Chinois et Américains sont complices pour se partager le monde selon les Russes. Cet article date de quelques mois mais garde toute son actualité.
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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
La dernière étape, la plus importante, de la tournée asiatique de la
secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton - sa visite à Pékin - a confirmé
toutes les prévisions : l’Amérique propose à la Chine un nouvel agenda, très
fort.
Le voyage d’une semaine de Mme Clinton en Asie (Tokyo-Jakarta-Séoul-Pékin)
s’est avéré étonnamment stérile, dans sa totalité, sur le plan de la signature
de documents. La secrétaire d’Etat a effectué son premier voyage à l’étranger
dans l’unique but d’esquisser un nouvel agenda des rapports avec chaque pays.
. "La Chine reconnaît notre interdépendance, a déclaré la secrétaire
d’Etat. Clairement, nous allons nous en sortir ou tomber ensemble".
L’économie mondiale a été profondément marquée, ces dernières années, par ce
« pacte sino-américain », aux termes duquel la Chine pouvait se
permettre d’inonder les Etats-Unis (et le monde entier) de ses produits bon
marché grâce aux investissements effectués par des compagnies américaines dans
les entreprises chinoises. C’est pourquoi les Américains ont vécu au-dessus de
leurs moyens en achetant des produits américano-chinois bon marché et de bonne
qualité. Dans le même temps, Pékin achetait des bons du Trésor américains.
C’est ce système qui s’est écroulé. A présent, les Etats-Unis et la Chine
doivent élaborer en commun de nouvelles règles du jeu financier, que les autres
seront contraints d’accepter. C’est ainsi qu’il faut interpréter l’idée de
« direction américano-chinoise du monde » mise en avant actuellement
aux Etats-Unis.
C’est, du reste, la raison pour laquelle les experts chinois ne sont guère
enthousiasmés par les propos tenus par Mme Clinton, lorsqu’ils les commentent
sobrement, à la lumière des dernières données du Fonds monétaire international.
En 2003, le produit national brut des Etats-Unis représentait 32% du PNB
mondial, alors que celui des « économies émergentes » - Chine, Inde,
Russie, Brésil - et de deux ou trois autres pays n’en constituait que 25%. En
2008, les chiffres se sont inversés : 25% pour les Etats-Unis, 32% pour les
Etats émergents. Le monde multipolaire est arrivé, mais la politique de George
W. Bush n’a été qu’une tentative désespérée et effrénée de prévenir
l’inévitable, souligne le journal chinois Jenmin Jibao.
Mais il est évident depuis longtemps que les tentatives des Etats-Unis et de
leurs alliés européens de monopoliser le droit de dicter leurs critères de la
démocratie ou des droits de l’homme ont eu, comme toute chose, un début et une
fin. Sur le plan moral, cette idéologie ne diffère en rien des idées de
propagation de la « civilisation » ou du christianisme, au nom
desquelles l’Europe a exterminé de par le monde des milliers et des milliers de
personnes (voire des civilisations entières). Cela ressemble aussi à l’idéologie
des conquêtes de Gengis Khan qui envoya aussi ses armées à l’ouest pour y faire
régner la justice et les lois célestes (!).
Outre cet aspect moral de la chose, il en est un autre. Une véritable
industrie, qui coûte des milliards de dollars, lutte aux Etats-Unis pour les
droits de l’homme à l’étranger, mêlant l’argent et l’enthousiasme, l’idéologie
et le travail subversif ordinaire. Ses méthodes sont connues : miser sur
l’opposition pro-américaine dans de nombreux pays, ou tout simplement la créer,
la proclamer seule et unique combattante pour les droits et les libertés et
l’aider ouvertement. Autrement dit, il s’agit d’entretenir le mécanisme de sape
le plus puissant au monde, à l’instar du Komintern (l’Internationale
communiste, ndlr.), qui créa des organisations communistes dans le monde entier
entre les deux guerres mondiales. Mais en plus de l’hostilité générale envers
les Etats-Unis que suscite cette machine, elle s’avère trop onéreuse et, bien
entendu, inefficace, dans les conditions présentes. Si les Etats-Unis veulent
rester assez forts pour « gouverner le monde en commun avec la Chine »
ou, tout bonnement, survivre dans ce monde, quelqu’un devait dire tôt ou tard
ce que dit aujourd’hui Hillary Clinton.