dites pas que je vous l’ai dit ».
Un secret partagé, et non dit, et pourtant qui n’est plus du domaine du secret puisqu’il lui a été révélé.
C’est toute la complexité du moi sur le soi qui est exprimé là, du domaine de la sublimation, puisque le non dit est dit malgré tout.
Voila un beau sujet de bac pour nos chères têtes blondes et pour les amateurs éclairés de l’authentique chanson de création. (les paroles inoubliables de cette chanson sont sur ce lien)
Alors devant ce chef d’œuvre, qui repousse Baudelaire et Rimbaud dans les limbes de nos souvenirs, comment ne pas comprendre l’engagement de Vartan, notre bulgare nationale, qui ne supporte plus l’absence de médiatisation de cette artiste majeur qu’est Carla.
Il serait temps qu’une pétition soit lancée afin de mettre à sa juste place cette grande créatrice, pourtant restée si modeste.
Elle dont la vie sentimentale est restée si pure, rejetant avec détermination les amants qui la convoitaient. lien
On pourrait bien sur lui reprocher quelques déclarations hasardeuses et mal venues, comme celle-ci, publiée dans « le Daily Mail », le 19 janvier 2008 « les français, ils sont minables, toujours de mauvaise humeur, tout le contraire des italiens » et elle ajoute qu’elle ne se sent pas du tout française. (De quoi énerver ce bon Hortefeux). lien
Pourvu qu’il ne la mette pas dans un prochain charter, car les Français, pas rancuniers pour un sou, estiment à 71% qu’elle donne une bonne image de la France. lien
Bien sûr, quelques mauvais coucheurs, l’invitent à quitter la France puisqu’elle ne l’aime pas, et ont même crée un site sur Facebook pour le lui dire. lien
Enfin, même si ce malheur arrivait, que l’on se rassure, la première dame de France s’en consolera vite, puisqu’elle a déclaré :
« Je m’ennuie follement dans la monogamie, et je ne suis monogame que de temps en temps ». lien
Alors de Sylvie qui n’aimerait pas qu’on enlève un « R » à son nom, à Johnny, l’exilé fiscal, la question reste posée : qui voulons nous garder dans nos mémoires ?
Les révoltes sincères de Cantona, et celles volontaires et calculées d’Assange, ou celles de Vartan ?
Le citoyen tranchera en 2012.
Et je ne pourrais conclure autrement qu’en citant mon vieil ami africain qui affirme que :
« La vérité n’a de prix que dans la bouche du menteur ».
Merci à Large pour l’illustration de l’article, à Xian et à http://www.collectifinvisible.info/ pour leur aide précieuse.
114 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON