• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Julie6

sur Sarkozy peut-il perdre ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Julie6 (---.---.78.205) 14 avril 2007 00:07

Le 24 frimaire an VIII, dans une proclamation franche, courte, claire, énergique, qui lui ressemble, Napoléon Bonaparte annonce à la Nation française que « la Révolution est finie ».

A l’heure où Napoléon redevient « politiquement incorrect » ce « finie » sonne visiblement la mort de la République, et pourrait s’interpréter comme une déclaration de guerre brutale d’un dictateur haïssable, d’un corse bas sur jambes, jetant à 30 ans le manteau de Matamore pour revêtir le costume de César.

Incontestablement, la guerre civile ouverte par la Révolution de 1789 débouche sur une dictature militaire, consulaire, avant d’être impériale. Un coup d’Etat qui met fin à la fragile tentative parlementaire...Et qui peut être explique le peu d’empressement de nos élus actuels à fêter le bicentenaire d’Austerlitz en 2005. N’a-t-il en effet pas suffit que d’un pamphlet pour qu’on compare impunément Napoléon à Hitler ?

Oui, impunément, car ce ne sont pas les arrières grands parents des compagnies SS qui ont emporté la décision à Austerlitz, mais les enfants des Droits de l’Homme et du Citoyen. Quand en 1799, Napoléon réalise son coup d’Etat, c’est le Fils de la Révolution que saluent les Français.

Pour comprendre en effet l’issue de cette guerre civile qui débouche sur le choix de l’homme fort et populaire, et non celui de « bon goût », policé par le microcosme parisien et la philosophie des salons, il faut entrer dans les profondeurs de cette France de l’automne 1799, qui est, et c’est rassurant pour notre propre avenir, encore bien plus en dessous que notre France actuelle.

Pour faire court, dix années de guerre civile avaient fait stagner les forces productives, paupérisé les masses, et enrichi de manière insolente une poignée de spéculateurs. La valeur du commerce extérieur avait diminué de moitié (un peu normal, puisque nous faisions la guerre à l’Europe), la production sidérurgique et de la soie avaient chuté d’un gros tiers, et celui de la laine, de moitié. La démographie ne va pas mieux : non seulement on ne fait pas trop d’enfants (au risque de le voir pris dans la guerre sur le front), mais en plus un million de personnes sont parties ! Sur le plan agricole, la conjonction de l’inflation et du « maximum » ont entraîné la restauration d’un commerce de troc. L’industrialisation est en berne. Le taux de mortalité s’intensifie. Le nombre de suicidés atteint des records. Les « chômeurs » prennent de l’ampleur...Et faute d’aides étatiques, le citoyen remit à lui-même pour vivre...Sombre dans le brigandage. Dans les campagnes, la « fermocratie » des coqs de villages, dont beaucoup étaient d’anciens seigneurs provinciaux, avait repris tout son lustre. S’ajoutait à cela une situation catastrophique sur le plan religieux, les campagnes défendant en général leur curé, Paris (et donc le gouvernement) réclamant de leur coté un respect inconditionnelle à la Constitution civile du clergé. La seule qui semblait avoir vraiment bénéficié de la Révolution, était la classe dirigeante. Terre, emplois publics, et mandats électifs : telles étaient les trois mamelles de la notabilité.

Comme aujourd’hui, frustrations et immobilisme avaient fait le lit des extrémismes. Depuis 1795, la France présentait l’étrange spectacle d’une République au gouvernement faible et divisé, glissant peu à peu (sans visiblement s’en rendre compte) vers l’anarchie intérieure alors que dans le même temps ses atouts, qui n’étaient pas minces (et ne le sont toujours pas aujourd’hui) en faisait une puissance conquérante, capable de planter le drapeau tricolore beaucoup plus loin qu’aucun roi de France ne l’avait fait. Bref, tout poussait les Français à se révolter contre la République...Et à regarder dans le même temps, avec attention, ce général vendemaire, qui semblait être la seule lueur d’espoir pour la France.

Que voulaient les Français ? L’ordre et la tranquillité. Or, la République ne tenait pas ses engagements. A Paris, on cherchait un autre Robespierre, mais avec de meilleures manières, en la personne de l’orateur Babeuf. En province, le parti royaliste, profitant des difficultés du pays, incitait à la Contre Révolution...Dans l’espoir de faire oublier à cet « insolent » Peuple, 1789. La République, débordée par ses divisions, s’avérait incapable d’imposer une conscience des intérêts communs.

La question de savoir si le coup d’Etat du 18 brumaire était fatal, ne se pose pas. Même si ce régime de compromis, qui ressemble étrangement à celui d’aujourd’hui, ne comportait pas que des défauts, même si la qualité de ses représentants et la qualité des débats peut éveiller admiration, la désaffection du Peuple à l’égard d’un régime politique jugé incapable de gouverner ne pouvait que servir celui qui saurait lui parler, et lui démontrer qu’il était capable de le sortir du chaos.

Roi de la Révolution française, Napoléon n’est pas un dictateur, il est celui qui, comme à chacune de nos guerres civiles, sait tirer les leçons d’une situation pour en faire triompher les plus probables issues.

Et en l’occurrence, il était le seul à l’avoir tiré...Avant qu’un autre fasse le même diagnostic : Louis XVIII...Mais avec moins de pertinence. Un peu comme De Gaulle en son temps. En 1958, il était clair pour les Français, que ni Guy Mollet, ni Pierre Pflimlin, n’auraient été à la hauteur. Que le seul candidat plausible s’appelait Charles De Gaulle.

Evidemment, et c’est étonnant comme on retrouve les mêmes propos acides, envers l’un comme envers l’autre, les bien pensants ne virent dans ces choix que des lubies françaises.

Et pourtant. Quand Napoléon arrive au « pouvoir » il entend réformer la France...Et le Peuple lui donne les moyens pour cela...Son soutien infaillible...Et son aide. Bonaparte impose vingt cinq centimes additionnels. Le Peuple ne dit rien. Bonaparte impose une monnaie, le franc germinal, à tout le pays. Pas un bruit. Bonaparte impose le Concordat. Il récolte un soutien sans faille. Bonaparte exprime son désir de continuer à avoir la conscription. La France accepte.

Pourquoi cette si grande adhésion à un homme ? Parce que Napoléon a compris que ce qu’il fallait à la France, c’était du verbe, de l’action, des mots, et des actes.

Du verbe...Pour donner aux Français l’optimisme nécessaire à tout redressement. Par ailleurs, fils de la Révolution, mais aussi sujet du dernier roi de France, Napoléon sait qu’on oublie pas comme çà 1000 ans de royauté, d’autant plus si le roi était considéré comme personne sacrée. D’où ce « roman » des batailles napoléoniennes...Mais accompagnées du drapeau tricolore...Comme si Napoléon voulait démontrer que le pouvoir qu’il détenait provenait uniquement de la Nation...Et qu’avec ce symbole, elle l’accompagnait dans toutes ses expéditions.

Des actes...Bonaparte aura beau multiplier les actes arbitraires et créer une noblesse dotée par l’Etat, la force de son emprise sur la Nation viendra toujours de ce fait qu’il restera le délégué de la souveraineté populaire pour faire et faire respecter la loi, une loi identique à tous les citoyens. Bref, Napoléon c’est un peu le « Louis XIV démocratique » comme le sera, d’ailleurs, à sa manière, le Général De Gaulle...Les actes arbitraires en moins, et le référendum en plus.

Des mots...Le moins qu’on puisse dire, c’est que Napoléon ne fait pas les choses à moitié. Et quand il arrive au « pouvoir » c’est avant tout pour démontrer à tout un chacun que lui, petit soldat, peut faire ce que ni un roi, ni des « philosophes » n’ont su faire...Et peut être, aussi, sans doute, pour remporter un défi personnel : celui d’égaler voir de surpasser son idole, un certain Jules César, dont on peut dire, sans méjuger, qu’il fut son grand inspirateur. Comme son but c’est de gouverner, et non de « durer », Napoléon n’y va pas de main morte, et établi un programme, clair, précis, déterminé, et surtout compréhensible par tous « D’un capitaine jusqu’au dernier tambour » : « nous avons fini le roman de la Révolution : il faut en commencer l’histoire, ne voir que ce qu’il y a de réel et de possible dans l’application des principes, et non sur ce qu’il y a de spéculatif, et d’hypothétique. Suivre une autre voie, cela serait philosopher, et non pas gouverner. »

Des actions...En quelques années...On dirait aujourd’hui un quinquennat...sont prises les mesures de « bon sens » qui vont remettre la France en ordre. Première et urgente nécessité : rétablir des finances publiques saines. Au dix huit brumaire, il ne restait que...cent soixante dix sept milles francs (autant dire rien). Estimant que la dette publique est un malheur et que l’emprunt, moyen immoral d’anticiper sur les recettes et source funeste de charges supplémentaires, doit être banni, il jette en quelques mois les bases d’une organisation capable d’assurer la rentrée régulière et rapide des impôts, et surtout de garantir la sécurité du recouvrement. Quinze jours après le coup d’Etat, est crée la Direction Générale des contributions directes. Des fonctionnaires pénètrent dans ce nouveau lieu, et sont jugés, pour leur avancement, sur un critère d’efficacité. En séparant le Trésor et les Finances, Bonaparte donne à l’un la charge de la prévoyance, à l’autre celle de l’action...Une situation qui ne fut pas sans dommage par la suite...Mais qui marche très bien en 1799, car Bonaparte veille.

Résultat ? Dès 1802, le budget est en équilibre et les frais de fonctionnement du système financier, essentiellement constitués des salaires des fonctionnaires...Et ne représente plus que 3,5% du total des recettes ordinaires. (Contre 15% auparavant)

Autre leçon de bon sens apprise par Bonaparte : la Monarchie ayant sombré, asphyxiée par ses dettes, et que la Révolution avait été ensevelie pour cause d’assignats, il fallait rétablir une monnaie stable. Ce fut le germinal qui dura jusqu’à la Grande Guerre !

Pour Napoléon, il s’agissait de respecter quelques règles de bon sens : quelles étaient elles ? Donner des garanties à la propriété, et une certaine sécurité à l’économie. Mais comment faire pour redonner confiance à des investisseurs qui regardaient d’un mauvais œil cette France pas si lointainement révolutionnaire ? En faisant marquer sur les pièces son effigie, marque de l’autorité, donc du retour à l’ordre. Message bien compris, puisque quelques semaines plus tard, la monnaie fluctuante française prenait soudain de la valeur en devenant le franc germinal. Restait à ranimer le crédit. Ce fut le rôle de la banque de France...A qui Napoléon, en politique qui se respecte, su donner l’exemple, en s’y rendant pour prendre trente actions. Succès assuré ! En 1814, l’ensemble de la population française ne regardait plus avec méfiance ces billets de papier...Ce qui pour le coup était une petite révolution en soi ! En 1807, la Cour des Comptes était rétablie, avec les fonctions qu’on lui connaît. Un cadastre de toutes les terres du pays était de même mis en place. Deux cents furent enregistrés en 1808...Elles étaient cinq milles à figurer dans les registres, en 1811 ! Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en ces temps, on perdait moins de temps qu’en nos septennats et quinquennats d’aujourd’hui ! Dans le même temps, sortait en 1806 le Code des Procédures, en 1807 celui d’instruction criminelle. Et mieux encore...En 1804, celui de l’immense travail sur la Réforme de la Justice...Le fameux Code Civil ! Et pour ce qui concernait la question religieuse...Napoléon s’en était occupé dès 1801...En signant le Concordat avec le Pape...Qui ne sera remis en cause qu’en 1905 ! L’éducation, elle aussi, bénéficiait du passage au pouvoir de Napoléon, en étant réformée dès 1802, et 1806 avec l’apparition des Universités ! Floraisons de réformes, à une époque où pourtant, dès 1803, l’hostilité entre la France et les autres pays européens, reprenait de l’ampleur.

La France a peut être besoin d’un Bonaparte, mais aussi d’un Talleyrand pour calmer son « dynamisme ».

Nicolas Sarkozy n’est pas le diable, ni même un ange. Il est certain que d’une certaine manière, ne serait ce que pour enfin être « reconnu » par Chirac, il s’efforcerait de tenter de faire ce que ne su faire chichi.

Toutefois, il est évident que Monsieur Sarkozy, en dépit de son art consommé de la « communication », et de ses « actions » énergiques, qu’il partage avec l’Empereur, serait incapable de réformer notre France.

En effet, Napoléon Bonaparte avait la confiance de l’intégralité des Français...Sarko fait peur...Et donc peut se retrouver très facilement avec une cohabitation, et une charmante premier ministre nommée Royal.

Par ailleurs, Napoléon avait une ligne directrice. Il savait ce qu’il voulait pour la France, avait une grande connaissance des Français et de leur « fonctionnement », et surtout, quoi qu’on en dise, était un enfant du Peuple.

Enfin, si l’on en juge par les propos de Monsieur Sarkozy, Napoléon et lui n’ont pas en commun les lectures « politiques ». Visiblement, le cher Nicolas est un adepte de Machiavel, là où le coeur de Napoléon penchait vers Jules Cesar.

La France a besoin de quelqu’un qui sache comment la réformer. Nicolas Sarkozy veut utiliser le forcep. La France ne peut lui faire confiance.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès