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Commentaire de Françoise

sur Israël-Liban : même combat ?


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Françoise 21 juillet 2006 18:32

ces articles viennent compléter celui de Joseph Bahout, chercheur, politologue libanais et enseignant à Beyrouth qui analyse les bouleversements au Liban :

« La population va demander des comptes au Hezbollah »

Joseph Bahout, politologue libanais et enseignant à Beyrouth, est actuellement dans la capitale libanaise, où Libération l’a interviewé par téléphone.

Qu’est-ce qui a poussé le Hezbollah à agir, et s’attendait-il à une telle riposte d’Israël ?

Le Hezbollah a fait un mauvais calcul : il a considéré que l’armée israélienne était embourbée à Gaza dans l’affaire du soldat enlevé. Il a voulu apparaître comme la principale force arabe capable de s’opposer militairement à Israël, alors que Gaza était bombardé quotidiennement et que tout le monde arabe se taisait. Deuxième facteur : l’enlèvement des deux soldats israéliens à la frontière intervient dans un contexte global de négociations irano-américaines sur le nucléaire (lire page 7). Téhéran a jugé opportun de montrer sa capacité de projection loin de ses frontières, au Proche-Orient. Il y a un troisième élément, d’ordre syro-libanais : le réveil des tensions régionales fait passer au second plan l’enquête et le tribunal international sur l’assassinat de Rafic Hariri. Mais, franchement, je ne pense pas que le Hezbollah s’attendait à une telle réaction. Tous ceux qui ont entendu l’allocution télévisée de Hassan Nasrallah, vendredi, ont noté sa quasi-surprise : il avait parié sur une opération limitée d’échanges de prisonniers et se retrouve avec une guerre totale. La question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir si Israël attendait que le Hezbollah commette une faute pour appliquer son plan. Car le vrai but de cette guerre est clair désormais : il s’agit de changer les règles du jeu en vigueur avec le Hezbollah depuis le retrait israélien en 2000 et d’appliquer par la force la résolution 1 559 de l’ONU, qui prévoit son désarmement.

Le Hezbollah est-il menacé dans son existence même ?

Ses infrastructures sont endommagées par les bombardements dans la banlieue sud de Beyrouth, mais il est difficile d’évaluer le niveau de ses pertes : plus aucun cadre du Hezbollah ne répond au téléphone. Malgré le bombardement de Haïfa, je suis étonné par la « faiblesse » de la riposte au vu de l’arsenal supposé du Hezbollah. Est-ce que les Israéliens ont détruit les stocks d’armes longue portée, le Hezbollah a-t-il bluffé ou se réserve-t-il pour une étape ultérieure ? En tout cas, on est dans la même configuration qu’en 1982 avec l’OLP : le but est d’annihiler la capacité de nuisance du Hezbollah. Techniquement, c’est plus difficile, car le Hezbollah a une assise populaire importante, et son infrastructure militaire est très peu territorialisée. Cela va donc être long et très coûteux. Politiquement, le Hezbollah risque de sortir affaibli si Israël ne s’assoit pas à la table des négociations pour récupérer ses deux soldats. Or, on voit mal Israël le faire. Aujourd’hui, le Hezbollah est mis à mal par rapport à la population libanaise, qui va demander des comptes sur le bien-fondé et le prix de la résistance à Israël.

Qu’est ce qui l’emporte chez les Libanais, colère contre le Hezbollah ou solidarité face à Israël ?

Le premier sentiment a été une très grande rage vis-à-vis du Hezbollah d’avoir été entraîné dans la guerre. Il ne faut pas oublier qu’on est au début de la saison estivale, au cours de laquelle les Libanais engrangent l’essentiel de leurs revenus. Mais plus l’opération dure, plus elle fait de dégâts matériels et humains, et plus il y a un sentiment de révolte face à la disproportion des représailles israéliennes. Reste que le Hezbollah a beaucoup perdu en termes de solidarité.

Même chez les chiites ?

C’est à ça qu’Israël travaille en martelant le Sud et en poussant vers Beyrouth des dizaines de milliers de personnes.

Y a-t-il à terme un risque de guerre civile ?

Ce n’est pas exclu. La condamnation très dure par l’Arabie Saoudite du Hezbollah porte en germe les ingrédients d’un conflit entre sunnites et chiites. Beaucoup dépendra de l’attitude du gouvernement. Jusque-là, il a réussi à résister à deux pressions : celle des Américains, qui demandent une condamnation du Hezbollah, et celle du parti chiite, qui a exigé un soutien sans conditions. Le prix de cet équilibrisme est une non-position, seul gage du maintien fantomatique du gouvernement. Reste à savoir si les parties les plus radicales du Mouvement du 14 mars [hostile à la présence syrienne au Liban, ndlr] ne vont pas faire pression pour que le gouvernement se range à la position américaine.

Quel rôle joue la Syrie dans cette crise ?

Pour l’instant, elle se tait. Elle en recueille les bénéfices, puisqu’elle n’est plus au coeur des préoccupations internationales. Il y a même une sorte de cynisme réjoui des Syriens à constater que les Libanais qui veulent quitter leur pays doivent passer par chez eux. Mais la Syrie sait aussi qu’à terme, elle sera très affaiblie si la capacité de nuisance du Hezbollah est réduite à néant. Elle perdrait son principal moyen de pression régional.

Et l’Iran ?

Là aussi, désarmer le Hezbollah reviendrait à ôter à Téhéran l’un de ses atouts essentiels dans son bras de fer sur le nucléaire avec les Etats-Unis. On peut d’ailleurs penser que toute cette affaire est une guerre par procuration entre les Etats-Unis et l’Iran. Si Israël attaquait son allié syrien, il y a tout le lieu de penser que Téhéran répliquerait : les deux pays ont signé il y a un mois un traité de défense, et le président Ahmadinejad a fait des déclarations dans ce sens il y a deux jours. Reste à savoir par quels moyens : missiles longue portée ou pont aérien vers Damas ?


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