• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Henri Masson

sur Des brèches dans le mur de la désinformation


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Henri Masson (---.---.204.140) 26 juillet 2006 08:16

Et voilà la « formation scientifique » que se manifeste à nouveau !

L’acharnement de l’« explorateur » à motiver son rejet de l’espéranto a quelque chose de pathologique. Il ne démontre rien d’autre que sa mauvaise foi. Contre l’espéranto au départ — et on ne sait trop pourquoi, et le sait-il lui-même ? —, il s’efforce ensuite de broder des motifs autour de ce postulat alors que toute personne mentalement équilibrée cherche d’abord à s’informer, à étudier l’histoire de la langue, à l’expérimenter (ce qui est la moindre des choses pour un scientifique !) et à se faire ensuite un avis. Ce comportement s’apparente au négationnisme.

Ah la science, qu’elle était belle ! La voilà qui devient amusante !

Et comme c’est plaisant d’être comparé à Goebbels ! Quelle gentillesse ! Quel gentil Hess !

A propos de Goebbels, lorsque Reynard Heydrich, le remplaçant d’Himmler comme chef de la police politique, avait demandé la dissolution de toutes les associations d’espéranto et la confiscation de leurs biens, il avait tenté de freiner son ardeur en répondant prudemment, le 23 octobre 1935 : ”Parmi les millions d’adeptes de l’espéranto à l’étranger, il s’en trouve certainement un très grand nombre qui sont apolitiques et qui ne voient la promotion de l’espéranto qu’en tant qu’idée. Pour une activité à leur avis tout à fait anodine, telle que l’est certes l’apprentissage d’une nouvelle langue, ces gens recevront l’impression que de telles associations sont persécutées même en Allemagne. Les innombrables pamphlets que les unions d’espéranto diffusent à travers le monde montreront naturellement cet avis. La presse étrangère utilisera cette occasion pour faire de la propagande contre l’Allemagne”. (La dangera lingvo, Ulrich Lins, Bleicher Verlag, 1988, p. 116)

Le 17 mai 1935, Bernard Rust, ministre de l’éducation du 3ème Reich, avait interdit l’utilisation des locaux scolaires pour l’enseignement de l’espéranto, précisément ce qu’avait fait, le 3 juin 1922, le ministre de l’instruction publique Léon Bérard, alors que le gouvernement français, s’opposait à tout débat sur l’espéranto à la Société des Nations (le français était déjà en perte de vitesse comme langue diplomatique). Avec leur conception tout à fait particulière de la communication entre les peuples, les nazis avaient donc bien assimilé la leçon de la France sur le choix d’une langue « adéquate » pour cet usage. Les motivations de Bernhard Rust : “L’attention soutenue aux langues auxiliaires artificielles mondiales telles que la langue espéranto n’a pas de place dans l’État national-socialiste. Son utilisation mène à l’affaiblissement des valeurs essentielles du caractère national. C’est pourquoi toute accélération de l’enseignement de telles langues est à éviter ; les classes d’enseignement ne doivent pas être mises à disposition dans ce but.” (Décret du 17 mai 1935)

J’ai écrit : quel gentil Hess !

Ceci pour dire que le dauphin d’Hitler, Rudolf Hess, avait donné son avis sur l’espéranto au journaliste suisse Hans Unger : « L’espéranto est une salade linguistique absolument inacceptable issue d’un cerveau juif ; mais ce n’est pas le seul obstacle, du moins à mon point de vue. L’Allemagne est une grande puissance, et ses idées, où son idéologie, vainquent peu à peu le monde entier - au moins l’Europe. C’est sans doute NOUS, et notre Führer, non point les fantaisistes, qui organiserons ce continent, qui créerons la »Paneurope« , cet état fédéral européen auquel ont vainement rêvé les générations passées... Naturellement, nous devrons alors avoir une langue pour toute l’Europe. Ce sera l’allemand ! Des linguistes allemands ont déjà créé une langue simplifiée que nous avons baptisée »Weltdeutsch« . Nous n’avons pas besoin de la salade linguistique artificielle mélangée par un juif polonais, car nous avons une charmante langue naturelle dont la vie et l’évolution sont garanties par le vigoureux peuple allemand. L’espéranto est un dangereux jouet de fantaisistes. Et puisque nous vivons la vie réelle, nous devons le combattre par tous les moyens, pour qu’il ne tourmente pas les têtes ».

(Germana Esperanto-Revuo, n° 1967, p 5)

Les références de tout ce que j’ai écrit existent alors que l’« explorateur » essaie de puiser ci et là des éléments de mon article qu’il interprète de travers.

Par exemple le nombre de congressistes.

Il y a aujourd’hui pas moins de 250 congrès et rencontres d’ampleur diverses à travers le monde. Elles étaient quasi inexistantes sur quatre des cinq continents à part des pays tels que le Japon ou le Brésil. En Afrique, où il y a beaucoup d’espérantistes, alors que l’implantation de l’espéranto y a été tardive et y est freinée par le manque de moyens financiers et beaucoup d’autres préoccupations particulièrement pressantes, très rares sont ceux qui peuvent se rendre à Florence et même à des congrès se tenant dans d’autres pays du continent africain, ceci pour des raisons de coût des voyages. Un congrès se tiendra dans quelques jours pour la première fois au Burundi, du 7 au 10 août, au Lycée Kuninga de Rumonge, au bord du Lac Tanganyika. Au Népal, la 7ème rencontre internationale himalayenne aura lieu en 2007 du 26 février au 10 mars pour ne pas gêner la participation, pour ceux qui en ont les moyens, au congrès asiatique qui aura lieu en Inde. Le premier congrès mongol d’espéranto ne s’est tenu qu’en 2002, et l’une des figures les plus emblématique du mouvement dans ce pays fut le professeur Yöngsiyebu Rintchen (1905-1977), linguiste mongol, membre de plusieurs académies scientifiques, éminent spécialiste des langues finno-ougriennes, traducteur (russe, français, allemand, polonais, tchèque et espéranto vers le mongol). Il fut l’une des personnalités mongoles les plus connues hors de son pays. Son avis sur l’espéranto en vaut sans doute bien d’autres : « L’espéranto - mon avis - joue un rôle toujours plus grand dans la traduction des oeuvres littéraires dans les langues asiatiques. J’ai moi-même traduit de l’espéranto en mongol, entre autres, les fables d’Andersen. Après achèvement des travaux de traduction de Pan Tadeusz [Monsieur Thaddée], pour lesquels la traduction en espéranto de cette oeuvre m’aide beaucoup, je m’efforcerai par l’intermédiaire de l’espéranto de faire avoir au lecteur mongol encore d’autres oeuvres de la littérature polonaise éditées en Langue Internationale. »

En ce qui concerne les congrès, n’y a que l’embarras du choix pour les calendriers (certes, ils se recoupent plus ou moins) :

http://www.eventoj.hu/2006.htm

http://www.esperanto-france.org/kalendaro/

http://www.esperanto-turismo.com/index.php?go=kalendaro

http://www.aliaflanko.de/kalendaro.php

http://gxangalo.com/modules/piCal/index.php?caldate=2005-7-15&PHPSESSID=89341823c137222eee3d0da59882bf13 (vu la longueur de cette adresse, j’ai créé le minilien http://minilien.fr/a0jv6i )

http://www.kava-pech.cz/article-arangoj2006e-esperanto.html

Bon, à part ça, je n’ai pas de références !!! smiley)))

Et que dire de pays tels que la Roumanie, où l’espéranto a vécu dans la clandestinité depuis 1928 jusqu’à la mort de Nicolae Ceauşescu (1989) alors que ce pays a donné de grands noms à la langue et aurait pu en donneer bien d’autres : Andreo Cseh (tché), Tiberio Morariu, Fischer-Galati... ?

Bien sûr, tout ceci ne peut en rien favoriser l’évolution mentale d’un individu borné.

Pour terminer sur un sourire, c’est à l’industriel Henri Fischer, qui représentait neuf cents espérantistes roumains au congrès universel de Dresde en 1908, que nous devons l’anecdote suivante. Il rapporta alors une expérience personnelle vécue en 1903 :

“Au cours d’un voyage vers l’Extrême-Orient, j’avais pris place dans le wagon-restaurant du train de Bucarest à Constantinople. A peine installé, je remarquai un voyageur qui essayait en vain de faire comprendre au garçon ce qu’il désirait. Ce dernier mit en pratique ses connaissances linguistiques ; il parlait le roumain, le serbe, le turc, le bulgare et le russe. Hélas, l’étranger ne comprenait pas. Prêt à lui tendre une main secourable, je m’approchai - outre le roumain, je parle sept langues - et lui demandai en allemand, français, anglais, italien, hongrois, espagnol et grec, si je pouvais lui rendre service. Mais en vain. L’étranger ne comprenait aucune de ces douze langues. Je me rappelai alors un article de journal traitant de l’espéranto que j’avais lu quelque temps auparavant, mais sans y ajouter foi. Je finis donc par lui demander : “Chu vi parolas Esperanton ?”. Un cri de joie me répondit : “Jes, mi parolas !”. Et il continua à me parler une langue qu’à mon tour je ne comprenais pas, car mes connaissances de l’espéranto se bornaient alors à cette seule phrase. Dès que l’étranger s’en aperçut, il remédia de suite à mon ignorance en me mettant dans la main une petite “Clef de l’Espéranto”, de celles qui existent dans la plupart des langues. Malgré son poids minime, ce livre contient la grammaire complète et le vocabulaire de la Langue Internationale. Je me mis aussitôt à l’étude et, dix heures plus tard, quand nous nous retrouvâmes sur le pont d’un bateau, je pouvais déjà me faire comprendre en espéranto.”


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès