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Catherine Coste Catherine Coste 30 avril 2010 15:07

Philippe Steiner est sociologue à la Sorbonne (Université de Paris IV). Depuis 10 ans, il travaille sur le thème des transplantations d’organes. En mars 2010, il a publié un ouvrage paru chez Gallimard nrf : « La transplantation d’organes. Un commerce nouveau entre les êtres humains ».

Voici ce qu’il écrit au sujet des prélèvements “à cœur arrêté” (p. 162-163)  :

“Cependant, il existe une forme de cette utilisation optimale des corps défunts qui contourne la faiblesse des ressources offertes par le critère de la mort encéphalique. Depuis le début des années 1990, le protocole dit ‘de Pittsburgh’ propose de procéder à des prélèvements sur des personnes dont la mort est établie selon le critère cardio-pulmonaire classique. La difficulté ne vient pas du recueil de la volonté, laquelle est donnée par le patient lui-même ou par la famille si ce dernier n’est plus en mesure de s’exprimer, mais de la pratique du prélèvement. En effet, ce mode de productivisation de la mort suppose que les reins soient prélevés immédiatement après le constat de mort : lorsque le cœur cesse de battre, les professionnels ne tentent aucune mesure de ressuscitation (puisque telle est la volonté du malade ou de la famille) ; au bout d’un temps très court (de deux à cinq minutes), le défunt est poussé en salle d’opération et le prélèvement a lieu. Pour améliorer la qualité du greffon, une sonde peut être placée dans le corps du mourant de manière à refroidir les organes à prélever et leur éviter d’être endommagés par une trop longue durée d’ischémie chaude [période durant laquelle n’organe n’est ni perfusé ni refroidi, et risque donc de s’abîmer. On dit qu’il est en souffrance, cet état compromet directement la réussite de la transplantation. Ndlr.] Des actes médicaux sont donc accomplis sans aucune portée thérapeutique pour le patient afin de prélever des organes de meilleure qualité. La démarche fait difficulté pour les professionnels de la transplantation. Le protocole s’est donc peu diffusé jusqu’ici, sauf au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. [Il a auparavant été mentionné que ce protocole était utilisé aux USA et au Canada. Ndlr.] (…) Aux Pays-Bas, en 2006, il y a eu cent seize donneurs à cœur arrêté prélevés, ce qui représente 51 pour cent des prélèvements post-mortem et 23 pour cent du total des prélèvements. [Dans ce pays, le don d’organe provenant de donneur vivant, comme un rein ou un lobe de foie, est une pratique plus répandue qu’en France. Ndlr.] Ce type de prélèvement, validé en France depuis 2005, est en phase expérimentale depuis 2007 dans un petit nombre de grands centres hospitaliers ayant développé l’infrastructure adaptée à un tel mode de prélèvement. Cette pratique vient de rencontrer une difficulté majeure avec le cas d’une personne qui, après échec apparent des tentatives de ressuscitation, et au moment où le prélèvement allait être effectué, a présenté des signes de respiration spontanée, une réactivité pupillaire et une réactivité à la douleur, autant de symptômes de vie. Après des soins compliqués, cette personne, dont l’état neurologique n’était pas connu dans sa globalité, retrouva des éléments de la vie sociale, comme la parole et la marche. [Le Monde, 11 juin 2008]”.


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