Institut universitaire de formation des maîtres
A l’heure du débat sur le recrutement des professeurs et la possible suppression des IUFM, voici une note anecdotique sur cette « incroyable usine à fabriquer les maîtresses ».
L’IUFM est une institution appartenant depuis peu à une université, qui forme les professeurs des écoles, les professeurs lycées collèges, les professeurs lycées professionnels, et caetera. And the question is... Qu’apprend-on, concrètement, à l’IUFM ?
Nous apprenons à apprendre... Idéalement parlant bien sûr ! De manière effective, nous avons différents types de cours basés sur de la didactique et de la pédagogie, autour d’une administration, parfois, il faut bien l’avouer, quelque peu défaillante.
En vue de résumer mon apprentissage concret à l’IUFM, je soulignerais tout d’abord les valeurs morales et culturelles que nous nous devons de transmettre aux enfants : nous ne devons absolument pas dire à un enfant qu’il a fait une erreur, ce qu’il fait doit toujours être récompensé. Il ne faut pas non plus faire partie de ces enseignants "enfant-ophages" qui utilisent à des fins de pur sadisme le stylo rouge. Il ne sert à rien de corriger les fautes d’orthographe d’un élève, quand le but premier est de produire une synthèse sur un résultat scientifique...
Bref, soyons des professeurs lâches et blasés, qui aiment considérer que les élèves sont des imbéciles heureux incapables de savoir établir un lien interdisciplinaire (ce qui, à l’heure du "vive l’interdisciplinarité" est assez déroutant, soit dit en passant) et qui font partie de cette catégorie de personnes qui refusent d’être de celles qui osent dire aux enfants : "tu as fait des erreurs, c’est ce qui te permettra d’apprendre"... Non, retranchons-nous derrière cette nouvelle pédagogie qui, sous couvert de ne pas blesser et brimer les élèves, n’est qu’une fuite de nos responsabilités en tant qu’enseignant. Quelle est donc cette envie subite de créer des êtres frustrés de n’avoir jamais été pris au sérieux ; sans limites, ni les professeurs ni les parents ne leur signifient leurs erreurs ; et incapables de survivre à la réalité sociale et professionnelle (conséquence des deux qualificatifs précédents) ?
Etrangement, en matière de pédagogie, l’élève est toujours l’élève parfait. Les enfants de 4 ans que nous voyons en stage nous tenir tête, et les "apprenants" de primaire qui ne savent ni lire ni écrire, mais connaissent très bien la définition du mot "incarcérer", sont de parfaites créations de notre esprit. Nous sommes des mécréants, l’enfant est parfait, les parents désabusés et désintéressés de l’avenir de leur progéniture n’existent pas. Tout est magique dans le monde des Bisounours.
L’IUFM, c’est aussi une administration à toute épreuve : feuilles de présence pour chaque cours, et pénalités pour chaque absence non justifiée (certificat médical). Cependant, cela paraît quelque peu déroutant et stupide lorsque l’on se retrouve à devoir remplir une lettre justifiant notre absence pour un cours qui n’a jamais eu lieu... Affichage, sur le site internet de l’Institut, de l’emploi du temps des sections et des noms des professeurs qui n’assureront pas leur cours : certes belle initiative, mais, dans les deux cas, réalisée une heure après le début dudit cours. Aussi, cela ne paraît plus si idoine.
Les étudiants entre eux font également preuve d’une belle solidarité. Ainsi, il n’est pas étonnant d’entendre des "chuut" venant de personnes du premier rang en colère après un groupe d’élèves un peu trop bruyant (à leur goût ?). La rétention de polycopiés fait aussi partie intégrante de cette solidarité : pourquoi s’entraider ? De toute façon, nous finirons tous par nous entretuer en voyant nos noms et notations sur un site internet. La plus belle preuve de maturité et d’entraide "iufmienne" reste la feuille de présence : remarquer que certaines personnes comptent les présents et le nombre de signatures pour déterminer qui a osé signer pour son collègue absent, démontre tout de même l’intérêt des cours à l’IUFM !
Si vous connaissez l’IUFM, alors vous connaissez les IO et le BO : autrement dit, les Instructions officielles et le Bulletin officiel. Il s’agit de notre "charte" et de notre "contrat" : tout ce que nous devons apprendre aux élèves en matière de discipline et pédagogie s’y trouve ! Cependant, une question reste en suspens : pourquoi, dans un pays où l’éducation est (était) synonyme de culture et citoyenneté, le but premier est "le développement de soi" (digne d’un bon livre ésotérique trouvé dans la librairie louche du coin de la rue) et non l’apprentissage d’un patrimoine, d’une culture commune, d’éléments utiles pour la réussite future des enfants ?
N’oublions pas de citer, dans toute leur grandeur et magnificence, les professeurs humbles et modestes qui affirment pouvoir réciter du Nietzsche pendant des heures, et s’énervent après une élève qui explique que les historiens reconnaissent la vie de Jésus de son baptême à sa crucifixion. Non ! Ces professeurs sont bien meilleurs que les historiens, eux étaient là, eux savent que Jésus n’a pas existé !
Je tiens également à attribuer une mention particulière, à M. X qui a clairement avoué ne pas vouloir donner des cours à certains collègues car il préférait préparer ses cours pour l’an prochain.
Bref, l’IUFM et ses produits dérivés (piles vendues séparément) est une fantastique institution qui nous fait goûter à la future bonne ambiance entre collègues, nous apprend à devenir de bons fonctionnaires dans un Etat qui se désintéresse de la question de l’éducation au profit de l’"in-culture" de masse. Merci de nous aider à devenir de meilleurs professeurs "sans stylo rouge", alcooliques ou dépressifs (parfois les deux), confrontés à une réalité qu’ils n’ont jamais apprise, et qu’ils n’auraient jamais imaginée. Cela dit, il est vrai que le stylo rouge, sous une pluie de tables et de chaises, est quelque peu inefficace.
Bienvenue dans mon monde cynique, où je me sens pourtant plus concernée par le sort de l’éducation enfantine que la plupart de mes formateurs, formés pour former.
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON