Avant d’aborder spécifiquement la question de cette entrevue entre Michel Onfray et Nicolas Sarkozy, j’aimerais poser la question : en quoi est-ce si répréhensible de ne pas écarter a priori l’hypothèse d’une prédisposition éventuelle biologique, éventuellement héritable (et alors génétique), à des comportements déviants du type de la pédophilie ?
Il me semble que nous nous trouvons dans des registres totalement différents. Evoquer une composante biologique voire génétique c’est faire une hypothèse scientifique, falsifiable ... mais ne pouvant être éventuellement falsifiée qu’au moyen de la méthode scientifique.
Nous sommes soumis à la dictature des faits ; il y a ou il n’y a pas de composante biologique, éventuellement héritable, au comportement humain désigné par le substantif « pédophilie » ; l’existence ou l’inexistence de cette prédisposition éventuelle ne nous renseigne pas sur le caractère souhaitable ou non, moralement, socialement, politiquement, de telle mesure en réaction.
Ce n’est pas de savoir si la pédophilie comporte ou non une composante biologique voire génétique qui nous dira si il faut soutenir les revendications du parti hollandais Partij voor Naastenliefde, Vrijheid en Diversiteit ou si il faut réprimer, prévenir, etc. les comportements pédophiles.
De même, ce n’est pas de savoir, sujet d’étude de la discipline scientifique qui porte le nom d’écologie comportementale, si homo sapiens est un primate biologiquement orienté vers la polygamie ou la monogamie qui donne une plus ou moins grande pertinence aux arguments favorables à la tolérance au regard de la polygamie. Nous sommes dans des registres totalement différents.
Tout comme lors de la sortie des rapports de l’INSERM de ces dernières années (sur les psychothérapies, sur les troubles de conduite, sur les troubles de l’apprentissage), toute une fraction de l’intelligentsia autoproclamée « humaniste » se mobilise avec une violence rare qui ne trouve son équivalent (sujet de réflexion proposé) que dans les dénonciations antinucléaires ou des biotechnologies végétales (OGM), animales ou humaines.
La réponse à la question soulevée dans ce débat entre le philosophe et le politique est ni philosophique ni politique, elle est ... scientifique ! Et alors, alors seulement, quand la science aura répondu sur ce qu’est et ce que n’est pas la pédophilie, sur le rôle respectif de l’inné et de l’acquis, du biologique et de l’environnemental, le philosophe et le politique pourront pleinement intervenir mais sur la base des faits et non des fantasmes.
Venons en aux faits, d’abord relatifs à l‘entretien, puis aux questions soulevées.
Quand Michel Onfray, dans la phrase qui entraîne la réplique de Nicolas Sarkozy, affirme : « on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement », il fait preuve d’un dogmatisme asses incroyable et rarement pointé : cela n’a évidemment guère de sens d’opposer gène et environnement comme il le fait.
A l’inverse, si ces débats n’étaient pas si biaisés par des enjeux politiques on constaterait qu’au présent utilisé par Michel Onfray Nicolas Sarkozy a répondu par le conditionnel (« j’inclinerais ») et que sa conclusion laissait beaucoup plus de portes ouvertes que celle de son contradicteur : « Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense. »
Venons-en à la question soulevée.
Probablement ni Sarkozy ni Onfray ne le savent mais sachez que la manipulation d’un seul gène, je dis bien un seul, le gène fruitless (fru), entraîne un changement radical et spectaculaire du comportement sexuel des mouches drosophiles ... avant de traiter de « pseudo-scientifique » le fait d’envisager qu’il y ait une base biologique hard aux comportements sexuels dans le règne animal - nous compris - il faut se montrer prudent. (parmi quelques références : Cell, Vol 121, 785-794, 03 June 2005 fruitless Splicing Specifies Male Courtship Behavior in Drosophila, Ebru Demir and Barry J. Dickson ; Current Biology, Vol 16, R766-R776, 05 September 2006, Control of Male Sexual Behavior in Drosophila by the Sex Determination Pathway Jean-Christophe Billeter, Elizabeth J. Rideout, Anthony J. Dornan, and Stephen F. Goodwin)
Sur la question spécifique de la pédophilie, il se trouve que la revue Scientific American Mind, dans son numéro de février 2007 évoque longuement la question développant bien sûr les questions psychologiques, mais également des questions purement biologiques (comme des liens avec des lésions du cerveau subies pendant l’enfance), et aussi ... la question de l’héritabilité (génétique, donc) même si des gènes impliqués n’ont pas été identifiés et ne sauraient à eux seuls expliquer la pédophilie : « Like other complex psychological traits, pedophilia is thought to stem from a combination of genetic and environmental factors. »
Eh oui... dans cette polémique, c’était bien Michel Onfray qui était dans la position du dogmatique. La question qui méritait éventuellement d’être posée à Nicolas Sarkozy c’était de savoir si son « inclinaison » le portait à envisager les questions politiques d’une façon ou d’une autre ; mais cette question là, son contradicteur, figé qu’il était dans ces certitudes idéologiques et politiques ne lui a pas posée, préférant probablement lui prêter les réponses ...
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