Un monde de fous. L’économie du 21ème siècle est une guerre froide financière
Barack Obama vient de réclamer 80 milliards de dollars pour financer les différentes opérations militaires des States. Dans quinze jours, le chiffre du chômage de mars sera annoncé. La FED a placé ses taux d’intérêt au plus bas. Et pour la première fois de sa longue histoire, la Caisse des dépôts affiche un déficit. Quel est ce monde de fous où nous vivons ?
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La récession se dessine après les couacs financiers de grande ampleur. Il n’y a pas d’échelle de richter pour mesurer l’ampleur des séismes financiers. En faut-il une ? Nous ne comprenons rien à cette crise sauf deux ou trois éléments bien tangibles. Le premier, c’est que les banquiers ont joué avec des crédits, des produits dérivés, des titrisations, des assureurs, et que la pyramide n’était pas solide. Alors les plus fragilisés sont tombés mais la plupart des institutions financières ont été rafistolées, un peu comme de vieux immeubles prêts à s’écrouler auxquels on applique des matériaux divers, poutres en aciers, injection de béton, rivets, etc. pour les empêcher de tomber. Les Etats ont largement contribué à renflouer les banques. Second fait visible, surtout pour les personnes concernées. Les licenciements, le chômage technique et le chômage endémique, notamment pour les seniors et les jeunes. La masse salariale entre dans la comptabilité des entreprises. Quand les temps sont durs, on limite les embauches.
Pourquoi cette situation ? Certains analystes ont vu juste, pointant l’économie de casino qui s’est greffée sur l’économie réelle. La concentration des liquidités a engendré un surplus de masse financière demandant des rendements conséquents. Or, c’est l’économie réelle, autrement dit, le retour après investissement, qui produit les profits dans un système vertueux. Pour qu’il y ait retour, il faut un équilibre, un juste rapport, entre la masse monétaire servant aux échanges de biens de consommation et la masse d’épargne et de liquidités permettant d’investir. Du coup, les capitaux en excès se sont déplacés sur un marché artificiel de spéculation, de produits dérivés, de crédits donnés imprudemment et dont le risque était revendus à d’autres. Or, cette économie étant découplée de l’économie réelle, elle ne crée par de richesse, elle est à somme nulle, sauf si elle siphonne l’économie réelle, ce qu’elle a réussi à faire et les Etats n’ont fait que soutenir et assurer en dernier ressort les pertes de ces jeux de casino.
Peut-on dire que cette crise ressemble à 29 ? Ayant assisté à une réunion organisée par les Verts à Talence, j’ai cru comprendre que la pensée dominante en économie (traduire la pensée des dominants) serait incarnée par B. Bernanke, actuel directeur de la FED et O. Blanchard, directeur économique au FMI. Ces deux là font la même analyse. La récession de dix ans des années 30 aurait été due à une mauvaise intervention de la banque centrale et à un manque de liquidités pour l’économie. Ouf, la leçon a été tirée, nous sommes sauvés, les banques renflouées et les taux d’intérêt des banques centrales sont au plus bas, pratiquement zéro pour la FED, alors l’économie sera relancée à une date prochaine, quand la croissance redeviendra positive. Grâce entres autres choses à du crédit à la consommation distribué à nouveau et aux fonds propres dont disposent les banques. Qui échaudées par la crise et la pollution du système financier par des produits toxiques, n’osaient plus prêter de l’argent de peur de choper quelque créance pourries du fait de l’interaction des opérations d’affaires et de l’opacité des produits dérivés. La belle époque de la ruée vers les contrats juteux, avec les primes pour les cadres, traders et autres courtiers, est révolue ou du moins mise en suspension.
Alors, je me pose une question et je ne devrais pas être le seul pour peu qu’on ait posé le problème comme je l’ai fait. Comment se fait-il que les Etats aient laissé glisser l’économie vers cette dérive toxique ? Rappelons que les premières bulles se sont placées sur les marchés boursiers, avec des krachs à répétition, notamment celui sur les valeurs des nouvelles technologies. Ensuite, bulle sur les marchés des produits dérivés et sur l’immobilier, avec les subprimes qui ont mis en difficulté les banques, et pas effet de domino, tous les prolongements sur les assureurs alors qu’une autre bulle s’était dessinée sur les matières premières. Un « économiste sensé », prenons le allemand ; dans ce pays où l’économie c’est du sérieux, de la production, de l’exportation ; jugerait qu’on est dans une économie de fous.
Et la question cruciale, qui décide que le système doit fonctionner ainsi ? Ce serait étonnant que le monde de la finance ait pu organiser toutes des opérations, ce jeu de casino, sans l’aval des autorités politiques. Essayez d’ouvrir un vrai casino, vous verrez le parcours du combattant auprès de l’administration, allez vendre ne serait-ce qu’un étalage de produits dans la rue que vous serez vite traqué par la police municipale, faites des enchères du Ebay que bientôt, le fisc va venir vous traquer après avoir obtenu votre IP et votre adresse. Pourtant, les autorités ont laissé s’installer ce casino géant mondial de la finance. C’est qu’il y avait quelque part un enjeu, un gain. Le ressort étant le risque, avec des opérations audacieuses et des produits pour assurer d’éventuelles pertes. Il existe une véritable culture des hussards de l’économie, des requins du risques et des affaires, formés aux meilleures écoles et notamment nos très réputés business school que sont HEC et l’ESSEC. Même les ingénieurs des grandes écoles se sont précipités vers la ruée sur la finance, espérant gagner le double qu’en « végétant » dans une entreprise à encadrer une production ou faire de la recherche. En fait, les marges de progression économiques des nations étant limitée, et la Chine devenant le pays exportateur du monde, les nations les plus avancées ont déplacé le jeu de la compétition économique depuis l’économie réelle, liée à la bourse et la culture d’entreprise, vers l’économie de casino tandis que les capitaines de la finance ont pris leur marge avec la bénédiction des Etats qui se sont servis de ces jeux financiers et notamment les Etats-Unis en première ligne. La guerre économique se jouait pendant la guerre froide sur la croissance et le progrès technique. Maintenant, c’est une partie de poker qui s’est ajoutée dans cette guerre qui permet tout de même d’engranger suffisamment de pognon pour financer la vraie guerre. Les Etats sont certainement derrière tout ça mais l’opinion croit que ce sont les financiers qui dirigent le monde. L’économie n’est pas tant libérale que nationale capitaliste.
Barack Obama vient de réclamer au Congrès 80 milliards de dollars pour différentes opérations militaires, et pas uniquement l’Irak et l’Afghanistan. Va-t-on dans le mur ? Nul ne sait mais la crise sociale s’aggrave et l’énigme de la démocratie, c’est de comprendre comment une minorité d’élites élues par les peuples gouvernent dans un sens contraire à l’intérêt du peuple ? Peut-être en scindant le peuple en différentes strates. Et en jouant sur les émotions, la peur, les divertissements anesthésiants. Il n’y a même pas de complot ni de direction centrale des opérations de gouvernances des âmes et de l’économie. Les complots, c’est une invention que les braves gens inventent pour ne pas voir qu’ils sont aussi responsables du système.
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