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lagabe 16 février 2012 08:53

TOUT est foutu : Et puis ; non. La semaine der­nière, c’était le sommet de la dernière chance (voir p. V. On le clamait à la une des journaux : « Il reste dix jours pour sauver l’Europe ! » Aujourd’hui, sommes-nous sauvés ? Pas sûr. A peine le sommet achevé, les agences de notation dégradaient la note des banques. Et mena­çaient de dégrader toute l’Eu­rope. Pourquoi ne pas dégra­der la Terre entière, et baste ?

C’est curieux, cette atmo­sphère d’apocalypse lente. Ces mauvaises nouvelles qui se succèdent par vagues inces­santes. On a peur de tout. On ne fait plus confiance à personne. L’ambiance est plom­bée. On n’y comprend plus rien. Sarkozy n’arrête pas de sauver la situation ; elle n’ar­rête pas d’empirer. Il y a quelque chose qui cloche.

Et voilà qu’au hasard d’un rangement de bibliothèque on retombe sur ce bref bouquin de Castoriadis. On le relit : Il date de plus de dix ana. Il parle d’aujourd’hui : « Les libéraux nous disent « il faut faire confiance au marché ». Mais ce que disent aujourd’hui ces néoli­béraux, les économistes aca­démues eux-mêmes l’ont ré-futé dans les années 30. Ils ont montré qu’il ne peut pas y avoir d’équilibre dans des sociétés capitalistes. » Qu’aujourd’hui la crise nous colle aux pattes. Rien d’étonnant, donc. « Ils ont montré que, tout ce que racon­tent les libéraux sur les vertus du marché qui garantirait la meilleure allocation possible, qui garantirait des ressources, la distribution des revenus la plus équitable possible, ce sont des inepties !  » Mais, ces inep­ties-là, on continue de les entendre tous les jours, même si au fond plus personne n’y croit. «  L’humeur, la disposi­tion générale est une disposi­tion de résignation. » On laisse Sarkozy et Merkel s’activer pour réparer la machine eu­ropéenne. Les peuples regar­dent ça de loin : de toute façon, ils n’ont pas leur mot à dire. « Nous n’en sortirons que par la résurgence d’une critique puissante du système et une re­naissance de l’activité des gens, de leur participation à la chose commune.  » L’Europe, notre « chose commune  » ? De moins en moins... Tout simplement parce qu’on ne sait pas dans quelle direction elle va. Sau­ver l’euro ? réduire la dette ? arrêter de vivre au-dessus de nos moyens ? aller vers plus de solidarité, ou vers le cha­cun pour soi ? Castoriadis, tou­jours : « La société capitaliste ajourd hui est une socièté qui à mes yeux court à l’abîme à tout point de vue parce que c’est une société qui ne sait pas s’autolimiter. Et une société vraiment libre, une société autonome, comme je l’appelle, doit savoir s’autolimiter. » C’est tout l’inverse aujourd’hui  : ce ne sont pas les peuples qui dé­cident de quelle autolimitation ils veulent, mais « les mar­chés  », comme on dit, qui nous imposent la rigueur, c’est-à-dire une limitation autoritaire, pas voulue, pas négociée, pas discutée, qui pèse sur les plus pauvres. « Je crois qu’actuel­lement tout le monde dans la société -à part 3 ou 5 % — a un intérêt personnel et fondamental à ce que les choses changent. » Nous sommes les 99 %, disent les Indignés. Cas­toriadis est mort en 1997. Ça fait du bien, une pensée tou­jours vivante.

Jean-Luc Porquet

Cornelius Castoriadis, « Post-scriptum sur l’insignifiance : en­tretiens avec Daniel Mermet (Editions de L’Aube, 1999


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