Biden va-t-il laisser tomber ses partenaires du Golfe ?
Il ne faut pas se cacher que les pays du CCG sont préoccupés par la vision stratégique de l’administration du président Joe Biden concernant l’accord sur le nucléaire iranien. Tout le monde sait que les relations entre les pays du Golfe et Washington ne sont pas meilleures sous la présidence de Joe Biden. C’est du moins le cas jusqu’à présent.
Mais une analyse attentive et objective des faits indique que la question n’est plus tant liée au changement de président américain qu’à un changement institutionnel (plutôt que personnel) dans la vision stratégique du rôle américain dans la région du Golfe.
La preuve en est que le mandat de l’ancien président Donald Trump n’a pas connu un rapprochement avec les partenaires du Golfe comme par le passé. Ça, malgré une sorte de compréhension américaine de la vision du Golfe sur la sécurité et la stabilité régionales, surtout vis-à-vis de la menace iranienne.
Cette sorte de compréhension a été motivée le rejet par Trump de l’accord sur le nucléaire, et non pas un soutien à la position des partenaires du Golfe. La réponse que tout le monde dans la région se pose est la suivante : Que s’est-il passé ?
Je parle ici des moteurs et de la dynamique des partenariats stratégiques entre les pays du CCG et les USA, en vue de construire des approches réalistes qui puissent servir de nouvelle locomotive à ce partenariat important pour les deux parties, et de surmonter tout malentendu ou doute de chaque partie.
Pour répondre aux nombreuses questions soulevées à ce propos, nous devons admettre que la vision stratégique américaine de la région du Golfe a relativement changé. Cela est dû à des facteurs tels que le pétrole de schiste, la montée en puissance de la Chine, entre autres.
L’idée que l’administration Biden reproduit les positions de l’ancien président Obama ne tient pas la route parce qu’elle ne prend pas en compte l’institutionnalité de la politique étrangère américaine. La politique étrangère n’est pas le monopole du maître de la Maison-Blanche, qu’il soit Démocrate ou Républicain.
Le président a une marge de manœuvre politique et militaire difficile à outrepasser, de sorte qu’il reste largement bridé par le rôle d’autres institutions, notamment le Congrès. De plus, il existe des institutions de sécurité autorisées à développer la vision stratégique des USA sur le plan mondial.
Cela empêche que certaines lignes rouges soient franchies au point de nuire aux intérêts majeurs des États-Unis. Dans ces termes, peut-on dire que les États-Unis, et plus spécifiquement l’administration du président actuel Joe Biden, s’apprêtent à sacrifier leurs alliés et partenaires dans les pays du CCG pour revenir à l’accord nucléaire avec l’Iran ? La réponse est non.
Le vaste et complexe réseau d’intérêts stratégiques qui lie Washington à ses partenaires du CCG, et réciproquement, n’incite sans doute personne à dire que ce partenariat pourrait se désintégrer, voire s’affaiblir, ou qu’il perd de son poids.
Mais ce qui est clair ici, c’est qu’il existe un état d’inquiétude, notamment de la part des pays du CCG, mais dans le but de parvenir à de nouvelles compréhensions et à de nouvelles bases pour ce partenariat à la lumière de la scène géopolitique actuelle. Du côté des pays du CCG eux-mêmes, leur réseau d’alliances n’est plus le même.
Il y a une nouvelle réalité dans les politiques étrangères de ces pays, collectivement et individuellement, avec l’émergence de nouveaux partenariats stratégiques avec des puissances internationales et régionales et des économies émergentes, notamment la Chine, la Russie, la Corée du Sud, l’Inde, l’Union européenne et d’autres.
Il y a également eu des percées dans la planification et la structuration de ces pays en vue de s’intégrer dans le courant des développements technologiques mondiaux et de jouer un rôle compétitif dans la mobilité mondiale aux niveaux technologique, économique et du développement.
Il y a quelques années, personne n’imaginait ce mouvement et cette coopération fructueuse entre les EAU et Israël, par exemple, dans les domaines scientifique, technologique, industriel, sanitaire, agricole et autres. On assiste à une nouvelle réalité géopolitique dans la région. Celle-ci n’est pas encore finalisée.
Il existe des attentes stratégiques qui pourraient se révéler dans un avenir proche. La notion de partenariat exclusif avec une seule grande puissance n’est plus réaliste. Le pluralisme est dans l’air du temps, avec toutes ses exigences, et les changements de visions et d’intérêts, ainsi que de comportements politiques, économiques, voire militaires et sécuritaires.
Tout porte à croire que la région, voire le monde entier, subit des changements stratégiques concrets. Cela dépasse le cadre des accords importants conclus entre les pays arabes et Israël pour établir des relations officielles bilatérales. Il y a une issue qui se profile concernant les tensions entre la Turquie et des pays arabes majeurs comme l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Des rapports médiatiques font état d’une médiation irakienne pour rapprocher les points de vue saoudo-iraniens, et un accord de réconciliation progresse lentement entre le Quartet arabe et le Qatar. Il y a une voie à suivre pour le règlement des crises syrienne et libyenne. Une volonté saoudienne claire de résoudre politiquement la crise yéménite se manifeste.
On assiste à un rapprochement de la Russie avec les pays de la région et bien d’autres choses encore que l’on peut qualifier de préface au monde de l’après-Covid. À vrai dire, le partenariat entre les États-Unis et le Golfe restera important pour les deux parties. Il est difficile pour l’une ou l’autre d’y renoncer.
Les pays du CCG restent un acteur de taille non seulement sur les marchés mondiaux de l’énergie, mais toute l’économie mondiale. Le monde a besoin d’énormes investissements dans les prochaines années pour faire face aux effets de la pandémie.
Assurément, la gestion par le président Biden du dossier du retour à l’accord nucléaire avec l’Iran n’est pas la seule variable qui régit les relations de son pays avec les pays du CCG. L’idée même de retour, malgré ses connotations irrésolues, n’apporte pas une réponse complète quant à la manière dont Washington entend traiter les menaces iraniennes.
Il y a encore beaucoup à faire dans l’après retour des États-Unis. Une analyse des positions récentes de l’administration du président Biden témoigne d’un retour progressif au réalisme américain, mais aussi d’un abandon progressif du zèle de la campagne électorale. Il convient ici de rappeler la déclaration du secrétaire d’Etat américain Tony Blinken.
Ce dernier a déclaré que les États-Unis devaient continuer à travailler avec l’Arabie saoudite « que cela nous plaise ou non, » soulignant que le royaume reste un partenaire important pour son pays à bien des égards.
Le prince héritier [Prince Mohammed bin Salman] sera probablement le leader de ce pays pendant longtemps encore et « nous devons travailler avec les leaders du monde entier, » a-t-il déclaré.
Cette déclaration fait le parallèle avec une autre déclaration importante du prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed bin Salman. Il a déclaré que la politique étrangère de son pays est basée sur les intérêts du royaume, notant qu’il y a un accord entre les Saoudiens et l’administration du président Joe Biden pour 90%. « Les États-Unis sont un partenaire stratégique » de l’Arabie saoudite.
La nouvelle donne pour le partenariat stratégique des États-Unis avec les pays de la région n’est que la marge d’accord et de désaccord, qui peut avoir des hauts et des bas, a déclaré Son Altesse. Telle est la nature des relations internationales au stade actuel. La flexibilité est devenue un élément clé de la gestion des relations entre partenaires.
Tout le monde peut constater la profondeur des différences entre les alliés de l’OTAN sans pour autant que ça change quoi que ce soit au partenariat. Les pays du CCG disposent d’un ensemble diversifié de partenariats stratégiques. Les États-Unis restent une partie essentielle dans ce cadre.
Leur partenariat actuel demeure solide, non seulement parce qu’il n’y a aucune raison pour le mettre en échec. Mais aussi parce que leurs intérêts communs imposent toujours son maintien.
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