Rachidagrobis, fin de la fable
On la savait légère, on la découvre sans aucun poids, voire totalement évanescente. Notre garde des Sceaux, nommée à la surprise générale à la place de Patrick Devedjian à qui devait logiquement revenir le poste, se retrouve au bout d’un an d’exercice du pouvoir en très fâcheuse posture. Fâcheuse à plus d’un titre : rejetée aujourd’hui par la populace en raison de ses tendances prononcées pour jouer les "fashion victims", rejetée par son parti, qui s’aperçoit, après Xavier Bertrand, qu’elle n’a que fort peu de choses à dire, ou ne sait pas le dire, et par son mentor, à qui elle doit son ascension fulgurante, et qui vient de l’exclure du cercle des fidèles devant composer sa "task force", selon ses propres termes.
Lâchée de partout, même pas invitée au "G7" sarkozien, Rachida le météore est en train de sentir la chaleur qui se dégage lors d’une rentrée difficile dans l’atmosphère terrestre, ou plutôt apprend à ses dépens combien il est difficile de remettre les pieds par terre après avoir vécu un an en apesanteur. Le Parquet est aussi le plancher des vaches, et là il s’en trouve toujours pour lui faire sentir à nouveau l’odeur et la matière, voire le cirer davantage pour le rendre plus glissant. Le premier cité, qui ne doit pas être étranger au tir groupé la visant aujourd’hui, mais aussi un Edouard Balladur qui ne m’avait jamais paru aussi en verve. "L’icône va s’effondrer. Ne l’envoyez pas au front elle est nulle", a martelé le 20 mai dernier à l’Elysée même "sa suffisance", qui garde auprès de certains militants UMP une cote d’amour assez prononcée. Selon le journal Le Monde, en effet, c’est bien dramatique à constater, mais "Rachida ne peut assumer seule un débat". Cela, on s’en était déjà rendu compte, étant la seule porte-parole qui ne disait strictement rien lors de ses premières interviews, laissant faire Xavier Bertrand, dévoré lui non pas par un souci d’entraide, mais belle et bien par une ambition inextinguible. Démarrée dans l’ombre, la carrière de la dame manquait déjà fortement de lumière dès le début.
De l’ambition, la dame n’en n’aura pourtant pas manquée. Mais l’ambition ne fait pas le ministre, pour cela il faut avoir quelque savoir et beaucoup de patience. Tout l’inverse de notre garde des Sceaux, qui, cette semaine encore s’est vue privée d’un proche conseiller (Mathieu Hérondart, le directeur-adjoint de son cabinet), lassé, comme les dix autres qui l’ont précédé, de l’entendre crier dans le vide. Comme certains ont pu le moquer adroitement, ce n’était déjà plus un cabinet, mais bel et bien une cabine d’essayage. Ou l’annexe de France 3, le salon où l’on parle de tout et de rien, pourrait-on dire méchamment. Ou les abords d’une piscine d’un hôtel de l’île Maurice, ou encore le conseil de la mairie de Paris, qui ne semble pas trop accaparer ses membres... en y montrant sans vergogne un désintérêt flagrant pour la gestion de la capitale...
Rachida-la-consternante a surpris tout le monde avant-hier encore en prenant parti pour la décision de justice surprenante sur une annulation de mariage pour cause de non-virginité. A bien y regarder, ce n’est pas une surprise, venant d’elle. Rachida Dati, incapable de s’extraire d’une condition qui a pesé toute sa vie sur elle, à l’en morfondre et la marquer profondément, réagit de la sorte pour une raison extrêmement simple : elle aussi a connu personnellement un problème du même type. Celui d’un mariage annulé dont on a eu confirmation, après des rumeurs persistantes, dans son livre-interview, écrit par un journaliste devenu son conseiller... et déjà vite déguerpi lui aussi de son cabinet. "Un jour, j’ai accepté de me marier. Je me suis mariée, en fait, avec un homme avec lequel je n’avais rien à partager. Une connaissance, en Algérie, qui avait fait une demande officielle, l’été, pendant des vacances. (...) Je l’avais fait par abandon ; pour faire plaisir à ma famille, qui était tellement heureuse, pour ne plus être célibataire, ne plus subir de questions. Parce que j’étais une femme, et une femme, finalement, doit se marier... Parce que, depuis mon adolescence, je travaillais à me construire et j’ai cru, un moment, à tort, accomplir une autre étape... Parce que je pensais que c’était plus simple...", dit-elle, nous donnant la clé de sa position du jour, incompréhensible de prime abord. Pour elle, comme pour la jeune fille concernée, le mariage librement consenti était aussi une bouée de sauvetage, comme pour beaucoup de filles d’origine maghrébine soumises au diktat du mariage forcé. Il est étonnant que personne n’ait songé à relever cet élément dans les derniers propos entendus. Pourtant le livre existe et il s’est même plutôt bien vendu.
Aujourd’hui, son attitude face au problème posé est claire : Rachida Dati, au travers de la décision des magistrats de Lille, ne fait que revivre SON cas personnel. Selon elle, en effet, "la justice est aussi un moyen de protéger la personne" et "l’annulation de mariage est un moyen de se séparer rapidement". Certes, mais cela ne correspond-il pas trop à un douloureux vécu, tout ce qu’il y a de plus personnel, et non à une prise de position sensée et réfléchie : "Je me suis mariée et, aussitôt, j’ai voulu effacer cela. Immédiatement. J’ai demandé l’annulation du mariage, après une cérémonie où je m’étais rendue librement, mais comme malgré moi. Absente et effarée de ce que je faisais. Décidant, alors même que je disais « oui » à la mairie, que tout cela ne pouvait pas exister", dit encore notre ministre, en véritable midinette qui prend conscience de sa bourde le jour de la cérémonie seulement. Et qui mettra des années à s’en dépêtrer, en raison d’une jurisprudence tatillonne et lente pour laquelle elle garde une rancœur évidente, et qui explique aussi certainement l’énergie déployée à vouloir tant "réformer" une institution qui l’a... blessée."Cela m’a pris plusieurs années. Aujourd’hui, juridiquement, c’est comme si je ne m’étais jamais mariée". L’aveu tardif du mariage raté de notre garde des Sceaux explique complètement sa position actuelle et en même temps démontre avec éclat son incapacité à s’extraire d’elle-même pour un cas qui pourtant le demande expressément. Juger, c’est tout sauf se mettre en cause soi-même : sinon, on le sait, les prétoires deviendraient des saloons où l’on réglerait tout façon OK Corral. Or, à l’évidence, sur ce cas précis, Rachida Dati fait fausse route en confondant vie publique... et République.
Et c’est bien là le problème depuis toujours de dame Dati : une façon de voir par le petit bout de la lorgnette, qui lui fait remplir à tour de bras les prisons en pensant résoudre tous les problèmes de la société. Et en se fichant ouvertement des chiffres de remplissage des prisons à l’image de son mentor qui sort chaque semaine des chiffres nouveaux et inventés de son chapeau de magicien. Légère, et parfois court vêtue, notre Perrette a échafaudé toute sa vie un rêve devenu réalité, celui des "diadèmes sur sa tête pleuvant", et se trouve bien dépourvue maintenant que les regards froids arrivent. L’hiver s’annonce terrible, si tenté qu’elle soit encore à son poste en cette saison. Le journal Le Monde, encore lui, laissait entrevoir l’idée comme quoi c’était elle qui était à l’origine des rumeurs de remaniement ministériel l’expédiant à l’intérieur : peine perdue, l’idée n’a pas été retenue, vu le peu d’empressement des policiers à vouloir l’accueillir. Notre cigale véritable peut toujours tenter de frapper aux portes pour demander de l’aide... après avoir préféré hanter les magazines aux photos glacées, et ne pas être capable d’argumenter à l’Assemblée, celles de l’UMP se referment une à une devant elle. Ayant dépensé tout son argent (en cigares ?) la voilà aujourd’hui fort dépourvue, elle qui faisait pourtant si bien la bise...
La jeune belette de la Fontaine, qui s’était emparée un matin du palais d’un lapin en marchant allègrement sur les lois existantes, s’est un peu trop approchée du Grippeminaud. Souhaitant devenir elle-même Rachidagrobis, elle se sera fait dévorer en chemin, trop attirée par les ors du palais, d’ici ou d’ailleurs et par leurs carrosses. Fin en vue ou annoncée, donc, pour la belle fable octroyée aux Français par un président qui se comporte depuis son accession au pouvoir en monarque absolu. La Fontaine, qui s’y connaissait en courtisans et courtisanes, avait pourtant prévenu : ce n’est pas en répétant seulement ce que dit le roi qu’on s’impose :
Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
Seulement voilà, Rachida n’est pas un prénom normand, et notre ministre glamourette l’avait oublié, toute préoccupée à choisir une nouvelle tenue de soirée ou à refaire sa compil’ de Sylvie Vartan sur son i-Pod. A la cour du lion, seules les hyènes ou les vautours durent longtemps. Pas les gazelles, même celles courant au petit matin au Champ-de-Mars. Dans l’espoir d’imiter un peu plus encore le roi lion, parti depuis quelque temps déjà conter fleurette à une autre gazelle, celle-là chantante.
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