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Football français : l’inquiétude concerne les clubs, pas les Bleus

L’élimination de l’équipe de France de football au premier tour de l’Euro austro-helvète a suscité des commentaires aussi accablés et accablants que lors de celle, plus piteuse encore pour un tenant du titre, au premier tour de la Coupe du monde 2002 en Extrême-Orient, et, dans une moindre mesure, lors de la surprenante défaite face à la Grèce en quart de finale de l’Euro 2004, au Portugal.

Le plateau de M6, mardi soir, a été le théâtre de critiques abruptes et définitives, dans un contexte rendu cocace par la demande en mariage du sélectionneur vaincu à sa présentatrice de future épouse. Seul François Hollande, authentique amateur de ballon rond au demeurant, a persisté dans sa rondeur coutumière en se contentant de formules alambiquées dont onze ans à la tête du parti de la (p)rose lui ont donné le secret.

Mais la modération du Premier secrétaire du Parti socialiste était contrebalancée par les diatribes de Bruno Solo et Pierre Ménès, qui ne sont pourtant, pour des raisons opposées, pas les mieux placés pour déplorer la méforme des Bleus.

Pour qui veut bien prendre du recul sur le cycle qui s’est vraisemblablement achevé dans l’histoire de l’équipe de France, il est pourtant évident que le bilan des douze dernières années est plus que satisfaisant. Disons même que les Bleus n’avaient jamais connu une aussi fructueuse et longue séquence dans leur histoire.

La convainquante demi-finale au Mondial suédois de 1958, avec une défaite (2-5) logique face au Brésil de Pelé, l’une des toutes meilleures équipes de l’histoire du football, n’a pas eu de suite avant... 1982. Soit, à un an (de plus) près, la même période d’attente que pour la gauche française entre le 13 mai du général de Gaulle et le 10 mai de François Mitterrand.

Cette comparaison prouve bien la vacuité du bilan des Bleus pendant un quart de siècle. A suivi une belle séquence de quatre ans, marquée par deux demi-finales de Coupe du monde (1982 et 1986), dont la première n’aurait jamais dû être perdue face à l’Allemagne de l’Ouest, la défaite face à cette même RFA dans la seconde étant plus logique.

Entre les deux, une difficile mais éclatante victoire, avec un Platini au sommet de son art, lors de l’Euro disputé en France en 1984. Et puis, ensuite, une double non-qualification pour l’Euro 1988 en Allemagne fédérale et le Mondial 1990 en Italie, une sortie guère plus glorieuse que mardi dernier lors de l’Euro suédois de 1992 et des airs à la fois d’Azincourt, de Waterloo et de Sedan lors de la double défaite à Paris contre Israël et la Bulgarie à l’automne 1993, privant les Bleus du Mondial américain l’année suivante.

Avant qu’Aimé Jacquet ne prenne les rênes de l’équipe de France, le bilan des Bleus était donc très pauvre, pour ne pas dire vierge. Depuis, un cycle, manifestement interrompu mardi soir, a vu l’équipe de France remporter une Coupe du monde (1998), un Euro (2000), deux Coupes des confédérations (2001, 2003) atteindre la finale de la Coupe du monde (2006), et les demi-finales (1996) et les quarts de finale (2004) de l’Euro. Elle a aussi, fait notable, participé à sept phases finales consécutives.

Lors de ces sept tournois, la France a joué des matches que je qualifierais d’"anthologie" si cette formule n’était pas éculée : rappelons pour mémoire le quart de finale gagné aux tirs aux buts (0-0, 4-3 t.a.b.) contre l’Italie au Mondial 1998, celui contre l’Espagne (2-1) à l’Euro 2000, la victoire à l’arraché contre l’Angleterre (2-1) au premier tour de l’Euro 2004, et, bien sûr, le huitième de finale contre l’Espagne (3-1) et le quart de finale contre le Brésil (1-0) au Mondial 2006.

Un tel bilan, qu’aucun pays européen n’a égalé, et que seul l’intouchable Brésil dépasse au niveau mondial, mériterait mieux que des critiques, même s’il faudra bien se résoudre à ce que tous les joueurs de la génération doublement vitorieuse en 1998-2000 prennent leur retraite, pour laisser la place à une nouvelle phase de transition dans l’histoire du football français.

Là où il y a davantage lieu de s’inquiéter, en revanche, c’est pour le consternant niveau du championnat de France de Ligue 1 et les piètres résultats des clubs français dans les compétitions européennes depuis la fin des années 1990. Si les centres de formation des clubs professionnels continuent à sortir de grands talents, ceux-ci, attirés par une fiscalité plus compétitive, vont enrichir la Premier League anglaise, la Série A italienne et la Liga espagnole, qui se partagent depuis longtemps la quasi-totalité des trophées européens.

En France, un club, trop fort dans l’Hexagone, trop faible sur le Continent, accumule les victoires à la Pyrrhus depuis sept ans déjà. Premier de la Ligue 1 avec 17 points d’avance en 2007, vainqueur du doublé Coupe-Championnat cette année, l’Olympique lyonnais ne souffre d’aucune concurrence, et ne connaît pas l’émulation qui lui permettrait, comme dans les grands championnats, de progresser pour être à la hauteur des grands rendez-vous européens, avec cinq échecs consécutifs contre les grandes équipes européennes ces dernières années (Porto, le PSV Eindhoven et le Milan AC en quarts de finale de la Ligue des Champions en 2004, 2005 et 2006, et l’AS Roma et Manchester United en huitièmes de finale en 2007 et 2008). S’il y a une faiblesse du football français à déplorer, elle est plutôt du côté des clubs.

Peut-être qu’une politique plus généreuse à l’égard des clubs en matière fiscale permettrait à la France de compter à nouveau, comme dans le passé, de grandes équipes, et ainsi de remporter de nouveaux trophées européens à l’avenir.

Roman Bernard


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2 réactions à cet article    


  • Yannick Harrel Yannick Harrel 21 juin 2008 16:18

    Bonjour,

    Concernant les clubs Français, leur élan Européen débuté par l’OM de tapie (deux finales dont une de gagnée) et poursuivi par le PSG a été stoppé brutalement avec l’arrêt Bosman. Depuis la place de la France décroît tout doucement mais sûrement dans le classement UEFA. La question de la fiscalité est prégnante c’est un fait mais il y a aussi un autre facteur à prendre en compte : l’intérêt et la motivation qu’ont les clubs pour ces compétitions Européennes.

    En effet, depuis quelques années j’ai l’impression que l’on est revenu à l’époque anté-OM des années 90, à savoir que pour les clubs qualifiés l’Europe c’est du bonus : si on va loin tant mieux, sinon tant pis... Avec comme conclusion logique des éliminations prématurées ou des tours de piste sans lendemain. La Coupe UEFA où pourtant les Français peuvent encore prétendre à de bons résultats n’aboutissent souvent qu’à des 1/4 de finale, et ce au mieux (il faut déjà remonter en 2005 pour avoir eu ce plaisir) !

    A contrario je vois très bien la Russie faire des résultats probants en Coupes Européennes à terme car d’une part ils ont l’argent et d’autre part ne sont pas concernés par l’arrêt Bosman (forcément puisque la Russie ne fait pas partie de l’Union Européenne). Du coup, avec des joueurs du cru de grand talent (il suffit de regarder l’équipe nationale évoluer et les victoires en Coupes d’Europe du Zénit et du CSKA), le championnat Russe a toutes les chances de s’imposer à terme comme un grand.

    Cordialement


    • stephanemot stephanemot 22 juin 2008 11:42

      Les clubs français n’ont effectivement pas digéré Bosman, qui les a stoppé à leur apogée (début des années 90 avec l’OM en C1 en 1991 et 93, l’ASM en C2 en 1992, Bordeaux en C3 en 1996, le PSG demi-finaliste des trois coupes entre 1993 et 1997 avec deux finales de C2 en 1996 et 97)

      Notons que Lyon tue la concurrence comme l’OM de Tapie (la triche en moins) en asséchant ses concurrents directs à chaque intersaison. Les victoires des Bleus n’ont pas eu lieu pendant la domination de Marseille mais juste après, quand une saine concurrence est revenue au plus haut niveau.

      Les 3 glorieuses de l’équipe nationale coincident avec des phases de compétitivité au niveau des joueurs comme des clubs :

      - autour de 1958 avec Kopa, Fontaine et compagnie (avec Reims et Nice comme machines de guerre de classe mondiale, et Kopa comme fleuron de l’exportation)

      - autour de 1984 avec certes un regain de compétitivité au niveau européen (Bordeaux), mais surtout une autre génération en or et Platini rayonnant à la Juve

      - entre 1996 et 2001 avec une nouvelle fournée d’anthologie, un autre leader à l’export (Zidane), et une génération ayant appris à dominer l’Europe en France (OM et PSG) puis dans les meilleurs clubs.

      Chaque équipe a connu une période dorée en matière de jeu. Pour la période la plus récente, je retiendrais plus 2000 que 1998, où la victoire était certes superbe mais moins éclatante. La France était la meilleure équipe en 2000, mais derrière les Pays-Bas en 1998. La France a retrouvé son jeu une année (2003) avant de sombrer. La finale de 2006 repose sur un groupe soudé plus que sur un jeu innovant (jolie balade néanmoins devant les fantômes brésiliens en quarts). Elle se fonde également sur une énigme troublante à mes yeux : miracle de la préparation physique sur des trentenaires soumis à une chaleur intense ?

      La génération 1987 promet beaucoup, et elle a déjà commencé son exportation (Nasri à Arsenal). Il n’est pas dit qu’elle apprenne à gagner ensemble.

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