J’ajouterai qu’à mon sens les arguments des opinions dissidentes que j’ai évoquées, basées sur les « traditions nationales » et les « systèmes qui ont fait leurs preuves », sont très dangereux.
Par exemple, au Royaume Uni il n’y avait pas de Cour Suprème, équivalente du Conseil d’Etat ou de la Cour de Cassation, et c’était la Chambre des Lords qui jouait ce rôle. Ce n’est que très récemment qu’une réforme a été entreprise.
Voir, entre autres, cet article tiré du site de la Cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/manifestations/conference/conferences_2006/co mite_fr_uk_16_05_06/16-05-06_intervention_rabatel.htm
intitulé :
« LA REFORME CONSTITUTIONNELLE DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES ANGLAISES (CONSTITUTIONAL REFORM ACT 2005 : IMPACTS ET ENJEUX) »
par BERNARD RABATEL, MAGISTRAT DE LIAISON AU ROYAUME-UNI
donc voici un extrait :
"Dépourvu de constitution écrite, le Royaume-Uni a longtemps été considéré comme étranger à ce principe. Ne croyez pas que je me livre à une analyse personnelle ou à une critique facile : le Lord Chancellor reconnaît lui-même que son pays ne se conformait pas à ce principe. Dans un rapport, il cite le professeur George Jones, lequel affirme que la notion de séparation des pouvoirs est étrangère au système constitutionnel britannique, le système anglais étant fondé sur la fusion ou l’entremêlement des pouvoirs.
Fidèle à son système de la common law et à sa tradition, le Royaume-Uni a vu se dessiner au fil des siècles une autorité judiciaire de plus en plus indépendante des pouvoirs législatif et exécutif. Depuis the Act of Settlement en 1701, l’indépendance des juges est reconnue. Cependant, cette indépendance ne signifie pas une séparation complète, même si, dans l’ensemble, la pratique des institutions se conformait à l’exigence d’indépendance de l’autorité judiciaire. Toutefois, de nombreuses zones d’ombres restaient, tout au moins théoriquement (là encore, la pratique respectait bien plus l’indépendance judiciaire que les règles). La juridiction suprême était un organe de la Chambre Haute ; le Lord Chancellor cumulait d’importantes fonctions législative, exécutive et judiciaire ; les juges étaient nommés par l’exécutif. Beaucoup de juristes britanniques ont imputé ces états de fait, contraires à nos principes démocratiques et à la CEDH (article 6), à l’absence de règles écrites.
Un renversement complet de la conception britannique se dessine avec le Constitutional Reform Act de 2005. Le royaume de la common law garantie l’indépendance judiciaire, remaniant fondamentalement un système construit il y a presque 900 ans. Et cela au travers d’un texte écrit à valeur constitutionnelle ! Véritable changement de philosophie où les garanties constitutionnelles prennent le pas sur l’usage et la tradition."