31 mars 2008
http://www.rue89.com/2008/03/31/monsieur-monsieur-eleveur-ou-trafiquant-darmes
Monsieur Monsieur, éleveur ou trafiquant d’armes ?
Par David Servenay | Ex-Rue89 | 31/03/2008 | 14H58
Jacques Monsieur, marchand d’armes belge, convoqué après douze ans au tribunal correctionnel de Bourges.
Son
histoire est un roman. Douze ans après son arrestation, Jacques
Monsieur, trafiquant d’armes belge, va enfin répondre des délits dont il
est soupçonné devant le tribunal correctionnel de Bourges. Entre temps,
il a passé dix-huit mois en résidence surveillée à Téhéran, avant
d’être condamné une première fois à Bruxelles, déjà pour des activité de
« commerce illicite d’armes ». L’Iran, l’Afrique, la Bosnie… un tour
du monde des entourloupes d’Etat qui pourrait ce lundi être jugé à huis
clos.
Marchand d’armes ou dresseur de chevaux ?
A
Lignières, au pays de l’âne berrichon, Jacques Monsieur était connu
comme un gentleman. La cinquantaine athlétique, passionné de chevaux de
dressage lusitanien, il possédait un beau haras -les Amourettes-
entièrement rénové par ses soins. Boxes, manège couvert et jolie BMW
pour épater la galerie. Souvent parti en Suisse ou au Luxembourg,
l’homme menait grand train comme un notable, mais discrètement.
Lorsque
les gendarmes belges, accompagnés de leurs collègues français, ont
sonné à sa porte en 1996, ils ont découvert sa face cachée, dans un
bureau où la femme de ménage avait ordre de ne surtout jamais rien
jeter. Et pour cause : entre les catalogues d’artillerie, les faux
certificats de destination finale (end-user) et les fax de commandes…
les enquêteurs découvrent la panoplie complète du vendeur d’armes.
La longue traque d’un juge d’instruction…
Commence
alors pour Gérard Canolle, juge d’instruction à Bourges, une longue
traque pour comprendre les ressorts de cette affaire. Sur le papier,
Jacques Monsieur a tous les traits du trafiquant d’armes. Héritier d’une
riche famille bruxelloise, il a effectué son service militaire dans la
logistique des Chasseurs, une » unité de renseignement » précise-t-il
lorsque nous le rencontrons à Bruxelles fin 2004.
Recruté par le
SGR, les services secrets militaires belges, il aurait aussi travaillé
en sous-traitance pour le compte de la CIA. Ses très bons contacts en
Iran lui offrent la possibilité de ravitailler le régime des Mollahs,
dont l’ensemble des moyens militaires (avions, artilleries, véhicules)
sont d’origine américaine. En clair, pour soutenir Téhéran sans en avoir
l’air, Washington est obligé d’entretenir un réseau d’intermédiaires
aussi occulte qu’efficace. Voilà pour les années 1980.
La Bosnie, le Congo-Brazaville et soudain… la chute à Téhéran
Repéré
par la police belge dès 1987, il s’installe en France en 1993 pour ne
rien changer à ses habitudes. Jonglant avec les comptes en banque à
Genève et au Luxembourg, souvent entre deux avions, il organise alors
l’une des principales filières de ravitaillement en armes lourdes des
forces bosniaques et croates. Pour cela, il obtient des Américains
d’ouvrir la couverture radar servant au blocus réalisé par la Navy en
mer Adriatique. Le genre d’opérations difficile à monter pour simple
éleveur de chevaux du Cher !
Il remet le couvert en 1997, en
pleine guerre congolaise, où le président Pascal Lissouba lui commande
hélicoptères et armes lourdes, pour contrer les rebelles de Denis Sassou
Nguesso. En arrière-plan, les hommes d’Elf (le tandem Jack
Sigolet-André Tarallo) assurent le financement de l’opération. Ils
interviendront notamment après la guerre, car le vainqueur ne veut pas
payer l’addition du vaincu. Où l’on découvrira d’ailleurs que la
compagnie pétrolière a fourni son aide, indirectement, aux deux camps,
puisque le président du Gabon, Omar Bongo, a laissé passer des
cargaisons d’armes pour Sassou.
Dans son équipe, comme le raconte
Bakchich, Jacques Monsieur a su rassembler des talents divers : Patrice
Bourges (fils de l’ancien ministre de la Défense), ingénieur conseil
pour la technique, Yves-Michel Deloche, expert en aéronautique, Pierre
Ferrario, armurier, ou encore Jean-Claude Uthurry-Borde, homme à tout
faire pour régler problèmes financiers et douaniers.
» La DST a parfois recours à des marchands d’armes »
En
levant le voile sur les activités de Jacques Monsieur, la justice
française va avoir à trouver une réponse au classique moyen de défense
des marchands d’armes. Travaillait-il pour son compte exclusivement ?
Pour celui de riches commanditaires privés ? Ou encore en » feu orange »
pour le compte d’Etats tout à fait respectables, dont la réputation ne
peut être entachée par de sombres arrangements inavouables ? Est-ce
plausible ? Voici ce qu’en pensait l’ancien patron de la DST, Yves
Bonnet, interrogé en 2004 :
» Possible, la DST a parfois
recours à des marchands d’armes, car ce sont des gens qui ont des
entrées à très haut niveau dans les Etats qu’ils fréquentent. »
L’homme
n’en est pas à son premier tour de passe-passe. Il a toujours prétendu
avoir l’aval de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Le
contre-espionnage français aurait été au courant de ses activités –ce
qui n’est pas étonnant-, mais les aurait aussi tolérées –ce qui est
moins courant. La règle du métier étant de ne jamais se faire prendre la
main dans le sac. A 54 ans, le » Renard » sera-t-il aussi convaincant
qu’il le fut à Bruxelles lors d’un premier procès dont il était ressorti
libre ?
_ _
9 octobre 2008
http://www.rue89.com/2008/10/09/trafic-darmes-laffaire-jacques-monsieur-plane-sur-langolagate
Trafic d’armes : l’affaire Jacques Monsieur plane sur l’Angolagate
C’est
devenu un classique chez les avocats pénalistes confrontés à une grosse
affaire politico-financière. A l’ouverture de l’audience, faire le
procès du juge et de l’enquête. Dans l’Angolagate, les ténors du barreau
ont plutôt choisi d’attaquer la procédure, déjà mise à mal pendant
l’enquête. Pourtant, une affaire similaire de trafic d’armes a été jugée
au printemps dernier à Bourges. Elle devrait, logiquement, faire
jurisprudence. Analyse.
Un jugement passé inaperçu, dans une affaire similaire
Mercredi
21 mai 2008, il y avait peu de monde au Tribunal de grande instance de
Bourges. Pourtant, ce jour-là, les magistrats rendaient publique leur
décision sur une énorme affaire de trafic d’armes. Or, l’histoire du
marchand belge Jacques Monsieur s’est écrite à la même époque que celle
de Pierre Falcone. Dans les années 90, M. Monsieur, fils de bonne
famille passionné de chevaux de dressage lusitaniens, s’installe à
Lignières (Cher) pour restaurer un haras au pays de l’âne noir.
Fort
de ses contacts avec les réseaux Pasqua, il poursuit son activité
d’intermédiaire, avec l’assentiment des services secrets occidentaux,
comme il l’expliquera dans l’unique entretien accordé en 2004 à RFI. Il
achète, vend et livre toute sorte d’armes à des pays aussi différents
que l’Iran, l’Inde, le Venezuela, le Togo, le Qatar, les deux Congo… Un
vrai « lord of war », surnommé « the fox » (le renard) dans le milieu.
Le
cas Monsieur est intéressant pour les avocats engagés dans la procédure
de l’Angolagate, car les points de similitude sont nombreux :
•Jacques
Monsieur effectue de nombreuses transactions entre pays étrangers
(armes iraniennes vendues au Congo Brazzaville en 1997) ;
•il passe le plus souvent par une société (Matimco) basée à l’étranger (Bruxelles) ;
•il utilise de nombreuses banques étrangères (Luxembourg, Suisse) et des relais dans les paradis fiscaux ;
•la
seule matérialité établissant le « commerce illicite d’armes » repose
souvent sur un contrat ou une lettre de crédit signé, ou parfois un
échange de faxes.
Une jurisprudence constante depuis 1939
Logiquement,
maître Hervé Cabeli, avait plaidé durant la procédure la nullité des
poursuites, puisque les transactions ne passaient pas, matériellement,
par la France. Un argument repris dès mardi par les avocats de
l’Angolagate.
Dans son jugement, le TGI de Bourges est formel
(voir le document). Les poursuites pour « commerce illicite d’armes »
sont valables, car elles reposent sur le décret-loi de 1939 qui définit
deux principes :
•dans l’article 2, il est indiqué que la
fabrication et le commerce d’armes de guerre « ne peuvent fonctionner et
l’activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut
s’exercer qu’après autorisation de l’Etat et sous son contrôle ».
•dans
l’article 24, le même texte « sanctionne expressément toute personne
qui “exercera son activité en qualité d’intermédiaire” à l’occasion de
la fabrication ou du commerce des matériels, armes et munitions des
catégories visées à l’article 2 du décret, sans qu’aucune condition de
nationalité de la personne ne soit édictée ».
Et la conclusion des juges est d’une logique implacable :
«
Aucune des dispositions du décret-loi précité n’impose, par ailleurs,
que le matériel d’armement ou les munitions transitent sur le territoire
national, le texte se bornant à incriminer les personnes accomplissant
des actes de commerce ou agissant en qualité d’intermédiaire, dès lors
qu’un seul élément de l’acte de commerce a été accompli sur le
territoire national ;
L’argumentation de Jacques Monsieur
- tendant à la démonstration de l’existence d’un vide juridique dans
l’hypothèse où les armes et munitions n’ont pas transité sur le
territoire national- devra donc être écarté ; »
En 2001, la Cour de cassation a déjà « nettoyé » la procédure
L’agitation
de la prestigieuse brochette d’avocats de l’Angolagate ressemble fort à
un coup pour rien. D’autant plus que cette procédure, comme toutes les
affaires politico-financières d’envergure, a fait l’objet d’un peignage
juridique pointilleux. Tout le monde semble avoir oublié qu’en juin
2001, la Cour de cassation avait annulé une partie de la procédure et
des mises en examen, au motif justement de non-conformité avec le décret
de 1939. (Voir la vidéo)
Note : dans l’Angolagate,
on retrouve le nom de maître Spandre, avocat et intime du baron Benoît
de Bonvoisin et hôte du terroroste italien en fuite Gaetano Orlando ...
http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/files/2009/11/angolagatejugement.12583 90384.pdf
3.2.2.1.1- Le compte de la société ANGONEGOS Ltd
Alors que le Gouvernement angolais souhaitait couper l’approvisionnement en
diamants de l’UNITA et organiser le marché de cette richesse naturelle afin
d’endiguer
les fraudes, il demandait que fût créée une société, ayant pour objet
l’importation et la commercialisation de marchandises, autorisée, de
manière exceptionnelle, à négocier à l’étranger en devises étrangères,
notamment en dollars.
En février 1992, Monsieur CURIAL élaborait “les premiers actes” d’une société
“off shore” dénommée ANGONEGOS Ltd, avec l’aide d’un avocat belge,
Maître
SPANDRE. Malgré les vols reliant quotidiennement l’Angola à la
Belgique, cet avocat conseillait, pour des raisons fiscales, de
constituer la société en Irlande, à Dublin
_ _
3 septembre 2009
http://www.rue89.com/2009/09/03/comment-se-reconvertir-quand-on-a-fait-du-trafic-darmes
Comment se reconvertir quand on a fait du trafic d’armes ?
Par David Servenay | Ex-Rue89 | 03/09/2009 | 15H55
Un
trafiquant d’armes international peut-il se reconvertir une fois qu’il a
été démasqué ? Apparemment, non. Telle fut ma première réflexion en
découvrant l’arrestation du Belge Jacques Monsieur il y a quelques jours
aux Etats-Unis. L’homme a comparu mercredi devant un tribunal de
l’Alabama. La justice américaine lui reproche d’avoir essayé de vendre
des pièces de F5, un avion américain, à… l’Iran. Il risque soixante-cinq
ans de prison.
Un fils de bonne famille recruté par la CIA
La
première fois que j’ai rencontré Jacques Monsieur, dans le hall d’un
quatre-étoiles à Bruxelles, j’avoue que la question m’a traversé
l’esprit : que va-t-il faire de sa vie ?
A l’époque (hiver
2004), cet homme de 51 ans venait d’être condamné par la justice belge à
une peine symbolique, après avoir croupi un an et demi à Téhéran en
résidence surveillée. Il payait deux décennies d’une vie de trafiquant
d’armes.
Avec son air malicieux, il n’avait pas vraiment l’allure
de l’acteur Nicolas Cage dans « Lord of War », un trafiquant flamboyant
assoiffé de pouvoir. Plutôt un sympathique VRP, enlisé dans des
problèmes d’avocat, de juge et de diplomatie. Le genre de période où
plus personne ne vous connaît. Il se demandait d’ailleurs vers quelle
activité professionnelle se tourner…
Attention, je ne vais pas le
plaindre. Fils de bonne famille, Jacques Monsieur a eu la belle vie.
Recruté par les services belges de renseignement pendant son service
militaire, il devient dans les années 80 l’un des intermédiaires
préférés des « backdoors » de la CIA, les filières clandestines de
l’agence.
Le problème du moment est simple : comment fournir
discrètement à Téhéran les pièces nécessaires à la maintenance de ses
équipements militaires (avions, artillerie, chars…), tous d’origine
américaine ?
On sait aujourd’hui que le grand jeu consistait à
aider autant l’Irak de Saddam Hussein que l’Iran de l’ayatollah
Khomeiny… La réponse s’appelle l’Irangate et l’ensemble des filières
clandestines mises en place par la CIA et souvent sous-traité à ses
alliés occidentaux.
Un entrepreneur autodidacte et pluricompétent
Au
tournant des années 90, il déménage en France. A Lignières, dans le
Berry, un petit village tranquille où il élève dans un joli haras des
Lusitaniens, chevaux de dressage portugais. De son bureau (bordélique)
où la femme de ménage a interdiction de jeter le moindre papier, il
développe sa petite entreprise.
En 1992-93, en Bosnie-Herzégovine
et en Croatie, il inverse les flux. Des armes iraniennes sont livrés
clandestinement aux milices qui s’opposent à l’armée serbe. Là encore,
la CIA couvre ces opérations, en neutralisant la couverture radar en mer
Adriatique pour laisser passer les cargos bourrés d’armes. Des
munitions de fusils d’assaut, des mortiers, des obus…
A chaque
fois, Jacques Monsieur déploie des trésors d’ingéniosité. Car vous
n’imaginez pas à quel point il est compliqué de contourner les lois qui
réglementent le marché de l’armement. Il faut :
•obtenir la marchandise, souvent dans des entreprises d’Etat
•trouver le bon moyen de transport (bateau, avion)
•avoir un très efficace transitaire en douanes
•s’assurer d’un mode de paiement parfaitement fiable (une lettre de crédit bancaire)
Dernier
obstacle -le plus difficile : trouver un certificat de destination
finale (« end-user certificate ») bidon. Quand un pays est sous embargo,
il est impossible de lui livrer directement la marchandise. Dans le cas
présent, Jacques Monsieur avait choisi la Colombie pour faire tampon
entre les Etats-Unis et l’Iran. La plupart du temps, cela suppose
d’acheter la signature d’un haut fonctionnaire.
Bref, il faut
réunir de nombreuses compétences pour faire ce métier : commercial,
logisticien, juriste et… corrupteur. Alors, pourquoi Jacques Monsieur
n’a-t-il pas su s’insérer plus traditionnellement sur le marché du
travail ?
Une activité de schizophrène
La plupart des
grands trafiquants d’armes (Victor Bout, Jacques Monsieur, Pierre
Falcone, JB Lasnaud, Georges Starck pour ne citer qu’eux) ont une longue
pratique des services de renseignement.
Certains sont même
carrément d’anciens espions, comme Bout qui a été officier du KGB. Or,
tous gardent une forme de nostalgie de ce monde parallèle où le bien et
le mal se confondent, où l’Etat vous incitent contourner la loi et où le
pouvoir prend soudain une forme que vous n’imaginiez pas. Tout cela
n’incite pas revenir dans le monde normal.
Un bon trafiquant
d’armes a même l’obligation d’être schizophrène. A Lignières, Jacques
Monsieur vivait comme un notable de province. Avec ses chevaux, une
belle femme, des amis venant passer le week-end à la campagne. Et dès le
lundi, il repartait pour la Suisse et le Luxembourg, à répartir les
commissions, les lettres de crédit…
Je suppose que sa nouvelle
vie commençait à l’ennuyer, lorsqu’il a accepté en février l’offre d’un
émissaire (en réalité, un agent américain sous couverture) : trouver des
moteurs de F-5 et de C-130 pour ses amis iraniens. A 56 ans, Jacques
Monsieur est quasi-assuré de passer sa retraite à l’ombre d’un
pénitencier. En attendant, il a plaidé « non coupable ».
http://asset.rue89.com/files/YannGugan/2009_09_03_jacques_monsieur.pdf
( 11 pages )
_ _
3 septembre 2009
http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9B03EED9153FF930A3575AC0A96F9C8B63&scp=1&sq=Jacques%20Monsieur&st=cse
WORLD BRIEFING | THE AMERICAS ;
U.S. Arrests Belgian In F-5 Engine Case
By THE ASSOCIATED PRESS
Published : September 3, 2009
A
Belgian man has been arrested on charges that he sought to buy fighter
jet engines for Iran, federal prosecutors said in Washington on
Wednesday.
Jacques Monsieur, a citizen of Belgium and a resident
of France, was arrested Friday in New York on charges that he conspired
with an Iranian, Dara Fotouhi, to buy F-5 fighter jet engines and parts,
according to an indictment and affidavit. The Justice Department
described the two men as experienced arms dealers who had been working
with the Iranian government to obtain military items.
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