Il n’y aura pas d’élection en 2012, juste un malentendu

Aucune élection présidentielle ne se ressemble à une autre et c’est ce qui fait l’intérêt de ces scrutins suscitant une passion auprès des citoyens, surtout s’ils ont des convictions idéologiques ou à défaut, se positionnent comme des partisans. De ce point de vue, on peut quand même distinguer sur le fond les premières élections de la cinquième république de celles plus récentes ayant eu lieu après 1981. En approximant, les premières élections étaient disputées autour d’options idéologiques puis l’époque des partisans et des célébrités est arrivée. Alors que les anciens clivages s’effritaient. C’était la fin des grands récits et la montée des cahiers de doléances. Droite ou gauche, les clients sont très fidèles à un camp mais d’autres sont versatiles et se laissent tenter par la concurrence. En 1988, Jean-Marie le Peng a rassemblés des millions de clients. Bref, ces élections présidentielles françaises sont décriées mais elles ont quand même plus de saveur que le bipartisme américain qui en fait, ne repose que sur un seul parti doté de deux ailes. Les citoyens n’attendent plus trop des élections. Ils s’entendent sur des convictions négatives, de haine envers un camp, envers des populations, des catégories sociales, des envies de sécurité, de protection, de maintien des situations. Combien vont me coûter mes dépenses, combien vais-je gagner, comment serai-je en sécurité et si j’ai des enfants, que vont-ils devenir ? En quatre questions se déclinent les préoccupations de trois Français sur quatre. L’autre quart se partageant entre ceux qui n’espèrent plus rien et ceux qui ont encore quelques valeurs républicaines dans leur cœur.
Cette vision caricaturale illustre une idée, celle d’un malentendu entre les candidats à la présidentielle et les Français. Or, quand on vote pour un candidat, il faut une entente entre celui qui gouvernera et celui qui sera gouverné. Non pas se comprendre, ce serait trop audacieux et d’ailleurs inapproprié. Mais au moins s’entendre et comme le clame Dominique de Villepin avec des accents on ne peut plus gaulliens, une élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et un peuple. Cette formule fleure bon son cortège de passions politiques toutes romantiques. Mais elle est un peu vide de contenu. Ce qu’on peut au moins espérer, c’est qu’il y ait entente et que l’homme qui se présente soit entendu. Et bien entendu il faut une réciprocité ce qui suppose que le candidat ait entendu les Français. Et pour le dire franchement, toutes les élections depuis 1981 (et peut-être avant) ont été le moment d’un malentendu.
Les moments où les gouvernants et les citoyens peuvent d’entendre sont plutôt des lieux. C’est au niveau local, dans les permanences des élus, que la vie politique peut donner lieu à des écoutes attentives et parfois des réponses précises mais au niveau national, c’est le brouillage et d’ailleurs, les journalistes et les médias portent une responsabilité dans le malentendu qui se dessine lors de chaque élection. Ces émissions où viennent s’exprimer quelques citoyens triés sur le volet ne sont que des ersatz de dialogue. Cette communication artificielle est une source de malentendu, comme du reste les choses rapportées par les reportages médiatiques qui sont orientées et souvent tronquées, pour ne pas dire truquées, lors du montage. Au bout du compte, l’information, c’est voire le monde avec le petit bout de la lorgnette et transmettre cette vision à des spectateurs dotés d’œillères. Tout cela manque de largeur et de hauteur. Prendre de la hauteur, c’est ce que déclame Villepin, vite ramené aux affaires par des questions impertinentes de journalistes qui sous prétexte de jouer les chiens de garde de la déontologie finissent par rendre inaudibles les messages des rares candidats porteurs de vision si bien que le malentendu s’étend.
Les élections présidentielles récentes n’ont été que le moment d’un malentendu. Les candidats font semblant d’entendre les citoyens. Et les citoyens leur rendent la pareille, la plupart croyant entendre des promesses sincères pour ensuite déchanter. 2012 n’échappera pas à ce schéma. Cette élection risque même d’être celle où le malentendu sera le plus intense. Les candidats proposent des solutions qui n’en sont pas. Et les citoyens ont des problèmes qui ne peuvent pas être solutionnés, ou qui n’ont pas vocation à être pris en compte par les politiques. Alors le démon populiste vient régler tout ça en inventant quelques fantasmes, comme le produire français ou la chasse aux assistés. Pour d’autres ce sera la sortie de l’euro. Les candidats s’illusionnent sur le fait d’être entendus. Qui peut croire que François Bayrou est un révolutionnaire avec les vieilles lunes qu’il agite ? Et Marine le Pen, qui est elle pour nous donner quelque leçon d’élan révolutionnaire alors qu’elle est réactionnaire dans l’âme ? Le Français a quand même une oreille avertie et préfère rester sourd aux billevesées de campagne. Il vaut mieux ne pas entendre quand l’écoute conduit à un malentendu. Et donc, si une élection présidentielle ce conçoit comme une entente entre un homme et un peuple, alors il n’y aura pas d’élection en 2012 car tout ne sera que malentendu.
11 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON