Dans l’histoire du sport il y a quelques figures mythiques et légendaires qui resteront à jamais comme les références absolues de leur discipline. Et bien entendu, plus ce sport est universel et plus grande est la gloire de ceux qui ont contribué à sa légende. Ils ne sont d’ailleurs pas très nombreux…parce qu’on n’arrive pas à leur trouver de défaut dans l’exercice de leur métier, ce qui permet de gommer leur imperfection d’humain. D’ailleurs, pour la postérité, ils sont considérés comme des demi-dieux, sorte d’Heraclès des temps modernes. Pour ma part je ne citerais que Pelé, le footballeur, Ray Sugar Robinson le boxeur, et Fausto Coppi, le champion cycliste surnommé le campionissimo. Certes quelques autres monstres sacrés méritent aussi une place à part (Merckx, Hinault, Fangio, Senna, Blanco, Marciano, Mohammed Ali, Leonard, Owens, Elliot, El Guerrouj, Bekele, Bolt, Phelps, Di Stefano, Laver, Federer, Michael Jordan, Tiger Woods, etc.), mais Pelé, Robinson et Coppi avaient incontestablement une autre dimension.
Bien entendu si je parle de Fausto Coppi , c’est parce qu’aujourd’hui il y a très exactement 50 ans (le 2 janvier 1960) que l’immense champion italien est décédé à Tortona à l’âge de 40 ans, victime de la malaria après un séjour en Haute-Volta (Burkina Faso aujourd’hui) en compagnie de quelques autres grands champions (Géminiani, Anquetil, Rivière, Anglade, Hassenforder) où il avait pu sacrifier à la chasse, sa grande passion. Oui déjà 50 ans, et même si à l’époque j’avais à peine 13 ans, je m’en souviens comme si c’était hier. Déjà j’étais fou de vélo, entre autres grâce aux exploits de Fausto Coppi, et c’est avec tristesse que j’avais assisté à la lente agonie cycliste du champion qui n’en finissait plus d’achever une carrière extraordinaire, la plus belle à coup sûr de l’histoire à cette époque.
Et pourtant cette carrière tellement brillante, sur la route comme sur la piste, avait été interrompue pendant plus de deux ans (1943 à 1945) en raison de la deuxième guerre mondiale à laquelle il participa comme soldat, ce qui lui valut d’être fait prisonnier et d’attraper une première fois la malaria. En outre cette période où le monde était à feu et à sang avait provoqué, évidemment, l’arrêt des plus grandes compétitions du calendrier (Tour de France, Giro, classiques, championnats du monde).
Quelle serait l’ampleur du palmarès de Coppi sans la guerre ? Personne ne peut le dire avec certitude, mais il est vraisemblable qu’il aurait remporté en plus de tout ce qu’il a gagné au moins trois ou quatre Tours d’Italie, deux ou trois Tours de France, quelques Tours de Suisse, plusieurs grandes classiques et championnats du monde sur route. Sans doute serait-il tout près d’Eddy Merckx au nombre de grandes courses gagnées, avec toutefois une très grande différence de concurrence. N’oublions pas que la fin des années 40 et le début des années 50 ont regorgé de très grands champions, comme Bartali, Koblet, Kubler, Magni, Bobet et Van Steenbergen, pour ne citer qu’eux. Jamais Merckx n’a eu à affronter une telle pléiade de concurrents hors norme. Il en sera de même pour Hinault quelques années plus tard.
Peut-être est-ce pour cela que, 50 ans plus tard, le mythe Coppi existe toujours, l’amour des fans étant nourri d’une génération à l’autre. Il est vrai que Coppi incarne un modèle absolu, tellement absolu que les coureurs actuels, y compris les plus jeunes, ne prononcent son nom qu’avec infiniment de respect. Peut-être aussi que sa mort subite, absurde, lui a donné un supplément de sacralité, et a contribué à enrichir encore un peu plus une légende où l’épopée et le tragique se côtoyaient, mais où le campionissimo finissait toujours par triompher. Cela avait permis à l’ancien apprenti charcutier de Novi Ligure de découvrir les plaisirs de la vie de star, comme nous dirions aujourd’hui, sans oublier les rencontres avec les grands du monde de son époque : Orson Wells, Maurice Chevalier…et Winston Churchill, comme je l’ai découvert en lisant la Gazzetta dello Sport.
Il fut aussi à sa façon une sorte de précurseur, n’hésitant pas au début des années 50 à afficher son amour pour Julia Occhini, appelée aussi la Dame Blanche, après avoir quitté son épouse légitime, véritable crime dans l’Italie de l’immédiate après-guerre. Mais surtout il l’avait été par son comportement dans le métier de coureur cycliste. Il avait senti l’importance du personnel médical autour de lui, de la diététique avec une alimentation équilibrée, de l’entraînement en montagne, autant de choses banales de nos jours, mais inédites à l’époque.
Enfin, on ne le soulignera jamais assez, c’était un homme généreux au vrai sens du terme, ce qui lui permit de recevoir l’affection et le respect de tous, à commencer par ses pairs, les autres coureurs. Et pourtant dans ses grands jours, beaucoup l’ont maudit tellement il semblait facile là où les autres « finissaient à pied » comme on dit dans le jargon du vélo. Cela dit, sa supériorité était telle parfois que celui qui arrivait second derrière lui considérait cela comme une victoire. Ce fut notamment le cas de Maurice Diot à l’issue de Paris-Roubaix en 1950. Bref, pour moi comme pour beaucoup d’autres sportifs et amateurs de sport, Fausto Coppi a été et restera sans doute pour l’éternité « le meilleur des meilleurs ».
Bonne et heureuse année 2010, avec beaucoup d’exploits sportifs pour nous faire rêver.