Là où les anciennes civilisations gauloises avaient été vaincues, il n’était resté, après le passage de l’enseigne aquiline, que l’herbe piétinée des prés et à peine quelques ruines fort dépeuplées. Il était devenu vraiment tentant pour quelques patriciens d’aller enfin coloniser ces terres rendues vierges au fil du glaive et à l’aide de quelques autres outils ingénieux. Or, la condescendance (c’est encore vrai aujourd’hui, des néo-autochtones) ne dissuada pas pour autant les aristocrates de l’auguste cité latine de se doter de tout qui, dans l’empire, pouvait lui servir de colons et de mercenaires ; bien au contraire !
Ce fut, bien avant les terrifiantes déferlantes asiates ou puniques qui hantent encore le souvenir enfantin et un peu nébuleux de nos manuels scolaires, l’ère de migrants invités en renfort : supplétifs Francs saliens venus de Germanie et éligibles sans le savoir encore au statut point encore totalement inventé d’ » autochtones français » ; mais surtout, migrants de tous horizons, emmenés comme captifs, puis décrétés semi-libres bien loin de chez eux, pour seulement « cultiver un lopin de terre », mais sans convoler avec femme libre ; multitude de lètes réunie entre serfs et esclaves, dès le IVe S. pour participer à l’expansion démographique de toute la Gaule romaine et des royaumes qui purent s’en extraire. L’occasion fait le larron.
La pureté patrilinéaire, certes, mais sans le germe migratoire (comme si une conquête, une colonisation, n’était pas déjà une migration)… (code théodosien)
Or cinq siècles plus tard, ils avaient fait souche « […] dans l’Amiénois, le Beauvaisis, le Cambrésis et la vallée de la Meuse jusqu’à Tongres La partie méridionale de la Champagne autour de Troyes et de Langres en reçut aussi. Là où les intérêts stratégiques l’imposaient, des colonies militaires barbares (Francs, Goths, Taïfales, Sarmates, etc.) furent implantées en Italie, en Illyrie, en Gaule, en Espagne même, où l’on en dénombre une dizaine »…
L’Afrique romaine (c’est-à-dire, l’Afrique du Nord [de la Maurétanie à la Libye ; donc amputée, allez savoir pourquoi, de l’Égypte — cas à part, nous dit-on — et de la Cynénaïque, puisque la Crète était la plus proche [!]) ne comptait rien moins que 30 % de la population totale de l’empire ! Vous imaginez donc que les lètes n’étaient certainement pas que Germains.