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ZEN ZEN 18 décembre 2007 11:22

Ierma

Même un fervent admirateur de l’économie ultralibérale US comme Eric Le Boucher (Le Monde) commence à s’inquiéter dans un article récent d’une rare lucidité :

(Je le copie, l’article n’étant plus disponible gratuitement) :

« Le recul du dollar va-t-il s’accélérer et échapper à tout contrôle ? L’euro, aspiré comme un ballon, va-t-il monter sans limite à 1,55 ? 1,60 ? 1,70 ? Plus ? Comme le titrait l’hebdomadaire britannique The Economist la semaine passée, ce scénario noir flanque »la panique" dans les milieux financiers. Le krach du dollar n’est pas l’hypothèse la plus probable, mais elle n’est plus regardée comme impossible.

Depuis l’abandon de sa convertibilité en or, le 15 août 1971, le dollar a perdu plus d’un tiers de sa valeur vis-à-vis de l’ensemble des autres monnaies. La chute du billet vert ne date donc pas d’hier. Elle s’est déjà accompagnée de crises, notamment à la fin des années 1980, quand le sumo japonais semblait pouvoir bousculer l’Empire américain. Mais ni la dévaluation régulière ni les crises n’étaient parvenues à remettre en cause la suprématie du dollar comme pivot du système monétaire mondial.

Au contraire. Les économies émergentes d’Asie ou les riches pays du Golfe ayant, par commodité, accroché leur monnaie au dollar (le peg en jargon), on a pu dire que le système né des accords de Bretton Woods signés en 1944, mort justement le 15 août 1971, s’était de facto reconstitué. Hors l’Europe continentale, la planète était revenue à un quasi-monopole mondial, « une quasi-zone dollar », système que les économistes nommaient Bretton Woods 2.

C’est ce Brettons Woods 2 qui menace de voler en éclats. Le dollar fait l’objet d’une défiance d’origines multiples, immédiates et de long terme.

Le premier facteur est la faiblesse de l’économie américaine. Récession ou pas ? Martin Feldstein, ancien conseiller de Reagan, estime maintenant à 50 % les chances d’un plongeon. Larry Summers, conseiller de Clinton, croit à la récession et il prédit qu’elle sera longue, se prolongeant « au-delà de 2010 ». Pour donner de l’air, la Federal Reserve est tentée d’abaisser ses taux d’intérêt, mais avec réticence, car elle craint de rallumer les risques d’inflation. On parle aux Etats-Unis du retour de la stagflation - croissance faiblarde mais inflation menaçante - hydre assez terrifiante qu’on n’avait plus vue depuis vingt ans. Toutes ces perspectives ternissent salement l’éclat du dollar.

Deuxième raison, la crise des subprimes. On la croyait jugulée, elle est réapparue depuis une quinzaine, jetant un doute sur la solidité des banques américaines (quelle sera la hauteur véritable de leurs pertes ?). Et va-t-elle s’aggraver encore au début 2008 ? Tout cela n’est pas pour rassurer les investisseurs en dollars.

Troisième élément, plus connu mais plus lourd encore, le déficit de la balance commerciale. Il s’est un peu résorbé grâce à la baisse du billet vert, qui rend les produits made in America plus compétitifs. Mais il reste de 5,5 % du PIB : il faudrait encore beaucoup dévaluer pour que les comptes s’équilibrent.

Tous les ingrédients sont réunis pour que la glissade continue. Mais un facteur supplémentaire pourrait provoquer son accélération : le décrochage de la parité fixe adoptée par les pays émergents et, plus largement, le recours à d’autres monnaies de réserve et de paiement.

La Brésilienne Gisele Bündchen, top- modèle la mieux payée au monde, n’est pas la seule à vouloir un chèque « dans toutes les monnaies sauf en dollars », selon Forbes (la belle a démenti depuis ; elle accepte tous les chèques). Anne Lauvergeon, PDG d’Areva, veut elle aussi faire régler ses centrales nucléaires chinoises en euros. Le Venezuela et l’Iran refusent les dollars pour des raisons politiques. Certains Emirats du Golfe se sont interrogés pour finalement conserver officiellement le dollar. Mais que va faire la Chine, riche de 1 400 milliards de dollars ? Les pays émergents ont accumulé 3 000 milliards de dollars de réserve, les trois quarts du stock mondial. « Ce record historique traduit leur part croissante dans l’économie et la finance mondiale », souligne Jacques de Larosière, ancien directeur général du FMI, mais montre, surtout, que « le pouvoir financier mondial » est passé entre leurs mains. Vont-ils se défier du dollar ? « Il n’est pas dans leur intérêt de s’engager dans des politiques agressives de diversification qui pourraient précipiter la baisse de la monnaie américaine et entraîner une dépréciation de leurs actifs », souligne Jacques de Larosière. Mais, « depuis 2005, une tendance à la diversification se manifeste ». Les acquisitions d’entreprises par les « fonds souverains » des pays émergents font partie de cette stratégie.

Nous sommes « au début de la baisse relative de la place du dollar », résume le professeur Michel Aglietta. La seule contre-force, poursuit-il, serait que le déficit commercial se réduise vite, épuisant la dynamique première de l’affaissement du billet vert. Sinon, les détenteurs de dollars s’en déferont progressivement, en priant pour que ces ventes ne provoquent pas « la panique » sur les marchés de change.

Le dollar est détrôné, le monde monétaire multipolaire est né. Quel visage aura-t-il ? Sans doute passera-t-on par une période de changes flottants, selon Michel Aglietta. Dans ce cadre, pour que l’euro ne soit pas le seul à monter, il faudrait que l’Asie s’organise, mais l’union monétaire asiatique tarde. Il faudrait aussi, ajoute Jacques de Larosière, « que le FMI reprenne du poids et que Etats-Unis, Chine et Japon, les trois sources de déséquilibre, acceptent le jeu multilatéral ». En attendant le monde monétaire post-dollar promet d’être ni plus stable ni plus juste." Eric le Boucher


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