Je lis Pierre Loti avec bonheur.
Le lire et apprécier ses textes ne revient pas à déifier l’auteur. Parfois ses appréciations sont cruelles, sur les Japonais notamment. On pourrait y voir une forme de racisme mais ce serait mal comprendre l’auteur. Il avait ses passions, ses préférences, ses défiances, ses appréciations et ses rejets mais en aucun cas, il ne rejetait l’autre au motif qu’il était différent de lui. Dreyfusard, il a su discerner ce qui relève de la justice, de l’équité et du mauvais procès. Certes, il ne construit pas des histoires à tiroir avec de l’action permanente, du suspens, des destins qui se croisent.
La plupart de ces ouvrages me semblent le reflet de sa propre expérience de vie avec un ténu filtre de fiction. Son œuvre est un récit de vies, les siennes. Ces livres évoquent des atmosphères qui, avec le temps qui passe acquièrent une dimension parfois onirique et exotique. Japoneries d’Automne est un ensemble de textes qui ne peut pas laisser indifférent. L’évocation de sa présentation à l’impératrice du Japon ou sa visite des temples perdus dans la forêt donnent des frissons et portent le lecteur loin de son banal quotidien. Le Livre de la Pitié et de la mort, ode à la mémoire et à ce temps et ces êtres qui disparaissent est un régal. Evidemment, il y a la Turquie, ce pays qu’il a tant aimé et Istanbul. Les Désenchantées est une œuvre remarquable malgré une construction un peu rigide mais que d’images, de couleurs et d’évocations frappantes.
Pierre Loti a sans doute cherché toute sa vie cet autre, qui en lui, lui intimait l’ordre de partir et d’aller vers un ailleurs où les sensations de vivre et d’approcher du mystère du monde donnaient sens à sa vie. Je me souviens d’une dédicace à Myriam Harry avec cette formule révélatrice d’un Loti « multiple » car épousant d’autres cultures : « Du bédouin à la bédouine »
Je pense que ceux qui ne lisent pas Loti se protègent d’un constat douloureux : celui de la médiocrité de la plupart des écrivains contemporains.