Nous aimons les messes et nous aimons aussi les débats.
Les médias proposent parfois des messes, parfois des débats, parfois les deux.
Globalement, les Français ont accès aussi bien à des messes qu’à des débats. Nous ne sommes privés de rien.
Quand à l’intérieur d’un média il est décidé de monter une émission à débat en live, ses orqanisateurs ont le choix entre plusieurs formules dont celle consistant à ne mettre sur un ring que des débatteurs nouveaux et celle consistant à placer face à un groupe de contradicteurs stable, des invités nouveaux.
La formule choisie par Ruquier va à cette seconde option.
Semaine après semaine on retrouve donc toujours les mêmes grincheux face à des invités nouveaux.
L’avantage de cette option à grincheux fixe c’est que ces grincheux développent leur talent de grincheux et que le meneur de jeu, les connaissant de mieux en mieux, peut jouer du curseur de l’agitation à sa guise. Il peut contrôler la puissance du feu. (Concernant Ruquier, ça n’a foiré que la fois où il avait invité je ne sais plus quelle amie et où il avait donc été malheureux qu’elle se fasse grincher. Cette fois là, il n’a pas pu baisser le feu et il semble que ça l’ait décidé de se séparer de ses grincheux habituels)
Le contrôle du feu par l’animateur, seul responsable pénal et éthique de l’émission, est indispensable et ce point est très important bien qu’il ne saute pas aux yeux des spectateurs.
L’inconvénient de cette option, c’est que les grincheux, devenus très talentueux et experts en quasiment toutes choses, finissent par agacer de plus de spectateurs vulnérables à la jalousie.
C’est que quand on regarde une seule émission, on trouve les grincheux parfaits alors que quand on regarde toutes les émissions, on considère de plus en plus leur capacité à grincher de tout et d’avoir sur toute chose une idée originale à émettre. Le spectateur assidu qui est vulnérable à la jalousie finit par avoir l’impression que sur tout sujet, lui-même, le spectateur, peut avoir tout faux face à la même équipe de grincheux.
Lorsque trop de spectateurs vulnérables à la jalousie ont l’impression que ces grincheux peuvent, sur tout sujet, les mettre à l’envers, ils commencent à les haïr. Cette équipe est donc à remplacer par une autre qui sera soit moins durable soit moins transversale, moins compétente en toutes choses.
Ainsi, contrairement aux émissions de débats organisées selon la première option où l’on confronte de semaine en semaine différents experts d’avis contraires sur un sujet donné et où le spectateur retient que les débats ne sont accessibles qu’à des spécialistes, les émissions de débats organisées selon la seconde option révèlent aux spectateurs qu’à condition d’avoir une culture transversale, chacun est en mesure et en droit de grincher de tout et de toute chose (ce qui débouche sur les foras de type AVox)
Les émissions à grincheux fixes ainsi que les forums comme celui-ci démocratisent et popularisent non le concept du débat mais le concept de l’accès à tous au débat (à condition, mais ça va de soi, de se cultiver transversalement. Où Internet, ses bases et moteurs de recherche jouent un rôle éminent)
A la place d’un Ruquier, j’envisagerais une formule où il y aurait encore une équipe de grincheux fixes à culture transversale (et travaillant constamment à développer cette culture) mais d’une part je composerais un couple comprenant un analyste et un synthétiste, d’autre part j’ajouterais dans cette équipe et de façon alors tournante, un spécialiste du sujet du jour afin qu’il montre que la connaissance transversale a des limites.
Les verticalistes doivent être confrontés à la modestie de leur horizontalitude et les horizontalistes doivent être confrontés à la modestie de leur verticalitude.
On ne peut pas tout savoir ni être cultivé de toute chose.