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Commentaire de Asp Explorer

sur Savez-vous ce qu'est le libéralisme ?


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Asp Explorer (---.---.82.42) 20 juillet 2006 20:06

Voici une utile mise au point sur la théorie libérale. Utile, mais comme l’ont relevé certains, et comme vous-même semblez le toucher du doigt, cette démonstration des bienfaits du libéralisme est peu convaicante dans le contexte actuel, essentiellement pour des raisons sémantiques.

Comme vous le remarquez vous-même, le débat public se focalise sur l’aspect économique du libéralisme. L’épithète « liberal », dans l’univers français (c’est bien différent chez les anglo-saxons), désigne un partisan de l’autorégulation de l’économie, et c’est tout. Ceci est compris ainsi par les antilibéraux, mais aussi par les libéraux, car lorsque M. Sarkozy parle de sa « rupture » libérale, il n’a certainement pas en tête la protection de la liberté individuelle, le droit à résister à l’oppression, l’égalité des droits ou la recherche du bonheur. Le fait est qu’en traversant la Manche, la théorie libérale a oublié une bonne partie de la vision du monde dont elle était porteuse - probablement la meilleure part, d’ailleurs.

S’il ne reste du libéralisme que le libre-échangisme, il ne faut pas s’étonner que les Français y soient si opposés, car cette manière de concevoir l’économie est issue de la culture anglo-saxonne, et se trouve parfaitement adaptée à son milieu d’origine. En effet, l’anglo-saxon moyen (ou en tout cas, l’anglo-saxon idéal tel qu’il se conçoit lui-même à partir de ses valeurs dominantes) présente des singularités de comportement et de culture : il est respectueux des lois, accorde une importance prépondérante à la valeur individuelle des personnes, et dispose de l’esprit de compétition. Dans de telles circonstances, effectivement, il est avantageux de se dispenser de règlementations économiques « superflues », le tissus social s’auto-régule de par la qualité intrinsèque de ses membres.

Ce que les anglo-saxons ont du mal à concevoir, c’est qu’ils sont en fait assez singuliers, et que la plupart des autres peuples du monde ne correspondent pas à ce portrait, ne partagent pas ces valeurs. Ainsi, les Français se caractérisent par l’aspect clanique de leur société : on appartient à un groupe, une tribu, une caste. Pour faire carrière, posséder des qualités professionnelles est moins important que d’avoir fait la bonne école, de fréquenter les bons cercles. La réussite financière n’a pas non plus la même importance, d’ailleurs, on évite de parler d’argent. La CONSIDERATION est plus importante. On préfère avoir un grand bureau qu’un gros salaire, ce qui importe, c’est la façon dont vous êtes perçu par les autres. Enfin, le Français est roublard, il considère les lois plus comme une sorte de guide indicatif que comme des règles absolues, et de toute façon, compte-tenu des qualités proverbiales des institutions judiciaires, ces lois ne constituent en rien une protection contre l’arbitraire.

Si l’on appliquait la recette du libéralisme économique sur ce canevas, qu’obtiendrait-on ? Assez rapidement, une catastrophe. Chacun se replierait sur son réseau, son clan, au mépris des qualités individuelles. Chacun se retrancherait sur son petit pavillon, son pré carré, aux dépens des plus faibles. Chacun préfèrerait épargner « par précaution » que risquer son argent dans des investissements productifs. La corruption deviendrait la règle. Pour ceux qui n’appartiendraient pas au « bon camp », ne resterait pour s’en sortir que la violence et la crapulerie. Le pays sombrerait durablement dans la stagnation, la paupérisation de la jeunesse, et le gâchis des énergies que ce même libéralisme était sensé libérer. Notez que j’emploie le conditionnel, mais je pourrais tout aussi bien employer le présent, tant le mal semble s’être rapidement répandu depuis qu’on nous a imposé, de droite comme de gauche, des « réformes douloureuses mais nécessaires ».

C’est pour se prévenir de tels penchants que les Français se sont dotés au cours des siècles d’une bureaucratie que d’aucuns considèrent étouffante, mais qui est en fait relativement efficace dans son rôle : rétablir l’égalité des chances entre les citoyens. L’Etat protège les faibles. Si les Français y sont attachés, c’est parce que cet Etat fort et centralisé est nécessaire au pays, qui n’est pas conçu pour fonctionner sans lui. Et contrairement à ce qu’il est à la mode de vociférer ici ou là, la France n’a jamais été un pays socialiste ou communiste. La France est un pays Français, plein de Français, qui sont à juste titre soucieux de leur avenir et attachés à leur héritage politico-économique, avec lequel il me semble particulièrement aventureux de vouloir faire « rupture ».


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