Zemmour contre Mélenchon : la France aux deux visages
Le débat annoncé entre Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon a tenu toutes ses promesses médiatiques. BFM-TV a cartonné (3,8 millions de spectateurs) en proposant un combat verbal d'anti-conformistes de circonstances pour muscler ses recettes publicitaires. L'opération a réussi, et France 2 en a fait les frais avec seulement un million d'aficionados pour visionner Valérie Pécresse, désormais conseillée par l'impayable député-maire de Chartres Jean-Pierre Gorges. Si la conception de la France défendue par Mme Pécresse est une déclinaison du saccage de la préfecture du 28 par son ultra-libéral édile (vie associative zéro, transports en commun réduits au minimum, centre-ville livré aux marginaux et aux bandes de jeunes, commerces qui ferment les uns après les autres), réjouissons-nous du peu d'intérêt des français pour cette politique sans vision collective ni perspective pour les jeunes.
Zemmour et Mélenchon ont, eux, cette volonté d'afficher un programme intégrateur soucieux de leur conception propre du patriotisme. L'un est souverainiste, l'autre est universaliste. Le premier se veut le défenseur d'une conception judéo-chrétienne de la France, l'autre affirme celle de la gauche sociétale proche du Grand Orient de France.
Le contenu du débat fut sans grande surprise. Les deux tribuns issus de la bonne bourgeoisie, autrefois amis, ont décliné leur conception de la société. Le danger musulman pour l'un, la "créolisation" de la France pour l'autre. Mélenchon drague les quartiers pauvres occupés par des populations afro-maghrébines davantage attachées à leur culture d'origine, leurs traditions et leur mode de vie qu'aux règles et coutumes de la république française. Zemmour parle aux centre-villes et aux campagnes déclassées où les classes populaires se sont réfugiées faute de mieux. L'un est "méchant" et "raciste", l'autre "refuse les réalités", "fait dans l'indigénisme".
Trois cents morts après les attentats islamistes, Mélenchon préfère parler "discriminations" et "police formée à respecter les gens". Les policiers de banlieue qui en prennent plein la figure et les propriétaires de voitures brûlées apprécieront. Il mouche cependant Zemmour sur un point : les lois giscardiennes (donc de droite) qui ont permis le regroupement familial des immigrés ; en omettant que le but de la manoeuvre était de faire consommer sur place l'argent difficilement gagné au détriment de l'économie des pays d'origine. Il rappelle aussi la politique du patronat français de bas salaires par le recours à l'immigration (une logique dénoncée en son temps par Karl Marx).
Sans politique d'intégration, dans un pays qui a perdu des millions d'emplois en quarante ans, comment pouvait-on "embourgeoiser" les nouvelles populations ? Zemmour parle du "jihad" des délinquants nord-africains, du "pillage", des "viols"(!) mais il ne propose aucune solution concrète au problème, dont ses amis politico-financiers sont en partie à l'origine (le communautarisme, les monopoles etc. voir L'autre Zemmour de Youssef Hindi sur la question).
Zemmouristan contre Bisounours city
Puis le combat de coqs a finalement lieu. Pour Mélenchon, son adversaire veut le "zemmouristan" saoudien : peine de mort, rabaissement des femmes, châtiments envers les homosexuels. Zemmour le mouche à son tour en rappelant que c'est ce qui se passe déjà dans nos banlieues où Jean-Luc cherche à pêcher ses électeurs. Car l'insoumis ne voit dans les quartiers populaires que diversité, vivre-ensemble, mosaique ethnique, une conception issue directement de l'universalisme bisounous des loges maçonniques de gauche. Naiveté et/ou cynisme d'un côté, radicalité de l'autre, on attend toujours des propositions concrètes sur l'immigration choisie, la lutte contre les trafics et une politique du logement plus accessible aux classes moyennes, les grandes perdantes du passage à l'euro.
A défaut de faire lapider les femmes adultères, Zemmour aborde aussi sa conception droitiste de l'économie : moins d'assistanat, moins d'impôts. Il reste un libéral-conservateur peu soucieux de la redistribution des profits. Mélenchon parle du climat, d'emplois nombreux dans le développement durable, essaie de tracer des perspectives pour l'avenir et finit mieux le débat qu'il ne l'a commencé.
Mais ce spectacle médiatique, commes les joutes Tapie/le Pen il y a trente ans, n'apporte rien d'original. C'est la gauche bobo contre la droite saumon. L'ex-sénateur PS contre l'employé de Bolloré. Et le petit peuple dans tout cela ?
Que sont devenus les gilets jaunes éborgnés dans les manifs ? Qui défendra les prolos, les ouvriers, les précaires, les jeunes ? Qui se soucie de ces SDF qui squattent le métro parisien quand des rentiers possèdent des quartiers entiers ? Sans parler des ces migrants, enjeux de politique intérieure, issus de pays détruits par les amis de Zemmour/Mélenchon ?
Qu'elle est loin, l'époque de l'ouvrier-tourneur Georges Marchais (PCF), du général de Gaulle, des partis qui défendaient des classes sociales et non des ethnies. Essayons de positiver, avec la lucidité retrouvée d'un Fabien Roussel, la renationalisation de l'énergie qui sort du tabou, la "gaullisation" du rassemblement national, le développement du souverainisme économique qui redevient un enjeu, surtout après l'affaire des sous-marins.
L'Histoire n'est jamais finie. On attend surtout un sursaut des jeunes ; l'espace médiatique ne doit pas être réservé aux mandarins des chaines infos...
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