FACE A LA CRISE, que fait le mouvement syndical ?
La stratégie adoptée par les organisations syndicales françaises depuis janvier 2009, en plein contexte de crise économique et de confrontation avec le gouvernement Fillon, ne cesse d’alimenter des commentaires critiques, marqués par l’incompréhension ou le scepticisme. Alors que l’attentisme des syndicats durant la deuxième moitié de l’année 2008 pouvait être éclairé par la guerre de positions qu’ils se livraient en vue du scrutin prud’homal du 3 décembre – consultation électorale qui, si elle n’a pas mobilisé les salariés, a par contre fortement occupé les équipes militantes, de Solidaires à la CFE-CGC –, la prudence que traduit l’organisation à plusieurs semaines d’intervalle de grandes journées nationales d’action alimente de fortes interrogations quant aux finalités poursuivies et surtout quant aux raisons présidant à de tels choix tactiques.
Le temps a paru effectivement fort long, en particulier dans les secteurs en lutte comme l’enseignement supérieur, entre l’imposante journée de grèves et de manifestations du 29 janvier et celle du 19 mars 2009. Mais que dire, alors même que les manifestations de mars se sont révélées plus massives encore que celle de janvier, que des salariés du secteur privé y ont été de nouveau présents en raison de la multiplication des plans de licenciements collectifs, de l’incapacité de l’intersyndicale à proposer des suites à la mobilisation, au lendemain de cette seconde journée d’action ? Après dix jours d’attente, le 1er mai a finalement été annoncé comme ne devant pas être « protocolaire » mais « revendicatif » et l’annonce de défilés communs à toutes les organisations comme un événement historique, donc en lui-même signifiant.
Une explication courante, au moins dans les discours produits « à chaud » dans les rangs militants, consiste à pointer la distance qui sépare la « base », soit les salariés et syndicalistes « de terrain » ayant massivement répondu aux appels du 29 janvier et du 19 mars, des appareils dirigeants qui gouvernent le « sommet » des organisations. La bureaucratisation de ces derniers les conduirait à privilégier d’autres intérêts que ceux qu’ils affichent officiellement, et ce au mépris d’un potentiel de lutte pourtant attesté par la force des démonstrations convoquées à six semaines de distance. Les directions, et en particulier celle de la confédération à l’heure actuelle la plus puissante, soit la CGT, seraient-elles en train de « trahir » alors même qu’elles disposent d’un important rapport de forces ? La question résonne d’autant plus fort qu’ailleurs, et en particulier en Guadeloupe, l’épreuve de force prolongée avec le gouvernement n’a pas été écartée et qu’elle s’est incarnée dans un mouvement social d’ampleur exceptionnelle.
Pourquoi s’enfermer dans une intersyndicale avec la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, au risque de freiner la mobilisation ?
Pourquoi ne pas battre le fer quand il est chaud en lançant un mouvement de grève reconductible et intersectoriel ?
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