un article de Jean Jégu qui éclairci un peu ce débat, ce matin sur mon blog
L’EURO MONNAIE COMMUNE ?
Le grand n’importe quoi ?
Si un candidat à la Présidence le dit, surtout un candidat énarque et de surcroit connu pour avoir oeuvré quelques années en milieu bancaire, si donc ce candidat à la Présidence de notre République le dit, on peut penser que le concept même de monnaie commune n’est qu’une grosse bêtise. Pour ma part je ne le pense pas.
Cette situation pourrait bien illustrer la difficulté de communiquer sur les réalités monétaires. Ce texte est une tentative de clarification, elle-même sujette à la difficulté signalée. Si un lecteur y trouvait une erreur, voire une ambiguïté ou bien une imprécision, je l’invite à me le faire savoir.
Traditionnellement la monnaie est définie, non par sa nature comme il serait souhaitable, mais par ses trois principales fonctions : unité de compte pour exprimer la valeur des biens et services, moyen de paiement et réserve de valeur. Mais, comme le dit wikipédia à l’article « unité de compte » : la monnaie est une unité de compte mais il existe également des unités de compte qui ne sont pas de la monnaie. En d’autres termes tant qu’il s’agit de discuter de la valeur des choses, il est souhaitable de l’exprimer dans une valeur commune aux interlocuteurs mais quand il faudra payer , chacun ne pourra utiliser que la monnaie véritable dont il dispose c’est à dire, le plus souvent, celle dont il fait régulièrement usage. En principe et dans tous les cas, chacun doit aussi respecter la loi dont il relève.
Un exemple bien vivant d’unité de compte est celui des DTS (« droits de tirages spéciaux » créés en 1969 par le FMIn) Il suffit de consulter l’article correspondant sur wikipédia. On y lit par exemple : » Le DTS sert aussi d’unité de compte au FMI et à certains autres organismes internationaux » ; » Néanmoins, le DTS n’est pas une devise à proprement parler. Le FMI n’est pas un émetteur et ne garantit pas les valeurs en DTS par ses propres réserves ; les fonds de réserves déposés au FMI par les États ne sont pas libellés en DTS mais dans chacune des devises composant le panier. ».
Ainsi donc, il serait bien plus clair d’utiliser deux termes et de les utiliser à bon escient. L’euro « monnaie unique » dans la zone euro exprime le fait qu’aucun des pays de cette zone n’utilise de monnaie nationale. Mais si cette zone de coopération économique revenait en totalité aux monnaies nationales, rien ne s’oppose à ce qu’elle maintienne néanmoins une « unité de compte monétaire commune » et qu’elle la nomme « euro commun ». En ce cas le terme « euro monnaie commune » me parait inapproprié. Cependant, si une partie seulement de la zone euro revenait aux monnaies nationales, l’autre partie conservant l’euro comme monnaie unique, rien ne s’opposerait à ce que les pays revenus à leurs monnaies nationales ne conviennent entre eux et avec les autres d’user de la « monnaie euro » comme « unité de compte monétaire commune ». En ce cas et à terme, les uns continueraient à effectuer leurs paiements en euros, mais pas les autres.
Sur ce dernier point, il faut néanmoins ajouter un complément indispensable. Une monnaie nationale n’a de sens que si sa maitrise revient à la nation (engagements publics dans cette monnaie et perception des impôts dans cette monnaie ) et si les nationaux l’utilisent quotidiennement. Mais les contrats et paiements à l’international peuvent, à ma connaissance, se faire en monnaies prévues aux contrats. A chacun de gérer ses risques de change, avec les contraintes et les secours légaux. Il est notamment tout à fait envisageable pour la France d’accorder, au moins temporairement, des facilités de paiement dans ce qui serait l’ancienne monnaie si elle continue d’exister. Ignore-t-on que le pétrole que nous importons, est semble-t-il systématiquement payé en dollars.
Ajoutons que je m’étais livré dès 2010 à une modélisation pour rechercher de quelle manière la coopération monétaire pourrait être conçue dans une zone coopérante où chacun conserverait sa monnaie nationale. La réponse est simple : avec une gestion contractuelle et périodiquement révisable des taux de change entre les monnaies de la zone. Le modèle reste d’ailleurs tout à fait valable pour le cas envisagé consistant à choisir une des monnaies de la zone comme unité de compte monétaire commune pour l’ensemble de la zone. Il suffit de noter que ceci impose simplement de fixer à 1 le taux de change entre l’unite monétaire commune et la monnaie choisie en référence, ce que permet justement l’indétermination du modèle.
Gardons-nous donc de taxer de « grand n’importe quoi », fut-ce par un candidat qui fut banquier, ce qui pourrait bien ne pas l’être du tout. Ignorance ou volonté de brouiller les pistes ?
J.J. le 04/05/2017
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