la part de chrétienté de musulman tu en a plus que tu l’imagine ex : Les divers noms de Jésus dans le Coran
(Qur’ân) :
-’Îsâ (Jésus) est cité dans 10 sourates différentes et revient 25
fois dans
le Coran. L’éthymologie de (’Îsâ) n’est pas évidente, il existe
plusieurs
hypothèses pour expliquer la différence avec (Yasû’) le Jésus
biblique. Toujours
est-il que dans l’esprit des musulmans, ’Îsâ est bien Jésus, fils de
Marie
qui a donné l’évangile (al-injîl), dont les chrétiens ont fait un
fils de
Dieu.
- Al-masîh (le messie) 11 fois
La racine (MSH) signifie « mesurer », « frotter » et « oindre ». Mais le
mot Messie
(al-masîh) provient sans doute de l’araméen ou de l’hébreux, où il
était employé
dans le sens de sauveur (masîah). Muhammad a pris ce mot aux
chrétiens arabes,
chez qui le nom ’abd al-masîh (« serviteur du messie »), était connu à
l’époque
préislamique, mais il est douteux qu’il ait connu le vrai sens du
terme.
Le mot ne se trouve que 11 fois dans le Coran et uniquement dans des
sourates
médinoises, la plupart du temps lié à « fils de Marie » (ibn Maryam),
et toujours
pour parler de Jésus. Al-masîh est donc un titre de Jésus, mais sans
connotation
messianique, ni aucune interprétation eschatologique.
Dans la tradition, dans le hadith canonique, al-masîh se rencontre
dans trois
passages, toujours pour parler de Jésus : dans un rêve de Muhammad,
au retour
de Jésus et au jugement dernier.
- Kalima min Allah (Parole venant de Dieu)
Kalima est très fréquent dans le Coran on le retrouve dans le sens
de :
- parole proférée (bonne 14,24 ou mauvaise 9,74)
- parole de Dieu réalisatrice au sens de (’Amr)
Jésus est appelé « parole venant de Dieu » (kalima min Allah) en 3,
39.45, mais
les commentateurs voient dans ce titre :
- soit une parole divine liée au (kun) « sois » et rapprochent la
création de
Jésus à celle d’Adam : "Il en est de Jésus comme d’Adam auprès de
Dieu, Dieu
l’a créé de terre, puis il lui a dit « sois ! » et il est" 3,59
- soit le fait que Jésus est le prophète annoncé dans la parole de
Dieu, reçue
et prêchée par les prophètes antérieurs.
- soit parce que Jésus parle de la part de Dieu et ainsi conduit les
hommes
dans le bon chemin. - soit parce que Jésus est une bonne nouvelle,
parole
de vérité (qawl al-haqq).
Il ne faudrait pas trop vite voir dans cette « parole » (kalima)
l’équivalent
de notre verbe (logos) ce n’est pas l’attribut de la parole (kalâm)
mais son
expression en laquelle se formulent et se communiquent les décisions
divines.
- Nabi (prophète) en 19,30
Jésus est prophète, il est d’ailleurs cité plusieurs fois parmi les
autres
prophètes. Comme tout prophète il a une mission à accomplir dans un
peuple
particulier, les fils d’Israël. Mais il est plus qu’un prophète,
puisqu’il
a le statut d’envoyé.
- Rasûl (envoyé) 3 fois
Le rasûl est plus qu’un prophète, il est un envoyé, qui a un message
à délivrer,
comme l’ange Gabriel. Jésus a transmis l’Evangile, il est donc
rasûl, comme
Moïse qui a transmis la Torah, ou Muhammad qui a récité le Coran.
- ’Abd Allah (serviteur de Dieu)
Ce mot signifie et rappelle avant tout que Jésus est une créature de
Dieu,
soumise à Dieu. Cependant c’est un attribut de Jésus très important,
puisque
cela en fait un des meilleurs musulmans. Ibn Arabi dira de Jésus
qu’il est
le sceau de la sainteté.
Un chrétien ne peut pas ne pas penser au serviteur d’Isaïe (’ebed)
et à l’esclave
de Ph 2, 7 (doulos). Du point de vue du dialogue, c’est certainement
un attribut
très important de Jésus, parce que ce terme a une signification
forte en Islam,
comme dans le Christianisme. Il faut cependant se rappeler la
signification
première qui est une négation de la divinité de Jésus.
- Rûh (esprit venant de lui) en 4, 171
Jésus est un Esprit de Dieu (Rûh min Allah)
"O Détenteurs de l’Écriture !, ne soyez pas extravagants, en votre
religion !
Ne dites, sur Allah, que la vérité ! Le Messie, Jésus fils de Marie,
est seulement
l’Apôtre d’Allah, son Verbe jeté par Lui à Marie, et un Esprit
[émanant] de
Lui. Croyez en Allah et en Ses Apôtres et ne dites point : « Trois ! »
Cessez !
[Cela sera] un bien pour vous. Allah n’est qu’une divinité unique. A
Lui ne
plaise d’avoir un enfant ! A Lui ce qui est dans les cieux et ce qui
est sur
la terre.Combien Allah suffit comme protecteur (wakîl) !" (4,171)
Mais la suite du verset nous garde bien de faire de ce titre une
interprétation
trop chrétienne. Comme nous l’avons vu plus haut, ce titre vient
avant tout
du fait que Jésus est né du souffle divin né en Marie :
"Et [fais mention de] celle restée vierge en sorte que Nous
soufflâmes en
elle de Notre esprit et que Nous fîmes d’elle et de son fils un
signe pour
le monde." (21,91)
et que pour accomplir sa mission, Jésus a été fortifié par l’Esprit
Saint
(Rûh al qudus) 5,110
Autres titre :
- Ibn Maryam (fils de Marie) 33 fois dont 16 avec (’Îsâ)
- min al-muqarrabîn (parmi les proches) en 3, 45
- wajîh (digne de considération) en 3,45
- mubârak (béni) en 19,31
- qawl al-haqq (parole de vérité) en 19, 34 2.
DANS LA TRADITION MUSULMANE
On trouve dans la tradition un certain nombre de hadith (« propos »
attribués
au Prophète, qui constituent la tradition musulmane, la sunna)
concernant
Jésus ou Marie qui permettent de voir comment la tradition situe
Jésus par
rapport au prophète Muhammad. Nous avons été voir chez Bukhâri (mort
en 870/
h.256), le plus important des traditionnistes.
Sur la nature de Jésus, on trouve :
"D’après Sa’îd-ben-al-Mosayyab, Abou Horaïra a dit : J’ai entendu
l’envoyé
de Dieu s’exprimer ainsi : " Il ne nait pas un seul fils d’Adam,
sans qu’un
démon ne le touche au moment de sa naissance. celui que le démon
touche ainsi
pousse un cri. Il n’y a eu d’exeption que pour Marie et son fils".
(El-Bokhâri,
Les traditions islamiques, Maisonneuve, Paris 1984, tomeII, Livre
60, ch 44)
D’après ’Obâda, le prophète a dit : quiconque témoignera qu’il n’y a
pas de
divinité en dehors de Dieu, l’unique, n’ayant pas d’associés ; que
Mahomet
est son adorateur et son envoyé ; que Jésus est l’adorateur de Dieu,
son envoyé,
son verbe jeté dans le sein de Marie et une émanation de Dieu ; que
le paradis
est une vérité, que l’enfer est une vérité, Dieu le fera entrer dans
le paradis
quelles qu’aient été ses oeuvres." (Ibid. ch 47)
Abou Salama rapporte que Abou Horaïra a entendu l’envoyé de Dieu
dire : "Je
suis parmi les hommes, le plus rapproché du fils de Marie. Les
prophètes sont
les enfants d’un même père et de mères différentes. Entre Jésus et
moi, il
n’y a pas eu de prophète. (Ibid. ch 48,6)
Le prophète dit avoir rencontré Jésus lors de son voyage
"...Le prophète a dit, la nuit où l’on me fit faire le voyage, je
vis Moïse,
c’était un homme brun, de haute taille, crépu, on aurait dit d’un
Chanouïte ;
je vis Jésus, c’était un homme de taille et de complexion moyennes,
d’une
couleur entre le rouge et le blanc, et aux cheveux lisses..." (Ibid.
livre
59, ch7, 16)
« Abdallah ben ’Omar rapporte que l’envoyé de Dieu a dit : »une nuit
que j’étais
auprès de la Ka’ba, je vis un homme brun comme un des plus beaux
hommes bruns
que tu n’aies jamais vus. il avait une chevelure comme la plus belle
des chevelures
que tu n’aies jamais vue ; cette chevelure était flottante et était
encore
ruisselante d’eau. appuyé sur deux hommes, il faisait le tour du
temple. Comme
je demandais qui était cette personne, on me répondit : "c’est le
Messie, fils
de Marie"...(Ibid. tomeIV, livre77, Ch 68, 3)
Après Adam, Noé, Abraham, Moïse, les gens vont voir Jésus pour lui
demander
d’intercéder auprès de Dieu, mais celui-ci s’en juge incapable, et
renvoie
à Muhammad :
..."[Moïse dit] adressez vous à un autre que moi, allez trouver
Jésus. Ils
iront trouver Jésus et leur diront : "O Jésus, tu es un envoyé de
Dieu ; il
a envoyé son verbe dans Marie ; tu es l’esprit de Dieu, et tout
enfant, dès
le berceau, tu parlais aux hommes ; intercède en notre faveur auprès
du seigneur,
ne vois-tu pas dans quel état nous sommes ? Le Seigneur, répondra
Jésus est
aujourd’hui dans une colère telle qu’il n’en a jamais eu de pareille
auparavant
et qu’il n’en aura plus jamais de semblable à l’avenir. Il ne
parlera pas
de faute commise et ajoutera : "c’est moi, moi, moi (qui aurait
besoin d’un
intercesseur). Adressez-vous à un autre que moi, allez trouver
Mahomet"...
(Ibid, tome III, livre 65, ch5,1 cf aussi 65, 2, 1)
La tradition nous donne une connaissance un peu plus précise de
Jésus que
le Qu’rân, mais, par rapport à la somme de hadith existant, ceux
consacrés
à Jésus sont peu nombreux. Comme le Qu’rân, ils reconnaissent
l’importance
de Jésus, mais rappellent que celui-ci passe après Muhammad et qu’il
n’est
pas fils de Dieu.
Pour trouver une réflexion plus approfondie sur le Christ, on doit
chercher
chez les mystiques.
JÉSUSDANS LA TRADITION MYSTIQUE
(Nous nous référerons au livre de Roger Arnaldez, Jésus dans la
pensée musulmane,
coll. Jésus et Jésus-Christ n° 32, Descellée, Paris 1988, ch 3)
Dans l’œuvre des mystiques, Jésus est tout d’abord présenté comme un
mystique
qui enseigne :
- la crainte et l’amour de Dieu
"Le Christ a dit : ’O Apôtres ! la peur qui fait redouter Dieu et
l’amour du
Paradis font hériter la patience pour supporter les peines et
éloignent de
ce bas monde" (Ghazâlî Arnaldez, Op.cit. p.111)
- la patience dans les épreuves :
"Le Messie a dit : ’Vous n’obtiendrez ce que vous aimez que par votre
patience
à supporter ce que vous abhorrez’" (Makkî et Ghazâlî, Ibid., p. 113)
- l’abandon à Dieu :
"Jésus a dit : ’Regardez les oiseaux ; ils ne sèment ni ne
moissonnent, ils
ne font pas de provisions et Dieu pourvoit à leur subsistance jour
après jour’"
(Ghazâlî Ibid. p. 117)
- l’ascèse et la pauvreté
"On raconte de Jésus qu’il posa une pierre sous sa tête, comme si,
en la soulevant
de terre, il éprouvait un soulagement. Iblis lui fit une objection
en disant :
’O fils de marie, n’avais-tu pas prétendu que tu pratiquais
l’ascétisme dans
ce monde ? Jésus répondit que oui. Iblîs dit : ’Et ce que tu as bien
arrangé
sous ta tête, qu’est-ce que c’est donc ?’ Jésus rejeta la pierre et
dit : ’prends-la
avec tout ce que j’ai déjà abandonné.’" (Makkî, Ibid, p.128)
- l’humilité
"On rapporte que Jésus a dit : ’Il manque de science, celui qui ne se
réjouit
pas dêtre frappé de maux en son corps et en ses biens, en espérant
par là
expier ses fautes’." (Makkî, Ibid. p. 132)
- l’amour
"On rapporte que Jésus passa près d’un homme qui était aveugle,
atteint de
la lèpre, privé de ses jambes, frappé d’une paralysie du côté droit
et du
côté gauche, dont les chairs tombaient en lambeaux sous le coup de
l’éléphantiasis.
Et cet homme disait : ’Dieu soit loué, car il m’a préservé de ce par
quoi il
éprouve un grand nombre de ses créatures ! ’Jésus lui demanda :
’dis-moi quelle
est cette épreuve dont je puisse constater qu’elle a été écartée de
toi ? L’homme
dit : ’O Esprit de Dieu ! Je suis moi, en meilleur état que celui dans
le coeur
de qui Dieu n’a pas mis la connaissance de lui-même qu’il a mise
dans mon
coeur.’ Jésus lui répondit : ’Tu as dit vrai ; donne-moi ta main’.
L’homme la
lui tendit et voici que son visage devint le plus beau du monde, et
que sa
tournure prit le meilleur aspect. Dieu avait fait disparaître le mal
qui était
en lui. Il s’atacha à Jésus et s’adonna avec lui à l’adoration."
(Ghazâlî,
Ibid. pp. 138-139)
Chez Ibn ’Arabi, Jésus est présenté comme
le sceau
universel de la sainteté
Parmi tous les prophète, Jésus a une place à part dans la doctrine
d’Ibn ’Arabi
(un des plus grand mystiques de l’Islam, mort à Damas en 1240/
h.638) :
La conception de Jésus lui confère un statut tout particulier
"Gabriel était donc le véhicule de la Parole divine transmise à
Marie [...]
Dès l’instant, le désir amoureux envahit Marie, de sorte que le
corps de Jésus
fut créé de la véritable eau de marie et de l’eau purement
imaginaire de Gabriel
[...] Ainsi, le corps de Jésus fut constitué d’eau imaginaire et
d’eau véritable,
et il fut enfanté sous la forme humaine à cause de sa mère et à
cause de Gabriel,
sous forme d’homme." (Ibid, p. 168)
"[...] Jésus manifesta de l’humilité jusqu’à ordonner à sa
communauté [...]
que si quelqu’un est frappé sur la joue, il tende l’autre à celui
qui l’a
frappé, et ne se révolte jamais contre lui, ni ne cherche vengeance.
Ceci,
Jésus le tient du côté de sa mère, car c’est à la femme de se
soumettre tout
naturellement [...] Son pouvoir vivifiant et guérissant, par contre,
lui parvint
du souffle de Gabriel revêtu de forme humaine. C’est pour cela que
Jésus put
vivifier les morts en ayant la forme d’homme." (Ibid., p. 169)
Jésus sceau de la sainteté universelle
"N’est il pas vrai que le sceau de la sainteté est un envoyé qui n’a
pas d’égal
dans les mondes ? Il est l’Esprit, fils de l’esprit et de Marie sa
mère : c’est
là un lieu où ne conduit aucune voie.
[...] Quant à Jésus, il a la qualité de sceau en ce sens qu’il
possède le
sceau du cycle du royaume (le monde créé). En effet, il est le
dernier des
envoyés à apparaître, et il apparaît avec le forme d’Adam,
relativement à
son mode de génération, puisqu’il n’est pas engendré de père humain
et qu’aucun
fils, je veux dire dans la descendance d’Adam dans la suite des
générations,
n’est semblable à lui.[...] En outre Jésus, quand il descendra sur
la terre
à la fin des temps, recevra le sceau de la lus grande sainteté
depuis Adam
jusqu’au dernier prophète, en rendant hommage à Muhammad, du fait
que Dieu
ne scelle la sainteté universelle en toute communauté que par un
envoyé qui
suit la loi de Muhammad. Et alors, Jésus possède le sceau du cycle
du royaume
et le sceau de la sainteté, j’entends la sainteté universelle."
(Ibid., p.181)
Chez al-Hallaj
Jésus a une très grande importance dans la spiritualité d’al-Hallâj
(grand
mystique, condamné à mort pour son enseignement trop hétérodoxe en
922/ h.309),
parce qu’il est la réalisation la plus parfaite, pour un homme, de
l’union
mystique entre l’humanité et Dieu. Lors de son retour
eschatologique, Jésus
remplira le monde de sagesse et de justice en promulgant la loi
musulmane
définitive.
Hallâj croit à la passion et à la résurrection du Christ et cette
passion
est pour lui rédemptrice. Les disciples d’al-Hallâj ont affirmé que
par sa
mort sur un gibet, Hallaj avait réalisé l’idéal du soufisme.
Néanmoins, cette
perception n’est pas la même que la perception chrétienne. Il y a
chez Hallaj,
une idée de fuite du corps humain et du monde.
Henri de La Hougue
Enseignant à l’Institut de science et de théologie des religions
(Institut
catholique de Paris), Membre du service diocésain des relations avec
l’Islam
Article paru sur www.theologia.fr
Pour en savoir plus, nous vous recommandons :
Tarif KHALIDI
: Un musulman nommé Jésus, Albin Michel, Paris, 2003
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