Je trouve cet article très intéressant, comme le sont souvent vos articles, Bernard Dugué.
Oui, la science est une vieille dame paralytique. Aujourd’hui, la spécialisation est telle que chacun semble éprouver quelque fierté à ne jamais sortir de son domaine de compétences de plus en plus étriqué. La science contemporaine n’est certes plus capable de produire de grands esprits universels comme celui de D’Arcy Thompson et c’est ce qui la tue. On dirait une cohortes de taupes avançant chacune dans une galerie qui en croise parfois une autre, mais ne voyant chacune que quelques centimètres autour d’elle.
Un fait me frappe particulièrement, c’est que les deux scientifiques qui ont le plus contribué aux avancées du dix-neuvième et du vingtième siècle, Charles Darwin et Albert Einstein, n’ont pas publié leurs travaux majeurs (L’origine des espèces et les théories de la relativité restreinte et générale) dans le cadre d’une activité professionnelle, mais en tant que travaux d’amateurs. Certes, les professionnels ont su s’en emparer et reconnaître la valeur de ces travaux, mais n’ont pas su les produire eux-mêmes. Pire, ils ne semblent pas s’être interrogés sur le fait qu’il ait fallu évoluer en dehors du système pour le faire avancer de façon décisive.
Et je pense que la situation n’a fait que s’aggraver depuis ces époques quand je constate la fantastique absence de discernement dont la science a su faire preuve plus récemment face à des travaux pourtant sérieux mais qui bousculaient un peu trop la routine des certitudes acquises, comme ceux de Jean-Pierre Maschi sur la pollution électromagnétique, ou ceux de Marie-Jeanne Koffmann, de Jordi Magraner et de Bernard Heuvelmans sur la survivance de néanderthaliens dans les montagnes du Caucase, du district de Chitral au Pakistan et du Viet-Nam au vingtième siècle, ou encore face aux travaux d’Antoine Priore sur la thérapie du cancer. Et ce ne sont là que quelques exemples, il en existe malheureusement beaucoup d’autres.
C’est vrai que cela donne plutôt envie de se contenter de regarder les oiseaux.